Aller en concert à l’aveugle ? À Strasbourg, c’est possible

EXPÉRIENCE – On en rêvait, l’espace Django Reinhardt l’a fait. Hier soir, dans l’ignorance totale du groupe et du lieu, on a testé le concert caché.

Il y a plusieurs façons d’aller voir un concert. Déjà, il y a plusieurs lieux. Tu peux choisir les zéniths et autres arenas. Ces endroits, je t’avoue, je n’y mets jamais les pieds. Ou si peu. Et tu as les salles de musiques actuelles qui animent les villes, hébergent les artistes locaux, défrichent, proposent, prennent des risques pour faire jouer les valeurs montantes. Des salles comme cela, il y en a. Toutes n’ont pas cette ambition, toutes n’osent pas. Mais certaines font passer l’essentiel en priorité. L’Espace Django Reinhardt à Strasbourg est de cette trempe-là.

Hier, ils ont organisé leur premier concert caché. Le concept ? Petit mail à leurs abonnés, leur donnant rendez-vous à la salle à 20h pour le concert d’un groupe inconnu, dans un lieu inconnu. Suspense, vous avez dit suspense ? Moi, je suis excitée comme une puce, malgré la fatigue. Je suis une grande fan de ce genre d’idée. J’adore les séances de cinéma où on ne sait pas ce qu’on va voir. J’adore découvrir des groupes que je ne connais pas. Mais d’habitude, je sais toujours dans quel lieu tout cela va se passer. Là, non. C’est l’inconnu. Et j’aime ça.

Le lieu inimaginable

Alors comme chez Django, ils sont exigeants et passionnés par leur mission, ils ne font pas les choses à moitié. Dans la nuit froide, on a le droit de choisir entre 10 minutes de marche ou un covoiturage pour se rendre au lieu surprise. L’Alsacien n’est pas frileux, on opte pour la balade, et tant mieux. Car c’est sous bonne escorte qu’on parcourt les rues, accompagnés musicalement par l’ambianceur, en même temps que le responsable de l’espace Django nous fait visiter le quartier du Neuhof. Ce quartier, il faut le savoir, n’a pas belle presse. Alors le faire découvrir autrement, ouvrir, par milles actions culturelles, le quartier à la musique, ouvrir la musique au quartier, c’est grand. J’ai le sourire en marchant.

On arrive face à une école maternelle. Je m’imagine un concert dans une salle de classe, assise sur une mini-chaise devant un tableau rempli de dessins. Trop easy, je saute aux conclusions bien trop rapidement. On est accompagné dans un vestiaire à l’ambiance spa, lumières bleutées en prime, pour se déchausser. Se déchausser ? Sont-ils sérieux ? Oui. Parce que le concert aura lieu dans une … piscine. Vidée de son eau, mais remplie de petits poufs pour nous. Les petits carreaux d’émail aux nuances de bleus, les lumières rougeâtres, la mini-scène et surtout la charpente de bois immense, tout est ma-gique. On pénètre dans un cocon hors du temps, heureux de découvrir un lieu qu’on n’aurait jamais découvert autrement.

1984 en semi-acoustique

Reste à apprendre le nom du groupe. Je distingue trois chaises. J’imagine bien un groupe du coin, mais qui ? Ce sera 1984. Là, j’avoue, je ne m’attendais pas du tout à cela. Parce que c’est un groupe d’habitude très électrique, qui ici jouera à la guitare sèche pour tout le set. Pari réussi donc, la surprise était totale. Des années et des années que je ne les avais pas vus, et ça a été pour moi l’occasion, dans cette configuration, de redécouvrir la voix d’Étienne, le chanteur/guitariste. Le trio a d’ailleurs sorti un album fin septembre, Rage With No Name, qu’il a déjà présenté à la Boule Noire. Ne reste plus qu’à attendre de nouvelles dates pour revoir ça en total électrique.

Bilan du soir ? Tout bon. Un seul regret : que l’expérience ne soit pas encore étendue partout, pour tout le monde. Parce que les concerts cachés, sans aucun doute, c’est notre façon préférée d’aller en concert.

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