On y était : Festival Aurores Montréal 2016

LIVE REPORT – Pendant une semaine entière, Paris a fêté le Québec et ses artistes fabuleux à l’occasion du festival Aurores Montréal. On y était, on vous raconte.

BETTY BONIFASSI

Elle a la voix grave et éraillée, comme si elle avait abusé de whisky et de tabac toute sa vie. Elle chante des working songs d’un autre temps, celles que les hobos, bluesmen et folksingers ont repris encore et encore, parce que ces chansons-là étaient transmises par voie orale. On les entendait, on les chantait et on les faisait vivre ainsi. Puis, elles sont tombées dans l’oubli. Betty Bonifasi a décidé de leur donner une nouvelle vie dans un album et sur la scène du Divan du Monde. J’aurais aimé dire que j’ai aimé son set. Parce que j’aime les working songs, j’aime les voix écorchées mais j’ai un souci. Si elle m’a embarquée pendant les deux premières chansons, elle m’a laissée dans un champs de maïs à partir de la troisième. Non pas que c’était un mauvais set, ses musiciens étaient plus qu’incoyables, mais sans doute, manquait-il d’un peu de relief. S.B

LOUIS-JEAN CORMIER

Il y a pas si longtemps, je me suis trouvée une passion pour les chansons écrites en français. Avant, je détestais ça. Les uniques chanteurs français que j’appréciais étaient Serge Gainsbourg (classique), Étienne Daho et Benjamin Biolay. Et puis, j’ai mûri. J’ai découvert qu’il y avait de fabuleux auteurs qui pouvaient vraiment bien faire sonner la langue française. Les artistes québécois ont beaucoup joué là-dessus. Parmi les artistes qui chantent le Français comme personne, il y a Louis-Jean Cormier, ex-Karkwa. Un de ces hommes qui te font pleurer et rire en même temps. Un de ces garçons qui te donnent cette curieuse impression d’avoir écrit des chansons pour toi. Parce qu’elles font écho à un sentiment particulier ou une situation particulière ou, à un moment de ta vie. Un moment qu’on a tous traversé, finalement. L’envie de tout faire péter, de crier, de pleurer, de changer de vie, de dire ce qu’on pense.

Louis-Jean Cormier était seul sur la scène du Divan du Monde. Il était à nu. Lui et sa guitare et ses chansons dénudées, proposées dans leur plus simple appareil. Sans fioritures et sans arrangements superflus. Elles étaient parfaites. Et si les chansons ne respirent pas la joie et le bonheur de vivre, elles sont un parfait remède au vague à l’âme. Les quarante-cinq minutes se sont envolées à une vitesse folle. On n’a pas vu le temps passer. C’était le plus triste dans l’histoire. S.B.

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SARATOGA

Mardi soir dans la petite salle du Centre Culturel Canadien, on a retrouvé notre duo québécois préféré : Saratoga. À 20h sonnantes, Archambault et Gasse, comme ils aiment se surnommer, montent discrètement sur la scène. Dans la salle comble, les acclamations sont déjà chaleureuses. Ils entament leur show avec “Brise Glace”, le premier titre de leur premier album sorti à l’automne, Fleurs. C’est presqu’en chuchotant, en effleurant du bout des doigts leurs guitare et contrebasse, qu’ils nous embarquent dans un voyage cotonneux fait de douceur, de romantisme, et de bonnes ondes. “À faire les choses lentement, on n’a pas besoin de se reposer“, nous confie Michel-Olivier Gasse.

On est en bonne compagnie, les deux amoureux nous racontent les histoires du Québec, du printemps tant attendu, de Jack le cowboy et de Madame Rosa la voisine portugaise. Entre deux chansons, ils font des blagues, se titillant gentiment, ils nous racontent la genèse de Saratoga, etc. Ils reprennent non sans humour le titre “Douce Leilani” chantée par Michel Louvain, le célèbre chanteur de charme des années 1960, bien que Chantal Archambault nous confesse qu’elle aurait préféré reprendre “Sous le vent” de Céline Dion et Garou. Et lorsqu’il est tant de quitter la scène, Michel-Olivier Gasse lance un mignon “je ne veux pas partir”. Et nous non plus ! J.C.

Setlist : Brise Glace / Je t’attends dehors / Les bourgeons pis le gazon / On n’est pas du monde / Reste don couché  / Danser lent / Jack / Grands remous / Douce Leilani (Michel Louvain)  / Je te garde / Saratoga / Fleurs / Madame Rosa

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LUCIOLE

Luciole n’est pas Québécoise, elle le confesse en montant sur la scène du Pan Piper. Mais elle a traversé l’océan il y a peu, invitée par le Festival Coup de Cœur francophone. Elle est d’ailleurs revenue avec un titre écrit sur les terres de Gaspésie, l’un de nos préférés de son set (mais dont le titre reste un mystère). Son set justement, ouvrant pour la fascinante Klô Pelgag, est à la fois doux et percutif.

Doux lorsqu’elle chante son mal des transports amoureux dans “Fix You”, percutif lorsqu’elle chante “À bras le corps”. Luciole chante en français l’amour, la force des femmes, la poésie des voyages. Mais ce qui nous touche, plus que les textes, c’est sa voix émouvante tant dans les aigues que les graves, délicate et puissante, parfois parlée parfois lyrique. Et lorsqu’elle reprend en acoustique “J’attends”accompagnée de NiLem à la guitare, et a cappella “Nos mots”, on est tout simplement subjugués. J.C.

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KLÔ PELGAG

Klô Pelgag monte sur scène dans sa tenue de lumière : une combinaison à scratche sur laquelle au fil du concert elle et ses musiciens s’amusent à coller une part de pizza, une fusée, un petit personnage, le logo Metallica, etc.

Elle est drôle, elle se moque gentiment de la France, qui est finalement moins moyenâgeuse que ce qu’on lui avait raconté, elle répond au public avec une répartie pince-sans-rire hilarante (elle nous demande même quel est le nom de la sœur de Jacques Brel. Réponse : Francisca…). Et pourtant, les titres de Klô Pelgag sont empreints d’une profondeur presque angoissante. Elle joue ce soir des titres de son premier album mais également les titres, inédits en France, de son deuxième album L’Étoile thoracique, où elle aborde aussi, de manière métaphorique et extrêmement poétique, les thèmes de la mort, de la maladie, de la solitude.
Les textes sont fabuleux, et la musique l’est tout autant.

Accompagnée sur scène de claviers, de guitare et basse, d’une batterie et d’un trio de cordes, jouant elle-même tantôt des claviers tantôt de la guitare, elle met en scène une orchestration digne des plus grands chefs. Comme son premier album L’Alchimie des monstres, L’Étoile thoracique a été composé avec son frère. On y retrouve les ruptures de rythmes, les passages instrumentaux, et les accords dissonants si caractéristiques de ses créations. Soignant la fin des morceaux tout autant que leur introduction et leur développement, on est sans cesse surpris.
Un concert de Klô Pelgag c’est un enchaînement de surprises, d’absurdités et de poésie qui intrigue, fascine et émeut. Elle revient en février ! J.C.

Setlist : Insomnie / Le sexe des étoiles / Tunnel / J’arrive en retard / Le musée Grévin / Au bonheur d’Édelweiss / Incendie / Rayon X / Nicaragua / Samedi soir à la violence / Les animaux / Les instants d’équilibre / Les ferrofluides-fleurs / Taxidermie / Comme des rames / La fièvre des fleurs

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Textes : Sabine Bouchoul & Jeanne Cochin | Photos : Emma Shindo