“Relaxer” d’alt-J : le court album de la réconciliation

EASY PEASY – Alt-J revient avec Relaxer, un troisième album concis, qui se place dans la continuité des deux précédents. Si ce n’est la pincée de simplicité bien méritée.

Largement déçus par le deuxième album d’alt-J, et par leurs performances live au charisme d’huître, j’avais un peu perdu espoir en l’un de mes groupes préférés. Leur premier album An Awesome Wave était pourtant, il faut bien l’avouer, une petite merveille. Malgré tout, à l’annonce de la sortie de leur troisième album, j’ai tendu l’oreille, rongée par le désir intérieur d’être de nouveau subjuguée par un groupe parmi les plus créatifs de ces dernières années. On amputera le raté de This Is All Yours au départ du bassiste d’origine, membre fondateur du groupe, quelques mois avant la sortie de l’album. On dira que c’était l’enchaînement studio-tournées-studio et l’abattage médiatique. Allez oui, on va dire ça.

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On reprend les mêmes, et on recommence

RELAXER était à l’origine le nom d’un morceau que j’ai fait l’année dernière, et puis ça a été le texte original de “Deadcrush”. Et après, il semblait tout simplement convenir à l’album dans son ensemble – et on veut toujours que nos albums soient écoutés comme un seul morceau de musique. – Thom Green

On ne change apparemment pas une équipe qui gagne. L’été dernier, et après avoir vaqué chacun de leur côté à des occupations toutes personnelles (cuisine, album solo et binge-watching), le trio de Leeds s’est enfermé quelques mois dans un petit studio de Stoke Newington à Londres pour travailler et répéter, avant de recontacter Charlie Andrew, le producteur de leurs deux précédents albums. Quelques passages en (plus gros) studios plus tard, Relaxer était né.

Relaxer est court. 40 minutes. Huit chansons (de minimum 3min30) y figurent, dont “3ww”,” In Cold Blood” et “Adeline”, que les Anglais ont déjà dévoilées en ligne ces derniers jours. En écoutant Relaxer dans l’ordre de lecture choisi par le groupe, et après “3ww” en introduction puis “In Cold Blood”, on tombe sur un titre sans équivoque. Il s’agit d’une reprise de “House Of The Rising Sun” de The Animals, version ankylosée. Le tempo est très bas, l’ambiance planante, parfois pesante. C’est très réussi. Pour l’anecdote, 20 guitaristes classiques ont joué simultanément pendant 2 heures pour obtenir ce résultat.

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Coups de cœur et ratés : alt-J et les extrêmes

Parmi mes autres coups de cœur, il y a “Last Year” ce fantastique duo avec Marika Hackman qui avait déjà prêté sa voix sur leur album précédent. Un titre en deux parties, l’homme (les hommes en l’occurrence), puis la femme. Un journal intime qui, raconte mois par mois, une relation tragique. Très lentement. Une guitare acoustique dont on perçoit les vibrations, puis un basson. Dans un souffle, l’apesanteur… Sublime. Dans un autre style “Deadcruch”, sa lourde basse, ses beats électroniques et ses samples me plaisent. Un côté Beegees pour la voix nasillarde de Joe, qui auraient atterris dans une cave obscure en compagnie de Nas et Kendrick Lamar. Ça s’écoute plutôt bien.

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J’avoue être beaucoup moins emballée par “Hit Me Like That Snare”, son côté garage sur fond de synthés psychés, sa batterie avec cow-bell et ses cris orgasmiques qui ponctuent la chanson. Partie d’un riff de guitare qui ressemblait trop à “Deck Dark” de Radiohead, Joe Newman (chanteur, guitariste) a décidé d’y ajouter une grosse distorsion avant d’enregistrer le titre comme un jam. Même combat pour “Pleader”, qui est pourtant le big final de Relaxer. Je ne me fais pas à cette sensation grandiloquente, faussement angoissante, faussement épique que me procure cette chanson symphonique de 5min50 inspirée de How Green Was My Valley, roman de Richard Llewellyn publié en 1939. Tu vois Enya ? Tu vois Dany Elfman, compositeur de la plupart de la musique des films de Tim Burton ? C’est “Pleader”. Trop gros pour être intéressante. Tu connais le proverbe : à trop vouloir en faire, on se perd… Et c’est là le principal défaut d’alt-J.

On a toujours aimé que notre musique soit une musique à écouter au casque, qui t’emmène dans une sorte de voyage. Cet album va un peu plus loin, c’est un voyage dans ton propre esprit. – Gus Unger-Hamilton

Si on fait les comptes, on n’est pas si mal. Sur 8 titres, seuls 2 me paraissent complètement à côté de la plaque. Bien que je ne trouve pas de grande unité à ce nouvel album (euphémisme), je crois qu’il a tout de même le mérite de me réconcilier avec alt-J.

Le trio a légèrement revu ses ambitions avant-gardistes à la baisse pour se rapprocher de leurs points forts : les mélodies à se damner et un don pour la relation texte-rythmes. On aurait bien pu se passer de quelques samples et de quelques gros artifices inutiles mais, on fait avec. Relaxer n’est pas un grand album, loin de là, mais il contient de belles choses. On accepte donc cette proposition de voyage du groupe. Même si on aurait aimé aller un peu plus loin.

► Relaxer d’alt-J, dans les bacs le 2 juin 2017 (Infectious). En concert le 10 juin au 106 (Rouen), le 4 juillet aux Nuits de Fourvière, et le 23 juillet au Festival Lollapalooza Paris.

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