On a écouté : Places de Lou Doillon

Lou Doillon cumule deux tares qui n’est pas bon de mentionner sur le CV lorsqu’on débarque dans la musique. Elle est actrice. Et c’est une “fille de”. Deux tares donc qui ont délié les mauvaises langues avant même qu’un support ne sort. Ne leur déplaise, son album Places est un bijou. Ni plus ni plus moins. Il fait parti de ces albums qui marque et qui ne s’oublie pas.

Fille de Jane Birkin et Jacques Doillon, demi-sœur de Charlotte Gainsbourg, dans cette famille royale Lou fait office de vilain petit canard. Dans cette famille où chaque membre réussit, elle est celle qui rate. 17 films à son actif, 17 flops comme elle le dit. Mère célibataire, femme fauchée. Après l’échec du film Blanche en 2002, Lou ne reçoit plus aucun scénario, elle trouve alors refuge dans la musique, seul exutoire qui lui permet de maintenir la tête hors de l’eau. Seule, elle bricole sur sa guitare acoustique des compositions aux accords très simples.  Seule encore, elle écrit dans sa cuisine près de quatre cents chansons. Jane Birkin demandera à Étienne Daho, un ami de la famille, de jeter une oreille sur le travail de sa fille. Il craque immédiatement pour les textes et la voix éraillée. Séduit aussi par la fragilité de cette princesse déchue, il la prend sous son aile et l’aide à passer de l’ombre à la lumière.

L’écorchée

Places est un recueil d’état d’âme, un album intemporel d’une rare élégance qui oscille entre soul et folk hanté. Un album de onze pépites à l’écoute duquel on ressort bouleversé. Point de fioritures. Les arrangements sont subtils et classieux (résultat du travail d’orfèvre de Zdar). On navigue entre la comptine enragée (Make a Sound) et la complainte chuchotée (Places). Surtout, on ne reste pas insensible à cette voix singulière à la fois grave et voilée, fragile et masculine, écorchée et gorgée de soul.

Avec une simplicité et une sincérité désarmante, Lou Doillon raconte en anglais, sa langue maternelle, son histoire à elle : celle d’une fille paumée qui cherche à donner un sens à sa vie. Elle aborde le manque d’affection, sa dépression (One day after the others), les histoires d’amour ratées qui ont peuplé sa vie (Same old Game), les souffrances causées par les incessantes comparaisons avec sa mère et sa demi-sœur (Questions & Answers).

On retrouve un peu de Patti Smith ou de la pionnière folk Karen Dalton dans Lou Doillon. Comme elles, on a le sentiment d’avoir affaire à une vieille âme meurtrie par le temps et les épreuves. Une vieille âme qui, à trente ans sort enfin du bois et n’a pas fini de surprendre.

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=QXTzKYBDKWE]