“Double Roses”, le nouvel album poétique de Karen Elson

CHRONIQUE D’ALBUM – 7 ans. C’est le nombre d’années qu’il aura fallu à Karen Elson pour sortir son deuxième album. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Double Roses ne déçoit pas. 

En science, il y a des chiffres qui nous parlent plus que d’autres. Le chiffre 7 en fait partie et se voit même attribuer, par certains, le nom de “chiffre magique”. Il faut dire que depuis de nombreux siècles, le 7 a une forte résonance symbolique dans la mythologie et nos cultures. En science, il représente le nombre de jours de la semaine et, de facto, le nombre de planètes majeures (hors Terre) composants notre système solaire. Ce chiffre magique représente aussi les 7 couleurs de l’arc-en-ciel, les 7 pêchés capitaux, les 7 merveilles du monde, ou encore, les 7 notes de musique. 7 notes de musique qui, selon les gammes, peuvent changer toute une chanson, toute une orchestration. Avec seulement 7 notes – Do, Ré, Mi, Fa, Sol, La, Si – la musique peut nous procurer des émotions allant de la mélancolie à la joie. Pour Karen Elson, ces 7 notes sont majoritairement synonymes de mélancolie.

Oh love, you’ve let me down. In the dark water we swam until we drowned
Oh love, I cannot speak. The devil has cut out my tongue. I admit defeat.

Après un premier album folk-rock (The Ghost Who Walks), la chanteuse a attendu 7 années et un 7 avril pour sortir son nouvel album, Double Roses. Si le temps a pu nous paraître long, il est, pour la chanteuse, le fruit de nombreuses années de travail. Et le résultat n’est que plus beau à l’écoute !

Photo Heidi Ross

De la folk vintage à la l’indie-pop

En 2010, Karen Elson publiait son premier album.Réalisé par Jack White, The Ghost Who Walks avait ce côté rock et folk qui nous émouvait déjà. Sa voix, si pure, nous envoûtait et nous contait de sublimes histoires. Des histoires écrites en secret, depuis les confins de sa chambre, où elle se cachait de sa famille. Trop timide, trop discrète ? La Britannique, qui a grandi dans une famille de musiciens, a attendu ses 20 ans pour commencer à se produire en public (notamment, en tant que membre de la troupe de cabaret The Citizens Band). Et c’est à la trentaine passée, que Karen Elson décida enfin de se dévoiler et dévoiler ses productions solos. Certes, on ressentait la grande influence de Jack White, mais l’album était un petit bijou, se plaçant ainsi dans notre top album de l’année 2010.

Après la publication de The Ghost Who Walks, Karen Elson souhaitait poursuivre son aventure musicale. Mais suite à son divorce d’avec Jack White et désireuse, avant tout, de s’occuper de ses deux enfants, Karen Elson a eu besoin de quelques années afin de trouver le temps d’écrire son deuxième album. L’écriture, la recherche de collaborateurs (Pat Carney (The Black Keys), Laura Marlin, Pat Sansone (Wilco) Nate Walcott (Bright Eyes)), l’état d’esprit. Tout cela devait être minutieusement travaillé. Et le temps venu, elle put commencer à enregistrer quelques titres. Réalisé par Jonathan Wilson, producteur de Los Angeles, Double Roses mise sur le changement dans la continuité. Moins Jack White spirit dans l’âme, l’album navigue entre indie-pop/rock californien et ballades folk.

Double Roses, un album pop émotionnel

Grâce aux premiers singles, nous étions avertis. Karen Elson veut nous faire pleurer et veut nous donner des frissons avec ses nouvelles mélodies. Le pari est réussi dès le premier titre de l’album, où la harpe, la flûte, la batterie, la guitare rencontrent magnifiquement bien la voix de Karen Elson. Tout cela sonne même très british, voire irish. Car n’oublions pas, si l’album a été produit à Los Angeles, Karen Elson est native d’Oldham, ville industrielle du comté du Grand Manchester, au nord de l’Angleterre. Et sur cet album elle n’oublie, à aucun moment, ses origines. En témoigne “Double Roses”, titre donnant le nom de l’album. Issu d’un poème de Sam Shepart publié dans Motel Chronicle, Karen Elson fut si touchée par les références à l’Angleterre de ce dernier, qu’elle a décidé de l’incorporer dans ce titre de 6 minutes.

I have seen hell and high water, I have surely wandered blind
I close my eyes, drown in salt water, feel the waves crash by my side

Mais ces deux premiers titres sont loin du single “Call Your Name”, qui marque une cassure musicale dans l’album. Plus pop et Band of Horses spirit, le titre est produit par Pat Carney. Loin de l’univers harpe et flûte, “Call Your Name” est assurément l’un des titres les plus touchants de l’album. Quant au clip, il est une parfaite métaphore filée de l’album : une noyade post rupture amoureuse.

De part le nombre d’artistes qui y participent, Double Roses se voit être doté d’influences musicales multiples. En témoignent l’esprit rock de “Hell and Highwater”, l’esprit folk de “Million Star” ou “The End” (sur lequel Karen Elson répète, une minute durant, “It’s hard to say goodbye”), ou alors l’esprit presque blues de “Raven” et “Wolf”, sur lequel on croirait entendre le crew de Cat Power (années The Greatest, quand les instruments à vent prenaient le dessus sur les cordes pour nous envahir de frissons).

Mais, au-delà de cette diversité musicale ultra-maîtrisée, Karen Elson chante surtout l’amour, ou plutôt sa fin. Alors qu’elle commence l’album par “Hey love, it’s the end of an era”, elle le termine en disant “I am alone, I am free”. La fin de l’amour, le début de la liberté. Voici ce que semble nous dire Karen Elson. On a souvent tendance à dire que les ruptures peuvent permettre à des artistes de se sublimer. C’est l’effet que semble avoir eu la rupture sur Karen Elson. Et elle le confirme d’ailleurs en interview, “À la fin de l’écriture de l’album je me sentais libérée. Je me sentais libre. Je me sentais moi.”

https://www.facebook.com/Billboard/videos/10155226293754581/

Double Roses est donc un album poétique, marquant le renouveau de Karen Elson. Plus profond, plus mélancolique, plus sombre que son précédent album, il montre que la musique indépendante a encore de beaux jours devant elle. Sincère du début à la fin, parfaitement bien réalisé et produit, on tient là l’album du printemps 2017.

Double Roses, sortie le 7 avril 2017, chez H.O.T Records Ltd. / 1965 Records (PIAS).

Tracklist 

1. Wonder Blind
2. Double Roses
3. Call Your Name
4. Come Hell And High Water
5. The End                      
6. Raven
7. Why Am I Waiting
8.A Million Stars #
9. Wolf
10. Distant Shore

 

 

 

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