Colours in the Street : “On ne se voit pas chanter en français”

Tu sais, moi et les interviews c’est toujours une bonne histoire à raconter. Je te dirais bien que je me rends compte dans le rer que j’ai oublié ma carte SD et que quelques minutes après je me prends une belle amende pour fraude de Carte Navigo (arrête de me faire ce regard répraubateur, on a tous des hauts et des bas). Tout ça sur le chemin du Café de la Danse, l’histoire de me chauffer le moral. Ca faisait longtemps qu’on voulait rencontrer les Colours In The Street donc je n’ai pas fait demi-tour pour aller pleurer sur mon sort et insulter la RATP. J’ai plutôt profité de leur première date parisienne pour enfin leur parler, quelques jours seulement après la sortie de leur premier album Royaume.

Question bête, mais question obligatoire pour commencer. Pourquoi Royaume ?
Lucien : On a d’abord beaucoup réfléchit à des noms en anglais, mais ça ne venait pas, et spontanément c’est un nom en français qui est venu. Ensuite parce que ça nous tenait à coeur d’avoir un nom en français par rapport à nos chansons qui sont en anglais. Et puis Royaume par forcément comme royaume dans un sens médiéval, mais plus comme…
Alex : Notre univers.
Lucien : Voilà, notre univers, il se passe plein de choses dans ce royaume, au sein de cet album…
Alex : Cet album c’est notre monde à nous, c’est notre royaume.
Je sens la question qu’on vous a posé 10  000 fois !
Alex : Même pas !
Lucien : Tu es la première…
Alex : On l’a travaillée (sourire).

Votre album est enfin sorti. Aucun regret ? Rien que vous auriez fait autrement ?
Noé : Non vraiment, on n’a aucun regret. Au moment où notre album est sorti, c’était comme une page qui se refermait. On a passé quand même un an et demi à le faire, avec toutes les étapes : composition, enregistrement, mixage, communication… C’est vrai qu’on a vachement évolué pendant toute cette période, mais maintenant c’est fait. L’album est enregistré, il n’y a aucun regret à avoir. On est hyper contents, on a de bons retours. Maintenant il n’y a plus qu’à. Il n’y a plus qu’à le jouer, le défendre en live, et à écrire un deuxième album.

Vous êtes déjà lancés sur le prochain ?
Alex  : On n’a pas foncièrement de pistes, mais on veut tous en sortir un deuxième.

Noé  : On y pense mais on n’est pas encore dedans. Ça va venir tranquillement, là on est surtout occupé à défendre notre album sur scène et partout.

Je crois avoir lu que vous aviez arrêté vos études pour la musique.
Alex  : On a tous arrêté cette année nos études. C’est simple, on se voit trois fois par semaine, on habite tous dans la même ville à Poitiers et on bosse dans un studio dans le centre-ville. À fond, tous les jours. On a ce rythme là depuis septembre. Sur la tournée peut-être qu’on se verra un peu moins puisqu’il y aura plus de boulot, plus de jours pris pour les concerts. On considère un peu ça comme notre métier, notre passion, c’est ça qui est cool dans la musique, donc on n’y va pas en traînant des pieds, c’est sur.
Lucien  : C’est même trois jours minimum, car en général on se voit pour faire d’autres trucs à côté.

Chanter en français ça ne vous dit absolument rien  ?
Tous  : Non.
Alex  : Tu pourrais mettre non, juste non. Moi pas du tout en tant que chanteur je ne me vois pas du tout chanter en français, au niveau des influences du groupe non plus…
Noé  : Ce n’est pas qu’on n’aime pas le français, c’est juste que Colours c’est en anglais, c’est tout.
Alexis  : Ça ne me dérangerait pas dans un projet à côté, mais c’est vrai qu’il se trouve que Colours c’est en anglais.
Lucien  : Le français vu que c’est ta langue maternelle tu y attaches aussi beaucoup plus d’importance. Un texte en français, je trouve ça très vite ringard, très vite raté. Après travailler avec quelqu’un qui fait de très beaux textes en français… mais on n’a pas la prétention, nous quatre, d’écrire des textes en français.
Alex  : On s’arrête au nom de l’album, et on parle en français pendant nos concerts  ! On va chercher les Français en anglais, et après on verra si on veut s’exporter un peu… Sur le long terme ça nous fait envie, on a un style de musique qui s’y prête.
Noé  : C’est clairement l’objectif !

Du coup d’où vous vient l’inspiration pour vos textes en anglais  ?
Alex  : Chaque texte a une histoire différente que j’invente, avec un personnage principal ou plusieurs, il y a une situation. L’histoire est inventée par ma folie. Après on met ça en forme avec Lucien. Je fais une pré-écriture et on remasterise sur l’ensemble pour peaufiner les détails anglais avec nos connaissances anglo-saxonnes.
Lucien  : Dans le doute il nous est arrivé de demander à quelqu’un de vérifier.
Alex  : Aujourd’hui on est très vigilants là-dessus.
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Et après niveau musique, comment ça se passe  ?
Alex  : On fait l’inverse…
Noé  : En fait généralement on commence par la musique. On se retrouve dans le studio de répét’, et on dit : ça serait cool de faire un morceau – enfin, on se le dit à quatre – dans ce genre là. Après on bœuf et on voit ce qu’il se passe. Parfois Alex a deux, trois accords, ou juste une petite trame de chant, ou des fois pas on part de zéro. À partir de ça on construit toute une musique, Alex fait du yaourt…
Alex  : Je le maîtrise très bien…
Lucien  : Il est très bon au yaourt !
Noé  : Et puis une fois qu’on a tout, la ligne du chant et toute la musique, on peut se mettre au texte.
Alex  : En fait on pense mélodie avant sens. Même au niveau du chant, je ne pense pas juste je fais du yaourt, j’essaye de faire un beau yaourt, avec des jolies notes, des trucs agréables à entendre, et après j’adapte le texte en fonction du yaourt. C’est la mélodie qui parle.
Lucien  : C’est une façon d’écrire qui a déjà été faite, Nirvana par exemple faisait comme ça. Le plus important c’est la connotation sonore des mots que leur sens, notre texte est fait en fonction de la musique et du yaourt, si un mot en i sonne mieux qu’un mot en u on va préférer ce mot-là même si au niveau du sens le mot en i fonctionne mieux.
Alex  : C’est con, mais même dans mon yaourt il y a des rimes.
Noé  : Chez Colours c’est toujours la mélodie avant le sens. On ne fait jamais un morceau pour défendre une cause, ou très rarement…

Parlez-nous de vos nombreuses parties instrumentales présentes sur l’album, c’est votre côté rockeur refoulé  ?
Alex  : On aime bien ça quand ça meule.
Noé  : Quand ça bourrine quoi  !
Alex  : Quand c’est très rock…
Noé  : Ça rejoint un peu ce qu’on disait tout à l’heure, comme on attache beaucoup d’importance à la mélodie, parfois on fait juste parler les instruments par les mélodies, sans forcément toujours mettre du texte dessus. On fonctionne souvent avec un refrain accrocheur et après pourquoi pas des mélodies qui s’envolent…
Alex  : Dans notre live on trouvait ça important et naturellement on en avait beaucoup, dont certaines qu’on a du raccourcir. On trouve ça cool, ce sont des moments intenses pour nous, et je pense que pour les gens aussi.

Donc vous ne vous voyez pas faire un album d’intru uniquement ?
Alex : Pour moi une chanson sans parole ce n’est pas une chanson.

Noé : On considère la voix comme un instrument. On attache aussi de l’importance au format, que le morceau se déroule bien, qu’il ne soit pas chiant, on fait attention à l’efficacité en fait.
Alex : Après au final, notre fin de concert c’est une partie instrumentale, il n’y a pas de chant, juste des oh, mais on peut considérer ça comme une chanson aussi.

Parlez-nous des chœurs, très présents dans votre musique.
Noé : On chante à trois (n.d.l.r. Alex, Lucien, Noé)
Lucien : Dans l’absolu Alexis chante aussi c’est qu’avec la batterie c’est plus compliqué.
Noé : On aime bien ce côté gros…
Alex : …le côté épique, assez grand, bien ouvert où il y en a plein partout, fédérateur… C’est vrai que sur l’album ça se ressent parce que sur chaque refrain il y a beaucoup de voix, c’est ce qu’on a envie de reproduire en live.
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J’ai beaucoup aimé UTBBTW, vous nous expliquez un peu le titre ? Elle est assez différente du reste de l’album, plus sombre…
Alex : U-T-B-B-T-W, chaque lettre prononcée en anglais.
Lucien : C’est un acronyme d’une phrase dans le texte, il faut chercher !
Alex : Elle est beaucoup plus sombre oui, c’est un peu la fin de notre royaume où tout s’écroule à la fin, une tempête…
Lucien : C’est un univers quasi apocalyptique…
Alex : On imaginait ce morceau comme la fin d’un rêve, qui le rêve de cet album là. Toutes les histoires qui s’enchaînent dans l’album forment le rêve de quelqu’un qui s’éveille…

C’est un rêve costaud !

Noé : (rires) Je me souviens quand on l’a composé… avoir un dernier morceau sur lequel se lâcher, on essaye de composer quelque chose de différent, voir ce qu’il se passe. On l’a composé sur plusieurs répétitions, petit à petit, il fallait que ça soit bien fait, efficace, qu’on comprenne. On s’est lâchés !

Alex : On est tombés dessus et on a fait : mais grave !

Elle est top !

Alex : Nous on la trouve top aussi (rires). C’est vrai que ça fait du bien quand il y a une nouvelle couleur dans la fin de l’album. Je ne suis pas très objectif, mais quand j’écoute l’album, ça me laisse sur ma faim…
Noé : Ouais, tu as envie que ça continue !
Alex : C’est un peu pour ça qu’on l’a mise en fin d’album aussi.
Lucien : Tout a un sens dans l’album, la disposition des pistes notamment.
Noé : Cette dernière chanson c’est comme une question. Il y a tout l’album et cette chanson finale, et tu te dis : qu’est-ce que ça veut dire, pourquoi ils ont mis ça par rapport au reste, et cette idée nous plaisait bien aussi.

Votre album est très énergique et positif. We All Swear et Sea of Lions sont relativement calmes à côté du reste, ce n’est pas votre truc les chansons tristes ?
Alex : Les trucs tristes si. On a des morceaux assez mélancoliques, mais sur l’album non, car un a choisit une tracklist plutôt joyeuse.
Noé : Après c’est à la fois joyeux et pas joyeux, car quand tu prends des morceaux comme A Thousand Candles, Brotherly, même Sea of Lions et We All Swear ce sont des morceaux assez noirs, mélancoliques quoi.
Alex : C’est vrai que des morceaux doux on n’en a pas des masses…pas sur cet album.

Donc c’était volontaire ?
Lucien : C’était volontaire oui et non, ça c’est fait comme ça. On avait nos compos…
Alex : …On ne ressentait pas le besoin de faire des morceaux plus calmes.
Lucien : Ça se trouve dans 10 ans on dira que c’était un défaut de jeunesse.
Alex : Au final, A Thousand Candles, Sea of Lions et We All Swear nous suffisaient dans l’équilibre de cet album là.

Sur scène vous êtes déchaînés, c’est la partie du travail que vous préférez par rapport au studio ?
Alex : Personnellement oui. On a appris à se défoule sur nos propres morceaux.
Alexis : Pour nous tous c’est la base. Quand on compose on est en mode scène, on a nos intrus devant nous… On ne l’a pas composé devant un ordinateur ni sur du papier à écrire les notes. Je pense que c’est pour ça que le live nous paraît logique.
Lucien : Mais rien ne va sans le studio aussi.
Noé : Il y a des gens qui doivent penser que c’est un tout mais dans la chaîne nous on pense que le concert est l’aboutissement du projet, on compose nos morceaux pour les jouer sur scène.
Alex : On pense live voilà ! C’est un moment intense, on se donne, on veut partager avec les gens en toute spontanéité.

Bon, question con…
Alex : Pourquoi Colours in the Street ?
Non même pas ! Question rhétorique donc : vous devez avoir hâte de partir en tournée pour défendre votre album !
Alex : Ouiii on a très très hâte !
Je continue. Vous n’en avez pas marre que l’on vous colle automatiquement l’étiquette Coldplay à chaque fois qu’on parle de votre musique ?
Alexis : Non car on kiffe ça, ils font partie de nos influences.
Alex : C’est mon groupe préféré donc…
Lucien : C’est plutôt un compliment par rapport à d’autres groupes.
Noé : C’est bête mais je pense qu’on va moins nous la coller avec cet album…
Alex : On ne sait pas, c’est à toi de nous le dire.

On sent que vous êtes bien influencés ! Ce n’est pas un mal.
Noé : Après on n’est pas objectifs.
Alexis : C’est pour ça que je te dis que ça nous fait plaisir.
Alex : Tu ne vas pas le prendre mal quand on te compare à Coldplay. Au contraire, je suis bien content.
Lucien : On peut vraiment revendiquer qu’on a Coldplay comme référence, mais comme Phoenix et d’autres groupes, ça se sent. Et dire : on n’aime pas Coldplay ça serait mentir, car ça s’entend. Mais on a quand même notre patte. Quand j’écoute du Colours, je n’entends pas du Colplay, il n’y a pas que ça…

Un super objectif à atteindre maintenant que vous pouvez mettre un check devant « album » ?
Lucien : Faire un stade (rires).
Noé : Faire une grosse et belle tournée
Alex : Allez vers les gens, les convaincre… avoir un projet de deuxième album parce que nous l’avons dans notre tête… Aller plus loin… En faire notre métier !

Pourquoi pas le stade après !
Lucien : Le stade de Niort !

Pour finir est-ce qu’il y a une question que je ne vous ai pas posée, que vous auriez aimé que je vous pose.
(silence) Lucien : C’est intéressant cette question.
Noé : Ah oui.
(silence) Lucien : Non ce n’est pas mon métier, je ne suis pas capable de te dire !
Noé : On n’est pas préparé à ça…
Alex : Celle-ci tu ne peux pas trop la préparer… Donc non. Et toi ?

Je pense que non aussi.
Noé : Est-ce que tu as une question que tu avais très envie de poser ?

Non je vous ai tout posé, logiquement !
Alex : Ben voilà ! (rires).

► Royaume (Velvet Coliseum), déjà dans les bacs.

Leurs dates de tournée : http://www.coloursinthestreet.com