Bordeaux se Relâche

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Chaque été à Bordeaux se déroule le festival Relâche, dans divers endroits parsemés aux quatre coins de la ville et des environs. C’est avant tout l’occasion de se laisser aller dans des cadres originaux à des divagations musicales de tout genre : rock, pop, chanson, hop hop, électro … Parmi ces lieux, les Vivres de l’Art, atelier d’artiste cerné par de vieux bâtiments désaffectés et rempli de sculptures en tout genre , que j’ai allègrement squatté. Report :

Episode 1 : Blake’s got a new face

Bon, ok, c’était pas Relâche. Un peu quand même. Mais pas totalement. Bref, rendez-vous au Rocher de Palmer à Cenon pour ma première soirée au festival Relâche. Au programme ce soir, le A, mais aussi et surtout un de mes groupes préférés, j’ai nommé Vampire Weekend.

Le A, c’est un groupe de filles … Ou presque, puisque à la batterie, on retrouve un homme très chevelu. La première chose qui m’est venue à l’esprit en écoutant leur musique, c’est “j’ai déjà entendu ça quelque part”, et c’est pas bon signe. Warpaint n’est pas noté dans leurs influences, mais c’est pourtant l’une des ressemblances les plus claires qu’on peut identifier. Ensuite, ce fameux batteur semble tout droit sorti des années 90 (Sonic Youth et tout le reste), ce qui ajoute un peu à l’intérêt pas gigantesque de l’ensemble. À la fin du concert, beaucoup de personnes du public disaient “ça tourne en rond quand même” et oui, en somme.

Qu’on se le dise : Le A n’était vraiment pas le meilleur choix de première partie pour un groupe comme Vampire Weekend. C’est donc devant un public excité mais endormi que les quatre New Yorkais dressent la tapisserie de fond de scène et entament un Cousins endiablé qui réussira à secouer la salle. S’en suit un set quasi-parfait, alternant ballades pop (Hannah Hunt, Cape Cod Kwassa Kwassa, Ya Hey  …) avec des titres plus énergiques (Diane Young, Run ou l’énorme A-Punk), le tout équilibré entre les trois albums du groupe. Public emballé à 300%, grâce à l’apparente bonne humeur d’Ezra Koenig et la danse perpétuelle du bassiste. Le concert se finira sur un Walcott de torture, puisqu’on ne veut pas qu’ils s’en aillent. On n’aura même pas droit à un petit rappel. Mais on en ressort avec le sourire pour trois jours.

Episode 2 : c’est des gouttes de pluie ça, non ?

Pour ce deuxième soir, place au Rock (et à la bière) avec Movie Star Junkie, The Feeling Of Love, Waves Of Fury et clou de la soirée, le p’tit qui monte Mikal Cronin. Le p’tit n’est pas un novice, puisqu’il a notamment travaillé avec Ty Segall, membre proéminent de la scène rock psyché punk (toujours plus) états uniene. Ce dernier était présent l’année dernière dans le groupe de Ty Segall (soirée qui avait invité Ewert & the two Dragons, Destroyer, etc.).

Côté public, des pantalons rouges, des pantalons verts, des robes courtes, des robes longues, des chapeaux, des bonnets, des blousons en cuir, des chaussures jaunes, des sacs en forme d’ananas, des barbes, plein de barbes : pas de doute, on est dans l’un des rendez-vous de la hype bordelaise. Et des parents de la hype, parce que le rock destroy, “c’est de famille – chez eux – tu vois ?”.

Côté scène, les Italiens de Movie Star Junkie entament la soirée. Le chanteur, saladier sur la tête, se fait renverser de la bière dessus par son comparse le guitariste. C’est le seul fait marquant. Musique sympa, on sent une inspiration western dans les mélodies, un peu psyché aussi, mais mieux sonorisé, ça aurait été plus agréable.

Malheureusement, pas de deuxième groupe. Ni de troisième. Ni rien du tout, puisque la pluie en a décidé ainsi. Tant pis, ça s’annonçait bien !

Épisode 3 : Rock’n Hot Dog, babe.

Cette fois ci, le soleil est au rendez-vous … Contrairement à l’organisation générale, qui nous a forcé à attendre une demi heure le premier concert, les réglages ayant pris du retard, mais qu’importe.  19h30, voici venir I Am A Band, qui comme son nom l’indique, fait tout, tout seul : guitare, chant, batterie. Et malheureusement, l’inconvénient de ce genre de chose, c’est qu’on tourne souvent en rond. Même si ses compositions, assez inspirées du plat pays d’Amérique du Nord, celui où la peine de mort existe encore, sont assez plaisantes, on en fait vite le tour. “Mais, ça fait 10 minutes qu’il chante la même chose. Non ?” Bah non. Quelques petits morceaux sympas quand même (comme celui ci par exemple). (À noter : si les gens sont allongés sur la colline et parlent entre eux, c’est que t’arrives pas à capter leur attention, ce qui est mauvais signe pour ta carrière musicale. Et c’est pas la peine de lancer des “j’espère que je ne vous dérange pas ceux qui dorment là bas” entre deux chansons, ça ne marchera pas mieux). Par chance, le public se réveille sur la fin avec des chansons beaucoup plus énergiques.

Puis vient le tour de Moon Duo, le trio originaire de San Francisco (également présent à la Route du Rock) qui nous délivre un set tout en puissance, lignes de guitare psychédéliques et solo aérien. Le public est emballé dès la première chanson, et le reste du concert ne perdra pas en intensité. Un bon trip, un bon groupe, un bon concert.

Un fabuleux hot dog du Catering plus tard et voila qu’arrivent les Dum Dum Boys. Une espèce de groupe de la trempe des Wampas, assez sympa quand t’as quinze litres de bière dans le bide (comme eux), sinon, c’est très, très lourd. Et le plus lourd dans l’histoire, ce sont les aficionados du groupe, qui dans un élan de folie enjambent les barrieres, grimpent sur le matos, cassent la caméra du Monsieur Film et veulent recommencer la chose.
Malheureusement, la moitié du public étant pleine à mourir, ça n’est plus vraiment par plaisir qu’on applaudit, mais pour ne pas se faire engueuler si on n’applaudit pas. Ciao los amigos, c’est pas mon trip. Tant pis pour Bass Drum Of Death.

Episode 4 : pas d’épisode 4

Je voulais malgré tout faire un épisode 4, parce qu’initialement, j’avais prévu d’aller à un autre concert du festival, mais les choses étant ce qu’elles sont …(3615 MAVIE) Bref. Effectivement, le 31 Août, l’une des dernières soirées du festival se déroulait à quelques dizaines de kilomètres de Bordeaux (au Taillan Médoc si ça vous intéresse). Et le programme était assez alléchant, puisqu’allaient se succéder June, les North Odd Preppies, les Be Quiet et le grand, l’unique, le méchant Didier Super. “Alléchant t’as dit ?” Très certainement.

Bon, June, c’est un petit groupe du coin qui a gagné le tremplin rock de la ville mais que je n’ai pas encore eu l’occasion d’écouter.

North Odd Preppies, dont vous pouvez écouter le très bon l’EP ici, ce sont des petits bordelais assez prometteurs qui font dans la dream pop aux accents new wave, très planante, qui rappelle un peu (ne me tapez pas) les Smiths qui mangent Neufvoin/Neøv et des choses comme Wild Nothing. On y retrouve également quelques côtés de la scène rock indépendante de ces dernières années (Foals & Cie.).  Affaire à suivre.

Les Bordelais de Be Quiet, quant à eux, commencent à percer dans le milieu, puisque non seulement ils font régulièrement des concerts à Paris, mais en plus, consécration ultime, les Inrocks ont parlé d’eux. Comme ça : “A seulement 18 ans de moyenne d’âge, la formation impressionne avec Primal, un premier EP qui a déjà fait couler beaucoup d’encre”. Ça en jette, non ? Depuis leurs débuts, leur son a évolué. On les avait connus à l’époque où MySpace marchait encore, ils enchaînaient alors les premières parties (Luke, Justin Nozuka, Hangar, Keziah Jones …) avec des chansons qui résonnaient comme un mélange entre Arctic Monkeys et les Strokes. Normal pour l’époque. Pourtant, le groupe a su évoluer et s’est dirigé vers des sphères plus rock new wave, cold wave … tout ce qui finit par -wave fonctionne. Très inspirés par les années 80-90 donc. Infancy évoque aisément New Order quand Zelda évoque The Horrors et Sonic Youth. Dire qu’ils sont prometteurs est un euphémisme. Pour écouter tout ça (et on vous y encourage), c’est ici.

Enfin, parlons du cas Super. C’est un peu comme pour Katerine : on aime ou on n’aime pas. Si comme moi, chanter “petit caniche, peluche pour vieux” devant une maison de retraite ne vous dérange pas, allez-y les yeux fermés. Y’en a marre des pauvresOn va tous creverY’en a des biens, les chansons à texte se comptent par dizaines, toutes plus engagées, profondes et poétiques les unes que les autres. Le monsieur a même fait une comédie musicale intitulée “Et si Didier Super était la réincarnation du Christ ?” qui lui a valu une petite réputation de raciste et intolérant. Si on ne se rend pas rapidement compte que tout ça est du domaine du millième degré, on passe à côté de la magnificence de cette reprise de Début de Soirée version hard rock par exemple. Bref, un joyeux bordel que vous pourrez retrouver sur scène car Didier Super part en tournée en France, soit pour sa comédie musicale, soit en “solo”.

Cet été aura donc été placé sous le signe du rock à Bordeaux, et on attend avec impatience l’édition 2014 !