David Bowie, c’est mon Elvis.

Les motivations qui poussent une personne à vouloir être journaliste musique sont diverses. Il y a bien évidemment, l’amour passionnel pour la musique. Il y a aussi, quelque part, un fan absolu qui se dit qu’un jour il aura peut-être la chance de rencontrer son idole, son héros, pour un instant privilégié, même une dizaine de minutes. Juste pour avoir le plaisir de discuter, d’échanger quelques mots. Rencontrer un jour David Bowie, c’était l’une de mes motivations secrètes. Lui, c’est mon Elvis. C’était. Non, il le sera toujours.

Ce moment n’arrivera jamais avec David Bowie. Hélas. L’étoile de la pop music a rejoint les cieux, un dimanche 10 janvier 2016. Les légendes meurent. Les plus grands s’en vont aussi. Ils ne sont pas immortels. Il est parti deux jours après avoir fêté ses 69 ans. Saleté de cancer. Il nous a quittés, deux jours après avoir sorti le 25e album studio d’une immense carrière. On devra s’habituer à vivre dans un monde où il n’y aura plus de David Bowie. Déjà, cette pensée fait si mal. Quand Blackstar est sorti, je l’ai écouté en boucle. Mais depuis que j’ai appris la mort de son remarquable auteur, je n’y arrive plus. Je préfère me retourner vers Low, Station to Station et Aladdin Sane, mon préféré de tous. Je tremble presque dès que j’entends à la télévision les premières phrases de “Lazarus” que les journalistes de tous les JTs et chaînes d’info en continue s’amusent à décortiquer comme un vulgaire commentaire de texte de lycéen. Est-ce qu’il a prévu qu’il allait mourir ? C’était là son testament ? Diable, mais qu’importe. Oui, lui aussi était préoccupé par la mort, qui ne l’est pas ?

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Aujourd’hui, quand on est journaliste musique, on passe beaucoup de temps à écrire des nécros. Regarde 2016 et le nombre d’artistes qui ont rejoint l’autre rive. Mais le souci, quand on est fan de rock et de popmusic et qu’on est en adoration pour une époque que l’on a pas connue, mais durant laquelle Bowie était encore en vie et sur scène, écrire les nécros, se pencher sur l’oeuvre de son héros, c’est un exercice horrible. La plume devient un couteau (un Bowie knife même en référence à la longue lame qui a donné son nom d’artiste à David Jones) qu’on remue nous-mêmes dans ce trou qu’on a tous dans la poitrine. Pourtant, on ne connait pas David Bowie, personnellement, mais il fait un peu partie de nos vies. Je me rappelle qu’après une rupture, j’avais apaisé mon esprit en écoutant en boucle “Golden Years”. Je me souviens de ce moment mémorable où avec Anna Calvi, en pleine interview, on s’était mises à entonner “Lady Grinning Soul”.  Elle me livrait son admiration pour lui et elle adorait aussi cette chanson. Je me souviens avoir acheté une guitare pour jouer “The Man Who Sold the World” comme Kurt Cobain dans le MTV Unplugged. Je me rappelle aussi avoir passé une nuit entière à jouer cette chanson. Je me souviens la première fois où j’en entendu “Life On Mars ?” et de mes entrailles qui sautaient dans tous les sens, complètement remuées. Je me souviens qu’à chaque fois que j’entends “Space Oddity”, je souris. Je me souviens que mon premier vinyle, c’était Scary Monsters. Je me souviens que pour Bowie, folie et génie vont de pairs et que les deux ensemble font des merveilles. Je me souviens avoir été follement amoureuse de John Blaylock (David Bowie) dans The Hunger. J’avais aussi beaucoup pensé à ce film en regardant Only Lovers Left Alive de Jarmusch.

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Quand t’es journaliste musique et que ton héros meurt, à ce moment là, le fan qui sommeille en toi reprend le dessus. Chaque mot que tu écris sur lui fait mal. Chaque témoignage que tu entends te plonge encore plus dans une infinie tristesse. Chaque bêtise que tu entends à son sujet te rend folle. Si si Bertrand Chameroy, il est aussi acteur, David Bowie. Tu n’as qu’à chercher sur Wikipédia, c’est écrit. Chaque question stupide (Qui sont les héritiers ? Que restera-t-il de Bowie? Quelle trace va-t-il laisser? Est-ce que la mode, les costumes, c’est quelque chose d’anecdotique dans l’univers de Bowie ? Est-ce que ces mille visages (en vrai il n’en avait pas mille) c’est pour cacher sa propre personnalité ?) te fait entrer dans une rage noire. Tu te mets alors à supplier secrètement ces gens de s’abstenir de dire quoi que ce soit, même si l’actualité et cette stupide loi de proximité l’imposent, de faire une fleur à cet homme incroyable, à cet artiste légendaire. Laissez-nous pleurer, en musique et seulement en musique, la disparition de notre héros.

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