Raphael vu par Jacques Audiard

Vous ai-je déjà parlé de ma première fois ? Quand on fait le grand pas, et qu’on se jette à l’eau. On a un peu peur mais on est excité, on se sent pousser des ailes, et un sentiment de liberté grandit doucement dans le ventre. On brise les chaînes, et on brise les chaînes qui jusque-là nous tenaient prisonnier. C’était il y a six ou sept ans, à l’époque j’étais encore au lycée. Je découvrais doucement la musique, les festivals, les salles de concerts. Et un hôtel très particulier. L’Hôtel de l’Univers avec dedans des Petites Annonces qui avaient attisé ma curiosité. Et puis sont arrivées les premières larmes, les premiers chocs,  des secousses, des paroles comme un uppercut.

J’avais quelque chose comme 16 ans, et je trouvais chez ce garçon un je-ne-sais-quoi de Rimbaud, ce poète que j’aime tant. Peut-être est-ce dans l’allure, ce visage angélique quoique androgyne, cette fragilité à peine cachée. Il y avait dans ses textes (parfois alambiqués) une envie de changement et une position contre la société de consommation qui, sans doute ont résonné comme un écho dans la tête d’une lycéenne parisienne un peu bohème. La Réalité m’a rattrapé, elle m’a frappé en pleine figure et il devenait urgent d’en savoir en peu plus. Un besoin presque viscéral se faisait ressentir. Nos chemins se croiseront en 2005. Et, je finis par craquer totalement. Mais, il manie la langue française tel un poète. Il aime David Bowie, et les Clash, leur rend d’ailleurs hommage sur scène. J’adhère.

Non, il n’a pas une voix qui prend aux tripes, il ne joue pas de la guitare comme Jimi Hendrix. D’ailleurs il n’est pas rockeur, ni folkeux. C’est juste Raphael. Mon Raphael à moi.

L’as-tu déjà vu en concert ? Moi, c’était donc mon premier vrai concert seule. C’était ma première fois, c’est lui qui m’a transmis le virus du live. Ce virus qui aujourd’hui prend le contrôle de ma personne et qui ne connaît pas d’anti-corps et qui t’empêche de dire « non » à un concert. Imagines-tu un live vu par les yeux de Jacques Audiard ? C’est possible, il l’a fait pour Raphael. Et ça sort le 2 décembre.

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Les mots d’Audiard :

JE CONNAIS RAPHAEL DEPUIS LONGTEMPS.NOUS AVONS DÉJÀ TRAVAILLÉ ENSEMBLE : J’AVAIS RÉALISÉ UN CLIP POUR SON DEUXIÈME ALBUM. JUSQUE LÀ, RIEN DE SPÉCIFIQUE : CE QUE J’AVAIS FAIT POUR LUI, JE L’AVAIS FAIT POUR D’AUTRES. CE QU’IL Y A EU DEPUIS DE DIFFÉRENT ENTRE NOUS, C’EST L’ÉMERGENCE ET LA PERSISTANCE D’UN HORS – «CHAMP-PROFESSIONNEL»; DE LOIN EN LOIN, ET MÊME PARFOIS DE TRÈS EN TRÈS LOIN, NOUS NOUS RETROUVONS. «CONTINUITÉ», «RELATION»… – LE MOT JUSTE SERAIT EN FAIT : CONVERSATION. LE SOUVENIR EST LOINTAIN DE SON AMORCE, MAIS IL RESTE QU’À CHAQUE NOUVELLE OCCASION, ELLE REPREND TRÈS NATURELLEMENT LÀ OÙ NOUS L’AVONS LAISSÉE. ELLE REPART SANS PROGRAMME, NI CERTITUDE QU’AURAIENT SÉDIMENTÉS NOS ÉCHANGES; ELLE EMBRAYE, SIMPLE, JUSTE NOURRIE PAR «CE QUI S’EST PASSÉ DEPUIS LA DERNIÈRE FOIS».

NOUS ENTRETENONS DONC UNE CONVERSATION, OÙ L’ON S’ÉCHANGE CE QU’INTERROGENT NOS VIES – ET BIEN SÛR : NOS MÉTIERS. ALORS À LA QUESTION : «QUI D’AUTRE QUE NOUS CETTE CONVERSATION POURRAIT-ELLE CONCERNER ?» LA RÉPONSE EST : PERSONNE. PERSONNE, EN THÉORIE. PERSONNE A PRIORI. PERSONNE, SOUS CETTE FORME-LÀ, DIALOGUÉE.

ET RAPHAEL, UN JOUR, D’EN PROPOSER UNE AUTRE : ZÉRO PAROLE ÉCHANGÉE, CETTE FOIS. UN OBJET FABRIQUÉ. À FABRIQUER. ET CHACUN SON MÉTIER. UN REGARD PORTÉ, SUR UN, DEUX CONCERTS PAR EXEMPLE : CHACUN À SON POSTE. REGARDER LA SCÈNE S’ANIMER, CE QUI SE PASSE DESSUS ET AUTOUR, ET PROPOSER EN IMAGES ET SONS ARTICULÉS DANS UNE FORME AD HOC, UNE IMAGE JUSTE. L’ENTREPRISE NE VAUDRA QUE SI ON N’OUBLIE PAS L’ESSENTIEL : LE PUBLIC, À QUI IL EST DESTINÉ. L’OBJET EST À PENSER, ET CISELER, «TOUT NU», AVEC LE MOINS DE CERTITUDES POSSIBLES AU DÉPART, SAUF CETTE RÉSOLUTION DE NE PAS L’IGNORER.