On a pris le temps d’écouter : Racine Carrée de Stromae

Le deuxième album de Stromae “Racine Carrée” est enfin sorti dans les bacs. On ne va pas vous refaire le topo des compositions réalisées chez ses parents, ni des rythmes afros qu’il a utilisé pour cet album, sorte d’hommage à son père rwandais qu’il a très peu connu. On ne va pas non plus vous affirmer que c’est l’album de l’année. Mais on va essayer d’en parler quand même en évitant les redondances avec la dizaine de milliers d’articles qui est parue à son propos (je suis devenue la reine de la prétérition).

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D’abord, on a adoré “Formidable” et “Papaoutai” et il faut le dire. Alors peut-être qu’on en attendait beaucoup trop. Il faut dire que la barre était placée très très haute avec ça. Trop haute. Car ces deux singles étaient parfaits. Difficile de faire encore mieux.

Une chose est évidente quand on écoute Racine Carrée pour la première fois. Les textes sont toujours aussi bons, c’est facile à écouter. Stromae est doué. Il a son écriture, sa patte, ses jeux de mots, son humour, son ironie surtout. Rien à dire de ce côté là, c’est vraiment bon. Cependant ce qui m’a marquée c’est la tristesse ambiante. Une espèce de fatalité généralisée qui dégouline dans tous ces textes (même dans son hommage à Cesaria Evora “Ave Cesaria“). Certes il raconte des faits de société quotidiens plutôt habituels , mais il a la (fâcheuse?) tendance à souligner tout ce qui ne va pas. C’est ce qui doit en faire son charme non ?

Au niveau de l’album, il y a de bonnes choses quand même. Du moins ça dépend des jours où j’écoute l’album. Parfois j’ai la singulière impression d’entendre des textes un peu bidons, un peu trop candides ou alors trop clichés. Parfois je me laisse complètement envoutée et je me dis que tout ce tapage médiatique est franchement mérité. Indécision quand tu nous tiens.

“Un morceau sans boum boum c’est comme Venise sans Godoles, c’est comme des moules sans les frites” – Les leçons de Stromae

On retrouve un peu de “Cheese” dans “Ta Fête” (“Toi tu n’as qu’une seule envie tu aimerais faire la fête, ta mère veut te la faire aussi, ta fête, le juge voudrait voudrait te faire ta fête, tout le monde te fera aussi, ta fête”) et dans “Bâtard” qui évoque cette indécision identitaire, cette dualité ou complémentarité culturelle, ces doutes souvent présents chez Stromae quant à ses origines.

Il a de vraies petites pépites dans Racine Carrée. Dans “Tous les mêmes”, Stromae personnalise une femme qui quitte son mec un chouille macho qui lui fait des reproches sur leur vie de couple avant s’en aller. L’instrumentalisation est aussi géniale, rythmes sud-américains, et cuivres à gogo. Honnêtement j’ai trouvé ça ultra réaliste (et très drôle aussi) : “Matte une dernière fois mon derrière, il est à côté de mes valises, tu diras au revoir à ta mère, elle qui t’idéalise, arrête je sais que tu mens il n’y a que Kate Moss qui est éternelle”.

Je pense aussi à “Quand c’est ?” qui aborde le thème du fléau que représente la généralisation des cancers dans nos sociétés, avec un pessimisme auquel beaucoup d’entre nous on déjà du faire face. “Mais oui on se connaît bien, t’as même voulu te faire ma mère. T’as commencé par ses seins, et puis du poumon à mon père tu t’en souviens ?”. Une vraie madeleine proustienne.

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J’ai aussi bien kiffé “avf” initiales pour “allez vous faire”, un featuring avec Maître Gims et OrelSan. Bien sur ça aborde les sujets “habituels” du rap : argent, politique, travail, télévision, avarice … Mais il y a une vraie force dans cette chanson (un peu commerciale certes), peut-être liée à cette rythmique de manifs qui s’incruste dans les crânes comme un empoisonnant Petit Bonhomme en Mousse.

Il a ces titres où je suis plutôt mitigée, où je ne sais pas encore quoi penser. “Humain à l’eau” en est l’exemple même. Le texte m’a séduite bien que très acerbe, mais l’instru est trop “rough” pour moi. Pareil pour “Sommeil” où j’ai du mal avec l’instru bien que le texte soit particulièrement pragmatique. Peut-être me faut-il un peu de recul encore.

Par contre, je n’ai pas du tout accroché avec “Carmen” qui traîte de Twitter et de l’ego : “D’abord on s’affilie, ensuite on se follow, on en devient fêlé et on finit solo. Prends garde à toi”. Il faut dire que remasteriser du classique (Bizet) je déteste ça. “Moule-frites” à côté ne m’a pas du tout touchée. Y’a des chansons comme ça …

Pour finir, il faut avouer que c’est un bon album. Du travail, et une vraie intelligence, commerciale et musicale. Oui, on a encore bien kiffé le Stromae.

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