Glen Hansard, un soir de Saint-Valentin

LIVE REPORT – Glen Hansard faisait une escale à Paris, ville de l’amour, pour présenter les titres de “Between Two Shores”. Des chansons tristes, un soir de Saint-Valentin. On dit oui. Mais…

Je ne vais pas te mentir. J’avais une belle flemme aujourd’hui. J’étais pas vraiment dans une forme olympique, je voulais me vautrer devant le foot avec une pizza et pas rester debout dans une salle de concert. C’est vrai, ma tête était à Madrid. Avec Paris, mais à Madrid. Physiquement, j’étais au Trianon pour Glen Hansard. C’était presque une mission impossible d’y aller. Des bouchons monstres, le bus bloqué, l’horloge qui tourne.

Quand 20 heures sonnent, je suis toujours coincée quelque part dans le 17e. Le téléphone est presque en rade de batterie. Il pleut. Bref, la journée de merde quoi. Glen est sur scène dans quinze minutes. Je ne sais pas quelle bonne étoile m’a aidée mais je suis arrivée pile au moment où le band arrive. La salle est bondée. La foule opaque. J’arrive à peine à me faufiler pour prendre quelques malheureuses photos. Les sourires, les “excusez-moi”, les yeux qui implorent ni feront rien. C’était pas censé être la journée de l’amour aujourd’hui ? On est bien le 14 février, non ?

Visiblement, c’est pas le “allez viens on s’aime” collectif qui est de mise ce jour-là. En tout cas, pas au Trianon. J’en ai entendu des “I love you” Glen pendant la soirée. Beaucoup. Trop même. Je pensais qu’il n’y avait que les fans de Patrick Bruel et de Harry Styles qui criaient “je t’aime” à tout bout-de-champ dans les salles de concert. Même Glen était gêné. Après son sixième “merci”, il a les yeux qui fixent ses chaussures. Moi aussi j’étais gênée pour lui.

Pour que le feu reprenne

J’aurais voulu dire que j’ai adoré ce concert. Mais, je mentirai. J’adore Glen Hansard. Même si avec le temps, j’ai décroché, je suis toujours très fan de Rhythm And Repose que j’écoute encore souvent. Tu vois, pour moi, Glen Hansard, je l’associais à Damien Rice. Pas juste parce qu’il est Irlandais, mais parce qu’il y a cette même veine ultra-sensible, authentique, qu’il est dans l’émotion brute, que c’est un poète, qu’il est drôle. Et oui, il a une barbe rousse. Et oui, il est Irlandais. So what ? Sauf que mon amour pour Damien Rice n’a cessé de s’accroître tandis que celui pour son compadre a eu tendance à s’étioler.

La flamme s’est un peu rallumée avec Between Two Shores, son dernier album. Enfin, pas sur toutes les chansons (“Roll On Slow” par exemple à tendance à m’énerver. Sur scène, il en fait un mash up avec “Gloria”. Pourquoi ? Je ne sais pas). C’était pas le grand brasier, ni la fièvre, mais le feu repartait. Un peu. Dans ce genre de situation, pour que le feu reprenne, il faut souffler sur les flammes. J’ai appris ça en regardant Koh-Lanta. Comme quoi, on peut apprendre des choses en regardant TF1. Parfois. Donc, ce concert au Trianon, c’était l’occasion de relancer la passion.

Amor, à mort

Je voulais quelque chose d’intimiste, moi. J’avais envie de pleurer, ce soir. J’avais envie d’avoir mal et d’être bien en même temps. Je crois, qu’en fait, j’avais beaucoup trop envie d’un concert de Damien Rice. Malheureusement, Glen Hansard était, un peu, en mode Bruce Springsteen. C’est pas une insulte ou une critique, j’adore Bruce. Sur scène, Glen est entouré de neuf musiciens. Pour le tête-à-tête, on repassera. Il y a des gens qui dansent dans la salle. Comme cette madame habillée façon Fifties qui lèvent les bras comme si elle était à un concert de Coldplay. Son mec à côté d’elle est en PLS. J’imagine qu’elle l’a forcé à venir, lui promettant qu’ensuite, il aurait le droit à une nuit de folie.

C’est pile au moment où Glen entonne “Birds of Sorrow” qu’une main me tape sur l’épaule… C’est B. Un ex. B, tu vois, ça fait cinq ans que je l’ai pas vu. C’est même pas vraiment un ex. Je vais pas extrapoler. Je dirai juste qu’il est d’origine irlandaise et que c’est pas vraiment une surprise de le croiser là. Par contre qu’il arrive de nul part sur “Birds of Sorrow”, ça m’a un peu fait chier. Parce que j’aime beaucoup cette chanson, d’abord. Mais parce qu’elle dit un truc du genre “love is gonna find you, you better be ready then”. Ça a beaucoup fait rire B., moi un peu moins, je t’avoue. Malaise. Prétextant une envie pressante, je disparais dans la foule pour profiter du concert plus loin.

Glen parle d’amour sur scène. C’est le thème de la journée, inévitable donc. Il dit qu’il ne faut jamais écouter les conseils de quelques d’autres en matière d’amour, parce que c’est toujours du bullshit. Tu m’étonnes, Simone.

Et l’Irlande dans tout ça ?

Mais Glen, il fait un peu de sociétale et de politique. C’est un peu les Chroniques de Dublin mais en liveIl raconte l’histoire de “Shelter Me”. De cet homme qu’il avait croisé à Dublin. Il avait tout perdu. Son taf, sa meuf et sa maison. Mais il disait qu’il n’en voulait à personne, qu’il serait heureux tant qu’il avait ses amis autour de lui. Aujourd’hui, il a retrouvé un taf, une maison et sa meuf est revenue. Un happy end digne d’Hollywood.

Parmi les jolis moments à souligner, il y avait tout de même cette reprise de Woody Guthrie. Si tu lis Rocknfool, tu sais que Woody, c’est un peu l’un de mes héros. Alors quand Glen reprend “Vigilante Man”, mon petit cœur s’emballe. Il rajoute quelques couplets supplémentaires où il se fout de la gueule de Trump et de sa politique borderline. Qui dit folk, dit protest song. C’est la base. L’autre case à cocher quand on fait du folk, c’est “les chansons d’amour raté”. Et, il y a quelques unes bien sûr : “One of Us Will Lose”, “My Little Ruin” (inspiré du film Le Diabolique)…

Mais, si les arrangements étaient très bien, que le public chantait en chœur de très belle manière (je me suis même demandé s’il y avait pas des choristes dans la foule, tellement ça chantait bien), que la voix de Glen est incroyable (sans doute l’un des meilleurs chanteurs aujourd’hui), que tout était parfait, il manquait un truc. Tu vois, la flamme. C’était trop “américain”, je dirai. Je voulais de l’Irlande moi, je voulais pleurer des larmes de bonheur, je voulais avoir les poils des avants-bras qui se dressent, la gorge qui se noue, je voulais le grand frisson. L’impression que tout tremble, tout vacille. Que le cœur s’emballe. Qu’il se passe quelque chose de grandiose. Et ça, je l’ai pas eu. Pas de frissons, pas de larmes. Ça m’a manqué.

C’est donc en écoutant “9 Crimes” sur le chemin du retour, que je rentre. Quand j’allume ma télé, le PSG a perdu.

 

Ah, et si tu te demandes, B. m’a envoyé un message.