Lise au piano, une Regina Spektor made in France

Des filles qui ont réussi à me faire pleurer il n’y en a pas beaucoup : Owlle, Ane Brun et Hindi Zahra. Aujourd’hui je peux rajouter Lise, une jeune artiste que j’ai entendu pour la première fois mardi dernier, au théâtre des Déchargeurs, à Paris. Une toute petite salle en sous-sol, pierre apparente, et lumière basse. Un cadre ultra-intimiste et une proximité telle avec l’artiste que le public semble être aussi voire plus intimidé que l’artiste lui-même. On ose ni parlé ni chuchoté de peur de déranger Lise pendant son set.

Lise, parlons d’elle. Je ne connaissais ni d’Eve, ni d’Adam il y a un mois. Miss A me parle d’elle, et ne cesse de me faire ses louanges. Quand Miss A s’enflamme pour un artiste, souvent ce n’est pas pour rien. Ma curiosité est titillée, j’ai envie de découvrir cette jeune artiste. Et après ce concert au Déchargeur mardi dernier, je peux dire qu’à mon tour j’ai envie de m’enflammer.

Allure de petite fille, les cheveux attachés, et tout de sequins vêtue Lise se présente sur la petite scène. Elle s’installe derrière son piano, joue un titre puis un deuxième… Voix claire et fluette, des textes qui s’apparentent à des poèmes, mes yeux n’ont pas tenu deux morceaux avant de lâcher les premières larmes. Dieu, je me sens un peu stupide  et je me maudis silencieusement. “Enfin donc“, me dis-je, “si tu pleures au bout du deuxième titre comment vas-tu finir la soirée ?”  Le problème c’est que les textes de Lise qu’ils soient en français ou en anglais sont forts et parlent de véritables sentiments que nous les filles nous pouvons ressentir : la peur, celle qui fait claquer des dents, ou encore cette étrange façon de se comporter en parfaites idiotes pour plaire à un garçon. Elle raconte de belles histoires, des histoires d’amour un peu triste ou des histoires d’Iceberg arrachés à la mer qui fondent avant d’arriver sur la Terre ferme. Elle écrit des berceuses, et met même les poèmes d’Apollinaire en chanson. Là, c’est la deuxième fois que sur mes joues coulent une fine rivière de larmes. En grande fan d’Apollinaire, entendre L’émigrant de Landor Road chanté au piano me bouleverse. L’interprétation est parfaite, et Apollinaire, de la-haut peut se sentir de flatter d’entendre une si jolie voix mettre son poème en musique.

Fait étonnant, elle ose s’attaquer à un monument du rap 50 Cent. Elle reprend à son compte et au piano toujours le fameux “P.I.M.P” et lui donne une lecture toute particulière. Imaginez une élégante et frêle silhouette chanter “I’m a mother fucker P.I.M.P” ? C’est étrange, et pourtant ça fonctionne. Le titre est sublimé et on penserait presque qu’il s’agit d’une version originale.

Lise, c’est tout un personnage. Et plus le set avance, plus on a l’image de Regina Spektor en tête. Sa voix haut perchée et puissante semble toujours au bord de la rupture mais est en réalité parfaitement contrôlée. C’est une virtuose, ou une funambule qui fait glisser ses doigts sur son piano pour en sortir des mélodies à faire dresser les poils des avants-bras. “Heureusement que je joue du piano, c’est comme un paravent qui me protège” dit-elle d’ailleurs. C’est vrai que lorsque la belle arrête de jouer, on sent l’anxiété la regagner. Une anxiété qu’elle combat tant bien que mal en parlant beaucoup et en racontant énormément de blagues. C’est drôle et cela la rend touchante, charmante…Lise et son piano ont rempli leur mission du soir : je suis conquise, et promis je compte m’enflammer assez souvent pour cet artiste. Notez bien : son premier album sort en mai prochain.

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Sabine Swann Bouchoul