Une nuit chez Peter Doherty

HISTOIRE – Elle a 24 ans. Elle est une fan de Peter Doherty. Un soir, elle le croise dans un bar. A ce moment précis, il devait être en concert. Pour se faire pardonner, il l’invite chez lui, pour un concert privé. Elle a vu une tout autre facette de Peter Doherty. Elle le raconte à RockNfool.

 

Tout le monde pense connaître Peter Doherty. Ses frasques, ses conquêtes, ses retards et ses annulations nourrissent une certaine légende autour de lui. Moi, je suis fan du mec. Oui quand je le dis, j’ai toujours le droit aux mêmes refrains : mais comment ? Le mec ne fait plus de musique, il n’a aucun respect pour le public.

Fan depuis quelques années, j’ai su me rendre compte de qui était réellement Peter Doherty. Un artiste, un pur artiste. Je n’ai jamais idéalisé Peter ni même fantasmé sur sa personne, j’ai toujours été terre à terre avec lui. Il a fait des conneries, il en fait toujours, je ne l’excuse en rien mais ça reste un des plus grands artistes que j’ai pu rencontrer du haut de mes 24 ans . C’est comme ça. Certains disent que c’est parce qu’il a trop de talent qu’il se comporte ainsi, que ça le bouffe… Je n’en sais rien, je ne suis pas psychologue. Bref. Peter c’est Peter et puis moi je pense que c’est bon aussi pour la musique, pour le public de ne pas avoir que des artistes lisses qui font gentiment ce qu’on leur demande. Un peu de rébellion ça ne fait jamais de mal.

Un soir d’annulation, en rentrant chez moi accompagnée d’une amie nous passons près d’un bar où il y a de l’action. A minuit, dans le quartier c’est rare. Au milieu de tout ce brouahaha, un homme avec un chapeau, assis. On se dit que c’est sûrement lui, qu’on va l’engueuler parce que bon, les annulations ça suffit hein. On en rigole bien sur. Combien de chance on avait de le croiser dans la rue  ?

Ce jour là, j’aurais du jouer au Loto.

Oui, c’est bien lui. Assis au milieu de badauds aussi étonnés que nous de l’y voir. Après cinq bonnes minutes de réflexion et après avoir feinté de ne pas y prêter attention (actor studio), on se lance. Nous ne l’engueulons pas. Nous sommes lâches, c’est vrai. Il s’excuse mille fois (au moins), on le sent vraiment désolé alors on efface tout. En échange, il nous propose un concert privé, oui pourquoi pas, le café où nous nous trouvons a l’air bien sympa pour cela. Sauf qu’aucune guitare à l’horizon. Avec mon amie, on se regarde et on se dit que la carotte n’est pas loin surtout qu’il commence à partir nous laissant là. Bon c’était un bon moment tout de même.

lI se retourne et nous demande de le suivre. OK. Mes parents m’ont toujours appris à ne pas suivre les étrangers, surtout en sortie de bar mais sur le moment je m’en foutais totalement. On le suit, il est accompagné de sa copine. J’étais pas totalement à l’aise dans cette situation : parce qu’il est avec sa copine, que mon anglais est assez instable et puis d’abord OU VA T-ON ? On marche, on marche, on marche mais on rigole aussi beaucoup, on court… D’un coup j’ai à nouveau 10 ans et diable que ça fait du bien. On s’arrête, on comprend que l’on est en face de chez lui. On se met en retrait parce que le respect tout ça… Il nous regarde comme si nous étions folles et nous dit de les suivre. Incompréhension totale. Je vais donc faire partie des « on raconte que ». Sur le moment je ne me dis pas du tout ça. Non, à ce moment précis j’ai encore 10 ans et je suis dans l’insouciance totale, je ne pense à rien. Nous sommes accueillies par un sifflet de train à l’ancienne et un “Welcome in Albion”, je demande à sa copine s’il est tout le temps comme ça… Réponse positive, nous rions.

Nous entrons.

Ce que je vois est exactement l’idée que je me faisais. Des souvenirs accrochés partout, des meubles chinés, des piles de livres, des dizaines de machines à écrire, des drapeaux de l’Angleterre, des photos, des malles, des guitares, des tableaux en cours de réalisation, des bougies, des papiers et partitions partout sur les murs et au sol… Un vrai beau bordel. C’était comme entrer d’un coup dans sa tête en fait.

Tout était comme je me l’étais imaginé, non en fait c’était même mieux. Et Peter ? Très gentil voire protecteur un peu comme un grand frère. Il nous parle comme si l’on se connaissait depuis des années.

Après nous avoir fait une visite-éclair des lieux, il nous donne une machine à écrire et nous demande de taper les morceaux que l’on veut jouer. Surréaliste un peu, mais on s’exécute. Que demander ? Combien de morceaux ? Est-ce qu’on abuse ou est-ce que justement on reste sage ? On demande 6 morceaux, dont un qu’il ne joue jamais et lorsqu’il voit le titre de ce morceau, il nous sort un “ah mais vous êtes des vrais fans, ça fait plaisir”. On s’assoit, il commence à jouer mais quelque chose ne va pas : il faut allumer les bougies. Je le fais donc sur “Music When The Lights Go Out” aka mon titre préféré de tous mes titres préférés. Le rêve. Le bonheur. Je plane.

Assises par terre, lui sur une malle (on reste sans le faire exprès dans une configuration de concert), on enchaîne les morceaux coupés de quelques discussions futiles. Je l’écoute, j’essaye de fixer mon regard sur lui mais l’endroit est tellement merveilleux que je ne peux m’empêcher de regarder partout comme une enfant à Disneyland.

Pete n’est pas dans sa meilleure forme c’est vrai mais il tient à le faire pour nous, pour “ses supers fans” comme il dit. Au bout de quelques morceaux (on en a eu plus que ce que l’on avait demandé), je vois qu’il est fatigué et je propose que l’on s’en aille, plus part politesse que par envie. Il est 3 heures du mat’, dans cinq heures je bosse, j’ai aussi eu un sursaut de responsabilité mais lui insiste : on doit rester. Il s’excuse encore mille fois, nous fait mille hugs, nous dit qu’il est chanceux d’avoir de tels fans… Nous prenons tout de même le chemin de la sortie.

Et là, il se rend compte de l’heure tardive, et le côté grand frère que j’avais perçu revient à la charge : il est bien trop tard pour que deux jeunes filles rentrent seules, il nous propose de nous payer le taxi. On refuse poliment considérant qu’on avait été assez gâtées tout de même. Il nous retient encore à nouveau avec des hugs et des mots tout gentils. Mais cette fois-ci, c’est bien terminé. Il nous invite à revenir dès que l’envie nous prend, bien entendu on sait que ce ne sont que des mots et que nous ne tenterions jamais de revenir.

Dire que j’en suis sortie chamboulée ne serait mentir. Non, j’en suis ressortie juste heureuse. Heureuse d’avoir eu raison dès le début sur cette personne, heureuse de ne pas avoir trop écouté les ragots, heureuse d’être fan. Et puis bien entendu, heureuse de m’être sentie privilégiée.
Ce moment était unique, je le sais. Nous n’avons pris aucune photo, volé aucun objet, les seuls souvenirs que j’ai sont dans ma tête. Parfois je me demande si je n’ai pas imaginé tout ça et parfois quand je raconte l’histoire, moi-même je ne me crois même pas. J’essaie de montrer aux gens que cet artiste est quelqu’un qui mérite qu’on aille au delà de ce qu’on croit savoir sur lui.

Tout le monde pense connaître Peter Doherty, c’est faux.