La leçon d’histoire : Depeche Mode

IL ÉTAIT UNE FOIS – Le Professeur Gab nous propose une leçon d’histoire ou plutôt un voyage à Basildon, ville anglaise artificielle paumée dans l’Essex, et berceau du génial Depeche Mode.

On va s’éloigner un peu aujourd’hui (quoique !) des frontières du rock habituellement décrit ici, pour aller vers quelque chose de plus froid, plus électronique (bien que je déteste ce mot) mais littéralement indémodable !

Swann étant fan aussi, l’autorisation a donc été donnée, même si je vois d’ici les puristes folkeux brandirent leur chemises à carreaux en étendard contre la présence d’un groupe pseudo-électro sur ce blog. Je vous rassure, je ne vais pas parler du Depeche Mode façon early 80’s et de son abominable “I Just Can’t Get Enough” mais plus de la formidable passerelle que représente ce groupe.

J’ai découvert ce groupe sur le tard, plus précisément en 2001, avec l’album Exciter (alors que le groupe a déjà vingt ans d’existence et une dizaine d’albums à son actif). Au détour d’une Fnac, l’album Exciter en écoute libre, moi qui n’écoutais à l’époque que du métal et du gros rock qui tâche, et qui en petit con de vingt piges considérais Depeche Mode comme une sorte de Modern Talking hétéro…

Je suis tombé littéralement amoureux dès la première écoute de “Dream On”, premier single d’Exciter (album de très loin sous-estimé), cette mélodie acoustique délicieuse, sur ce fond “électronique” doux et subtil, le tout magnifié par la voix dingue de Dave Gahan et des innombrables harmonies vocales que je me surprends encore à découvrir aujourd’hui. En quatre minutes, je posais mes CDs de Sepultura et de Korn et repartais avec, oui, un disque de Depeche Mode !

“Dream On” :

“Freelove”, autre pépite d’Exciter :

https://youtu.be/4uKQd2mWV8g

Pour l’anecdote, ce nom de groupe très français pour des Britanniques fût choisi complètement au hasard, Dave Gahan trouvant le nom en première page d’un magazine dans une chambre d’hôtel à l’aube de leur premier concert.

Quinze ans ont passé et aujourd’hui, j’en sais bien davantage sur ce fabuleux groupe. Si tout n’est pas parfait dans leur disco, loin de là, on ne peut que saluer la longévité, la carrière, l’évolution au fil du temps, et surtout la tripotée de tubes qui restent encore aujourd’hui clairement identifiables, qu’on soit fan de rock, d’électro ou de tout autre genre musical.

Dave Gahan, Martin Gore, Andrew Fletcher (et les ex-membres Vince Clark et Alan Wilder) ont su traverser les époques avec brio sans jamais être démodés . De “Speak and Spell” en 1981 à “Delta Machine” en 2013, ces types-là ont su constamment se réinventer, sans jamais tomber dans la facilité et toujours avec une vraie sincérité dans leur démarche. Ils ont vu passer le punk, le rock, le disco, la new wave, la brit pop des années 1990, le grunge sans moufeter, et sans opportunisme. Pourquoi ? Parce que les Depeche Mode sont un peu tout ça à la fois, une véritable passerelle entre plein de genres musicaux.

Leur background est clairement électronique, et l’influence industrielle de groupes tels que Kraftwerk se fait ressentir durant toute la première partie de leur carrière, avec des morceaux très typés synth-pop, comme “See You”, “Master and Servant”, “Everything Counts” un peu datés aujourd’hui, mais à ne pas négliger pour comprendre le cheminement du groupe.

“Everything Counts” :

https://www.youtube.com/watch?v=BxhHgO0FA7U

Le milieu des années 1980 est une période faste pour le groupe, ils sont même conviés sur l’affiche du Live Aid en 1985 aux côtés des Queen, U2, Madonna etc. Le groupe déclinera l’invitation, estimant notamment que les artistes participant à ce type de concert étaient plus là pour se faire valoir que pour s’investir réellement au niveau caritatif, et que Depeche Mode n’avait donc finalement pas sa place lors d’un tel événement.

C’est véritablement 1987 qui marque un vrai tournant pour le groupe, avec la sortie de l’album Music for the Masses, annoncé par un premier titre presque rock, absolument dantesque, froid, noir et sombre ; le génial “Never Let Me Down Again”, qui deviendra l’hymne de tous leurs concerts.

“Never Let Me Down Again” :

Un homme les a aidés pour cette transition : le Hollandais Anton Corbijn, qui commence à s’occuper de toute l’identité visuelle du groupe, photos officielles, clips en noir et blanc etc.

Depeche Mode devient un groupe culte, adulé partout dans le monde, notamment aux US où leur succès est absolument phénoménal. Martin Gore est un musicien et mélodiste à qui tout réussi, et Dave Gahan se mue en chanteur christique, au charisme de dingue sur scène. Il faut bien comprendre qu’à cette époque, Depeche Mode est au même niveau que U2, Inxs ou The Cure en terme de succès et de reconnaissance internationale et devient le premier groupe de pop électronique à pouvoir remplir un stade, comme l’atteste le live/documentaire 101, capté en 1988 au Rose Bowl de Los Angeles devant 70 000 fans.

Un an plus tard, ils enfoncent le clou et marchent définitivement sur leurs concurrents en sortant leur chef-d’oeuvre absolu : Violator, avec entre autres : “Personal Jesus” articulé autour d’un riff de blues d’une telle efficacité que même Johnny Cash s’y essaiera., “World In My Eyes”, “Enjoy The Silence”, “Policy Of Truth”.

“Personal Jesus” :

“Policy Of Truth” :

Après le succès de Violator s’ouvre une page plus sombre dans la carrière de Depeche Mode, des tensions apparaissent, les egos se tendent, Martin Gore refusant que Gahan participe aux compositions, le considérant seulement comme un interprète, les consommations de drogues se font aussi plus excessives.

Malgré cela, musicalement en ressortent des albums plus bruts, encore plus sombre et résolument “rock” dans l’esprit : Songs Of Faith And Devotion avec les géniaux “I Feel You” (proche d’un “Personal Jesus” dans l’esprit), ou “Walking In My Shoes”. Le groupe évolue et fera même appel à des chœurs de Gospel et quatuor à cordes sur “Condemnation” où Dave Gahan montre l’immense étendue de son talent.

“I Feel You” :

“Condemnation” :

https://youtu.be/YNXaI9e_b5k

On arrive au milieu des années 1990, et 1995 marque l’année noire du groupe : Gahan est un junkie notoire et survivra à une overdose et une tentative de suicide, Gore s’isole et Alan Wilder quitte le navire. Après être passés proche du chaos, le groupe continue malgré le départ de Wilder et sort à trois (Gahan, Gore et Fletcher), l’album Ultra en 1997, premier pas vers une renaissance nouvelle.

En effet, Dave Gahan a chassé ses démons, à sorti ses premiers disques solos (avec la collaboration sur quelques titres de John Frusciante, preuve supplémentaire de la crédibilité du type !) et est enfin reconnu comme un compositeur et auteur, notamment par Martin Gore qui accepte enfin une autre plume au sein du groupe. C’est sans doute cet élément qui sauve la vie et la carrière du groupe, Gore libéré de la seule responsabilité créative et Gahan reconnu et respecté comme plus qu’un simple interprète.

S’en suivent les années 2000, pour moi les meilleures musicalement, avec des albums qui se suivent à intervalles réguliers, Exciter, Playing The Angel (le meilleur à mon humble avis), Sounds Of The Universe et récemment Delta Machine. Des albums qui s’ils ne révolutionnent pas le monde, sont toujours de vrais succès et unanimement reconnus et par les fans et par le monde musical.

Morceaux choisis de cette période :

“Wrong”, morceau absolument incontournable :

“A Pain That I’m Used To” :

“Hole To Feed” :

Car Depeche Mode doit également son salut à l’inspiration qu’ils représentent pour toute l’industrie musicale rock. Quand je parle de passerelle en début d’article, cela va dans le sens où je ne connais pas un groupe qui parvient à réunir à la fois fans de musique électronique et fans de rock au sens plus large.

Si j’ai découvert le groupe à un moment où je baignais dans le métal, c’est également le métal qui a continué à forger ma culture depeche modienne via l’album tribute (un des rares réussis) Songs For The Masses où des groupes, qui se revendiquent de l’héritage de Depeche Mode, vont continuer à construire cette passerelle, des groupes comme The Cure ou HooverPhonic, mais aussi et surtout comme Deftones, Rammstein, Monster Magnet… Comme pour boucler la boucle…

Une des cover les plus réussies, par les Smashing Pumpkins :

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