On a écouté : Pushing against a stone de Valerie June

Valerie June est de ces artistes qui nous rappellent quelques fois que les Etats-Unis ne sont pas qu’une terre de castes, de déchirements raciaux, et de haines de l’autre. Comme Elvis Presley en son temps, le blanc qui chantait comme un noir, elle parvient avec son dernier album Pushin against a stone, à nous noyer magnifiquement dans des courants musicaux contraires: la tasse a été pour une fois agréable.

Valerie june

Valerie June est né en 1982 à Jackson dans le Tennesse. Elle est l’ainée d’une fratrie de cinq. Comme beaucoup de jeunes afro-américains, elle sera grandement influencée par la soul et le gospel des églises qu’elle fréquentait assidument. Mais la petite grandit dans le sud américain, au milieu de ces grandes plaines du Mississipi où les chanteurs de bluegrass arpentent les foires agraires, et où la radio recrache de la country à longueur d’onde. Valerie June a cette double culture, et elle saura s’en servir. Après avoir travaillé avec son père, promoteur de chanteurs de gospel mais aussi d’un certain Prince, elle prend la route et emménage à 19 ans à Memphis, où elle forme avec son mari le duo Bella Sun. Les histoires d’amour finissant mal en général, elle divorce, et se met à la guitare, au banjo et au lap steel guitar (ce truc de feignants qui ne veulent même pas porter correctement leur instrument). Rapidement, elle auto-produit trois albums : The Way Of The Weeping Willow en 2006, Mountain Of Rose Quartz en 2008 et Valerie June And The Tennessee Express en 2010. Ayant signé sur le label Sunday Best, elle sort en 2013 Pushin against a Stone. Celui dont les goûts musicaux pratiquent le grand écart, ne sera pas déçu par cet opus.

Les multiples cultures musicales que June a reçu dans son enfance ressortent ici avec une grâce non négligeable. Elle ouvre son album avec « Workin’ Woman Blues » où vous pourrez deviner une intro à la Ben Harper, un rythme redondant à la Nina Simone dans « Sinner Man », et des cuivres à la Joe Bataan dans « Shaft » : beau mélange s’il en est… Le deuxième morceau «Somebody To Love » nous fait entrer dans les vieilles ballades pleines de plaintes de la country, avec en arrière plan un vieux violon qui pleure. Avec le troisième morceau, « The Hour », on arrive à la fin des années 50, temps où les groupes vocaux issus du gospel régnaient en maître dans les discographies de harlem. Avec « Twined & Twisted », elle signe un guitare-voix mélodique digne de Joan Baez. L’album est entièrement fait de la sorte : de longs voyages sur le territoire américain, d’allées et venues, de retours en arrière et de virage à 180 degrés. Tout cela est magnifiquement porté par une voix tantôt fragile tantôt profonde, qui sait s’adapter aux propos et aux tonalités de ses chansons. Aidée par Dan Auerbach, la belle aux cheveux de Méduse a su nous livrer un album métissé certes, mais surtout beau.

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Charles L.