Bref aperçu du monde des photographes de concerts

Avertissement âmes sensibles :  ceci est à prendre au second degré.

Beauregard

Ça fait maintenant plus d’un an qu’on parle de ce billet avec Swann. Il était temps de se lancer.
Lorsqu’on se rend à un concert, il y a toujours qu’on le veuille ou non, des spectateurs, des techniciens, des vigiles… et des photographes. Des “pros” ou pas. La distinction se fait surtout dans le fait que les “pros” ont du matos qui vaut une maison, et qu’ils ont aussi accès au devant des scènes, pendant une moyenne de 3 titres (voire 4 ou 5 quand tu fais exprès de ne pas compter (et les vigiles ne font pas attention)). Deux avantages non-négligeables. Après vous pouvez très bien rétorquer qu’un appareil à 1 million d’euro (quoi j’exagère?) et 3 titres pour voir les trous de nez d’un artiste ce n’est pas forcément la fête à l’andouille. À l’opposé, tu trouves le non-professionnel et son petit réflex, qui tente de s’insérer dans ce cercle très fermé, avec son “matos” de kéké de cour de récré.

Le résultat pour moi est le même, mais ça doit être parce que je suis une grosse inculte dans ce milieu élitiste où le nombrilisme et l’ego sont deux valeurs reines. Une photo c’est une photo. Une photo prise par un pro et non-pro à quelques centimètres près, avec une “cam” de bonne qualité, ça donne sincèrement (presque) le même résultat (testé et approuvé).
Bon, bien sur, il y a “le moment”, “THE instant” ou tu enclenches la gachette de l’appareil super perfectionné qui fait tout pour toi. Après, il ne te restes plus qu’à télécharger les centaines des photos de ta carte mémoire, en choisir certaines parmi celles qui ne sont pas trop laides, pas trop floues, pas trop ratées .. bref qu’on reconnaisse quand même vaguement le sujet. L’étape suivante est majeure dans le traitement de la photo. Elle est même vitale et absolument essentielle. Il s’agit bien entendu de l’art de la retouche ! Un bon coup de Photoshop, quelques calques, un peu de manips sur l’exposition, la netteté, la saturation et les contrastes et BIM! vous avez une photo de concert.

Fnac Live

Si j’ai fait une grosse digression, c’est avant tout pour vous parler de quelques faits troublants qui m’ont interpelée et troublée à propos des photographes professionnels.

– Le premier aspect porte sur la protection d’un territoire protégé par leurs soins, ce “no man’s land” qu’est l’avant scène. Celui ou celle qui a l’audace de s’y aventurer aura le droit à des regards supérieurs de mâles dominants t’annonçant la couleur : tu as dépassé la frontière entre les gueux et les artistes. Si tu oses y faire face et maintenir ta position, tu deviendras un poteau ennemi dans leur esprit. Dès lors se poster devant toi, te pousser et te gêner, sera leur leitmotiv.

– La seconde remarque touche plus à l’aspect visuel des photographes, qu’il est plus que facile de reconnaître. LE NOIR ! Quoi le noir ?
“Noir sur noiiiir” … Le noir est en effet la couleur que tu DOIS porter si tu veux te glisser dans la masse. Et si tu as un tee-shirt qui cumule le noir, et un logo de cette boisson culte du concert qu’est la bière … alors tu seras alors le roi du bal, le plus beau pour aller danser.

– Un photographe est souple et sportif. Si tu ne contorsionnes pas, c’est que tu n’es pas fait pour la profession. Mais avant de te contorsionner, n’oublie pas de repérer le meilleur angle pour le faire, en jetant d’un air sévère des regards à la foule qui te gène dans l’exercice de ta fonction. Tu es un cow-boy, et tu tiens à ce que ça se sache (c’est tellement plus drôle de se coucher sur le dos que de rester debout).

– L’ami photographe aime se plaindre. Des lumières, des basses, de son matos, du public… “les conditions du shoot franchement frérot, c’était l’angoisse”. Mais surtout le photographe aime se plaindre des armées de blogueurs qu’ils doivent côtoyer à armes égales dans le crash. “Jean-René, tu verrais la taille de leur boitier tu rigolerais !”.

– Enfin, il est nécessaire pour la survie du photographe de ne parler à personne, seulement à des confrères/concurrents, frères de sacs à dos, car la plèbe ne comprend rien à l’art de la Photographie. Un regard de killer suffit à leur faire comprendre, il s’agit de ton pain quotidien, on ne rigole pas avec la nourriture.

Ce qu’il faut noter pour finir, c’est également que cette profession est bien trop souvent masculine. La testostérone induit que tu peux/dois jouer des épaules et des biceps. Personne n’a le droit de te regarder de travers, car tu es en mission ce soir, même si tu vas te faire chier pendant la première partie. Ta mission si tu l’acceptes, c’est de faire des photos qui se vendent pour pouvoir manger un minimum, et survivre dans ce monde de brutes.
Si tu veux vraiment gagner un petit pactole, retouches la photo à fond, pour qu’on ne la reconnaisse plus, et surtout que les couleurs ne soient plus les mêmes. Alors seulement là, tu pourras te féliciter de ton talent.

On va s’arrêter là.. Je me tiendrai cependant devant un mur entre 12h et 14h le premier vendredi du mois si certains veulent me fusiller. Adieu.

Article écrit en juin 2012.