Pourquoi je n’ai pas aimé Inside Llewyn Davis

Oui je n’ai pas aimé Inside Llewyn Davis. Je peux déjà voir vos yeux rouler et vos joues se gonfler. “Enfin, c’est un film des Coen quoi, tu peux pas ne pas aimer? T’as rien compris.”

Peut-être.

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Laissons trois minutes Inside Llewyn Davis et les frères Coen. Je vais vous parler de moi, je, Swann, amoureuse de folk. Du vrai. Du traditionnel, tu sais celui qui fait rigoler les français qui considèrent que c’est de la musique de ploucs. Voyez-vous, la première fois que j’ai entendu “The House of Rising Sun” chanté par Bob Dylan, ça m’a fait un choc dans tout mon corps et dans toute ma tête. L’éléctrochoc. Ça a littéralement changé mon rapport à la musique, j’avais découvert le style que j’allais aimer, chérir le plus : le folk. Non, ce n’est pas un cliché.

A partir de Bob Dylan, j’ai commencé à dresser l’arbre généalogique du folk, j’ai plongé mon nez dans des bouquins de folksong et mes oreilles dans des milliers de chansons, d’album. C’est d’ailleurs, parce que j’aime le folk, profondément, que j’avais d’ailleurs décidé, en premier lieu, d’ouvrir ce blog. Certes, parfois, on s’en éloigne. J’aime la fragilité et la force des chansons folk. Des chansons tristes, des chansons simples, des chansons d’amour, des chansons protestataires, des chansons engagées, des chansons à arpèges, des chansons avec quelques accords, des chansons traditionnelles qui se transmettent de générations en générations, si bien qu’on oublie leurs auteurs et qu’on ne retient qu’elle. On a retrouvé certaines d’ailleurs dans Inside Llewis Davis. Quand on fait du folk, du vrai, les chansons vives à travers les chanteurs, elles passent à travers leurs corps, leurs bouches, leurs voix. Les chanteurs ne sont que des messagers. C’est ça le folk, le vrai. Les chansons passaient  de chanteurs en chanteurs, d’interprètes en interprètes si bien que parfois, on ne sait pas qui est l’auteur original. C’est comme ça. Cette transmission, ce passage de témoin et le fait que la musique soit finalement plus sacrée que les interprètes, voilà ce que j’aime dans le folk.

Les années 1960 ont été l’âge d’Or de cette musique,les Etats-Unis son berceau. Manhattan plus précisément. C’était the place to be lorsqu’on était un folk singer. La concurrence était rude. Beaucoup de chanteurs, pas assez de places. Certains ont réussi. D’autres ont échoué.  C’est l’histoire de la vie. Une histoire racontée d’ailleurs dans le bouquin de Dave Van Ronk, Mahantan Folk Story.

Qui ?

Le mec qui a inspiré les frères Coen. Le loser, Llewyn Davis c’est Dave Van Ronk, un vrai folksinger, proche de Bob Dylan. Un pur chanteur folk avec dans son répertoire des centaines de chansons typiquement folk. Comme Woody Guthrie, Hank Williams ou Bob Dylan. Pour la petite histoire la chanson “The House of Rising Sun” , chanson folk traditionnelle, qu’on entend sur le premier album du père Dylan, était en fait arrangée par Van Ronk. Dylan l’a mise sur son album alors que le chanteur ne l’avait pas autorisé.

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Revenons au film. Pourquoi je ne l’ai pas aimé, alors qu’il a tous les éléments pour me plaire. Du folk, Manhattan, du folk, un chanteur-loser, le génial John Goodman, le sexy Garrett Hudlund (insupportable poseur ici), le très crédible Oscar Isaac et… du folk.

Alors pourquoi ?

J’ai trouvé le film bâclé. Certes, les images sont belles. Le travail photographique est assez magistrale. Mais j’ai trouvé les scènes pas terminées et d’une longueur infinie. Le film n’est qu’une succession de scénettes, sans aucun lien reliées finalement par ce con de chat roux,. Voilà donc l’unique utilité de ce running-gag, complètement inutile à l’intrigue du film ? Quoique, en vrai… il n’y a pas vraiment d’intrigue. On suit simplement l’itinéraire d’un loser. Le cliché du musicien doué trop intègre qui collectionne les misères, il les collectionne tellement qu’il rate même sa sortie : fatigué de la musique, il décide de s’engager de nouveau dans la marine marchande. Mais même ça, ça foire. Llewyn, un garçon à la fois affligeant et magnifique qui ne peut s’en prendre qu’à lui-même de foirer sa vie.

Il y avait moyen de faire tellement mieux avec l’histoire de ce loser magnifique. Les frères Coen se sont contentés d’enfiler les misères, les ponctuer de superbes chansons folk (notamment la magnifique “Hang Me, Oh Hang Me” chantée par Isaac himself). Ils n’ont même pas su terminer le film et ont simplement user d’une astuce minable : la boucle. A ce qu’il parait, c’était histoire de bien te montrer que la vie de Davis est vraiment une véritable succession d’échec sans fin. Mouai. 

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En filigrane, Inside Llewyn Davis serait une réflexion sur la condition d’artiste, tu sais à quoi tient la réussite d’un musicien ? On t’apprend que c’est une question de chance, d’argent, de contact et que ton intégrité de musicien est à mettre au placard. Non, sans blague ? Je l’aurais pas cru.

Bref, déception. Ce que j’ai finalement le plus aimé dans le film ? La bande-son. Magnifique évidemment.

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D’autres chansons du film sur Deezer (le lien ne veut pas s’afficher, sorry)