MaMa 2017 : Clara Luciani, Theo Lawrence & The Hearts, Lysistrata, Cabadzi, retour sur la première soirée

LIVE REPORT – Le MaMA Festival est de retour, vive le MaMA ! Et la première soirée de l’édition 2017 frappe fort : du rock, de la chanson, de la pop, du rap, tout y est pour passer une nuit de folie.

Clara Luciani, la diva à l’italienne

Quoi de mieux pour commencer cette édition 2017, que l’indétrônable Clara Luciani ? Comme toujours vêtue de noire et le regard habité, elle interprète les titres qui font depuis longtemps l’unanimité. Elle est ce soir accompagnée de quatre musiciens qui apportent puissance et relief au set. Les titres que l’on a connus en guitare-voix prennent ici une tout autre consistance : plus rock avec “À crever” et “Comme toi” ou plus dance avec notamment “La grenade”. Clara Luciani et son groupe joue un nouveau titre, “Drôle d’époque”, sur la condition féminine, qui fait drôlement écho à l’actualité. Et lorsque dans “Les fleurs”, elle confie les envier pour leur “beauté muette”, nous au contraire on est bien contente qu’elle ait de la voix. J.C.

Klangstof, les introspectifs Nordiques

Le quatuor tout droit venu d’Amsterdam s’installe derrière guitares, claviers, pads et batterie. Il y a du matériel partout sur la scène. Peu d’éclairage, on comprend vite que le set des garçons sera placé sous le signe de la l’introspection planante. Très instrumental, le set alterne moment doux et feutrés et énergie brute, parfois progressant de l’un à l’autre à l’instar de “Hostage”, le titre phare de leur premier album, Close Eyes To Exit. Koen le frontman nous informe avec humour qu’à cause d’une grippe, il risque de “chanter  un peu faux ce soir”, mais qu’on ne s’y trompe, “ce n’est pas dans ses habitudes”. On n’entendra guère de faussetés, leur cohésion musicale sur leurs jams nous faisant complètement planer. C’est avec “Island” que les Nordiques quittent la scène, acclamés par un public peu nombreux mais sous le charme.
Ils seront de retour à Paris le 22 novembre au Pop-Up du Label. J.C./E.S.

 

Novo Amor, l’homme qui calmait les tempêtes

Je crois que ça fait cinq ans que j’attends Novo Amor en France. C’est long. Très long. Mais ça valait la peine de prendre mon mal en patience pour l’écouter en vrai, en chair, en os et en falsetto. C’était le premier concert chez nous. Avant c’était un “il”. Maintenant ce sont “ils”. Ils sont plusieurs sur scène a accompagner le songwriter. Un violoniste, un claviériste, un batteur et une guitariste.

J’aime pas trop le changement, le passage du solo à groupe parce que souvent quelque chose se perd. La magie d’une voix qui se perd, écrasée par des nouveaux arrangements grotesques. Une batterie qui écrase trop, un clavier inutile. Là, tout est parfaitement dosé, subtile, gracieux et élégant. Les notes de violon se glissent ici et là et rappellent le souffle du vent en pleine tempête. Imagine-toi dans une maison pas très loin de la mer. La pluie frappe, les eaux se déchaînent, tu les entends qui s’écrasent contre les rochers, pas très loin. Toi, tu es au chaud, tu es au coin de la cheminée, tu entends la nature se faire la guerre, mais tu trouves ça, étrangement réconfortant.

C’était l’effet que me faisait le premier album de Bon Iver. C’est l’effet que fait Novo Amor. Et finalement, cet espèce d’apaisement que l’on ressent quand on l’écoute est décuplé lorsqu’il est en groupe. S.B

Lysistrata, chaud bouillants

C’est impossible de qualifier la musique de Lysistrata. Pour ceux qui ne comprennent rien à la musique et au rock, ils diront que c’est du bruit. Les autres, diront que ce sont des petits génies. Bouillants, furieux, ingénieux, précis, Lysistrata chamboule tout dans ta tête. Ça joue très fort, ça joue très bien, ça casse les rythmes, ça décale, ça décoiffe, ça défoule. On les sent matheux, car tout est millimétré à la nanoseconde près, pas un pet, pas un pain. Et putain, ça fait du bien de se dire que chez nous aussi, en France, il y a des groupes de rock qui déchirent sa mère. S.B.

Paupière, colorés et excentriques

Les trois canadiens investissent la salle, bien pleine, du Bus Palladium pour y présenter les titres de leur premier album, À jamais privé de réponses, sorti le 13 octobre dernier. Tout chauds tout beaux donc, les morceaux s’enchaînent mêlant pop sucrées, chants scandés et textes susurrés. Le trio Paupière s’amuse, mi naïf, mi roman noir, sur une musique électro aux rythmes entêtants. Poings levés, ondulations sensuelles et tombé de chemise, le jeu de scène est foufou. Le tout donne un conte de fée à la Happy Tree Friends, où le flippant rencontre le mignon. On en sort un peu effrayé, mais c’est bien ce qui est excitant ! J.C.

Jordan Mackampa, subtile et sublime

C’est au Carmen que l’on découvre enfin Jordan Mackampa. D’origines congolaises, mais installé à Coventry en Angleterre (“je viens d’une ville qui s’appelle Coventry, si vous connaissez tant mieux, si vous ne connaissez pas, n’y allez surtout pas”), le folkleux chapeauté se présente seul avec sa guitare sur l’estrade installée devant le grand miroir du Carmen. Son jeu de guitare est impeccable, il joue beaucoup avec des cordes étouffées pour rythmer ses ballades. Son timbre est chaud avec des intonations soul.

Il fait chaud et sombre au Carmen, et le jeune homme se réaccorde constamment, tandis qu’au fond, le bruit du bar (et des shakers) est assez pénible. Malgré ces conditions déplaisantes pour l’artiste, Jordan Mackampa poursuit son set, “Saint”, “Midnight”, “Anchor”, ponctués de prise de parole en français et d’encouragements au public pour chanter avec lui (“quand tu chantes avec moi, c’est vraiment magnifique” nous dira-t-il en riant, et en français). Très stoïque, le jeune homme n’hésite pas à s’éloigner du micro pour interpréter “Salt” et nous offre la parenthèse enchantée de la soirée. E.S.

Cabadzi x Blier, le gros coup de poing

Énorme coup de foudre pour le nouveau projet de Cabadzi. Le duo hip-hop s’est emparé des répliques de films écrits par Bertrand Blier (Les Valseuses, Tenue de soirée, Buffet froid, etc.), Pour en faire un spectacle aux arts croisés. Sur scène quelques éléments de batterie, un pad électronique, nom et nom au beatbox et rap, et de grands panneaux frangés qui accueillent des illustrations en noir et blanc de l’artiste brésilien Adams Carvalho, mis en mouvement.
Dans les coulisses deux lanceurs de pistes et samples, qui viennent rapidement sur scène modifiée la scénographie et les costumes des deux héros. Pantalon de laine gris, marcel moulant blanc pour tous les deux et selon les titres, veste de costume ou long manteau, Cabadzi c’est aussi du théâtre.

La mise en scène est pensée, et bien pensée. Le set est une œuvre entière dans laquelle le public est plongé, bien volontiers. Impressionnant par leur débit et musicalité, le duo fascine également par la qualité des textes où la société y est décortiquée : injustices, pauvreté, vieillesse, inégalités, etc. Entrer dans le monde Cabadzi laisse des traces, certaines punchlines martelées par les beats s’insinuent en nous et ne nous quittent plus. Le risque est à prendre, on n’en sort que meilleur. J.C.

Theo Lawrence & The Hearts, entre hier et demain

Impossible de ne pas tomber en amour pour ce groupe de garçons qui marient avec habilité et ingéniosité le rock d’hier et d’aujourd’hui. Ils saupoudrent le moderne avec une pincée de sel vintage, ce qui finalement colle assez bien avec notre époque actuelle. Un brin de soul très sixties, la voix d’un crooner, la fougue d’une aventure folle qui débute (et on espère très longue) et ça donne Theo Lawrence & The Hearts. On leur pardonne les problèmes techniques, ce n’était pas de leur faute. Et les conditions dans lesquelles ils ont joué, parce que ce n’était clairement pas simple de jouer au Backstage by the Mill (aka la pire salle du MaMa Festival… va falloir trouver un autre endroit les copains). Les petits frères spirituels de Black Keys ont passé le test, si encore ils avaient besoin de convaincre qu’ils sont l’avenir et qu’ils ont un avenir plus que radieux. Cheers. S.B.

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Texte et photos : Sabine Bouchoul, Jeanne Cochin & Emma Shindo