Eddy de Pretto : quoi sa gueule ?

BILLET D’HUMEUR – Depuis la sortie de “Cure”, Eddy De Pretto est la cible de moquerie… notamment sur son physique. Quand est-ce que l’on grandit ? 

Ça fait plusieurs jours que je lis des commentaires assez puants sur Eddy De Pretto. Qu’on n’apprécie pas sa musique, je comprends. La musique est un art, et fatalement son appréciation est subjective. La musique touche ou ne touche pas. Les paroles provoquent quelque chose en toi. Ça te parle, ça fait écho à quelque chose. Ou ça ne le fait pas. C’est normal. Pas un artiste ne fait l’unanimité. Même pas les Beatles. Oui, je connais des personnes qui détestent les Beatles. Je ne leur en veux pas.

Tu peux critiquer la musique, dire que les mélodies sont faciles, que c’est répétitif au final, que 14 chansons c’est beaucoup trop. Que parfois le trait est un peu trop forcé. Qu’il joue aussi un peu trop la carte du mélodrame. Tu as le droit. Je t’encourage à dire ce que tu penses de sa musique du moment que ça va plus loin que “c’est de la merde”. Mais, les commentaires que j’ai le plus lu, portait sur le physique. Je lis qu’il est laid. On se moque de son visage, de sa coupe de cheveux, de sa façon de s’habiller. Mais c’est vraiment le “j’ai jamais vu un mec aussi moche” que je lis souvent. Et j’avoue, ça me rend triste.

Et le respect ?

Depuis quand on critique le physique ? Lui-même n’est pas à l’aise avec cela, il en parle dans une chanson, “Mamere”. Il promet “un jour, je serai moins laid”. Je n’imagine pas ce que ça doit lui faire, à ce jeune garçon qui réalise son rêve, sortir un album, qui a ouvert son cœur, qui a livré toutes ses fêlures dans ce journal intime sonore, de se connecter sur les réseaux sociaux ou naviguer sur Libé et lire “t’es moche”. Ça fait un moment que j’ai perdu foi en l’humanité, tu sais. Parfois, il y a des sursauts, des jours où je me dis qu’on ne peut pas être aussi méchants que cela pour s’en prendre au physique d’une personne, mais c’est stupide de penser ça. On n’est dans une société du paraître plus que de l’être. Depuis toujours. Si c’était le contraire, j’imagine qu’on serait tous un peu plus heureux. Un peu moins malheureux, en tout cas.

Pour vous tous alors, ceux qui traitent Eddy de Pretto de “laideur”, pour être artiste, il faut être une gravure de mode ? Il faut ressembler à Johnny Depp dans sa vingtaine ? Il faut être parfait, rentrer dans le moule ? Être longiligne pour une femme avec rien qui dépasse, pas trop sexy parce qu’il faut pas abuser quand même, musclé pour un homme, viril, danser avec des femmes autour de lui. Straight si possible. Parce que si jamais t’assume ton homosexualité, alors là, on ne parlera que de ça. Les cases, toujours les cases. Le XXIe siècle n’est pas vraiment celui de l’affirmation de soi et du respect envers les autres, s’il est différent.

La tyrannie de l’apparence

Bien sûr, on se juge, on se jauge, on ne pense pas tous de la même manière et c’est très bien. Il faut des avis qui divergent, il faut des débats mais des débats intelligents avec du fond et des arguments autre que “mon dieu, il est moche”. C’est d’un niveau digne d’une cours de récréation. Il faut des couilles et du courage pour sortir l’album qu’a sorti Eddy de Pretto. Parce que s’il y a une chose dont je suis sure, c’est qu’il est sorti de ses tripes ce putain d’album. Il n’a pas l’air de mentir, il a l’air sincère et authentique. C’est son mal-être qu’il a exprimé, il a traduit tous les uppercuts donnés par la vie et tous les coups reçus dans le ventre. Il a osé mettre tout ça dans un album, il s’est livré, sans filtre, sans édulcorer quoique ce soit, au contraire, c’est parfois dur à entendre et peut-être même qu’on se reconnaît dans certaines paroles. Et, consciemment ou pas, Eddy de Pretto remet en question des normes et des codes. Des normes et des codes stupides encore beaucoup trop présentes qui ne rendent pas service à la société.

Tu t’es sans doute déjà regardé, toi aussi, dans le miroir un matin en souhaitant : “un jour, je serais moins laid.e”. Imagine maintenant que des milliers de personnes que tu ne connais pas, écrivent que tu es moche. Je pense que tu n’aurais pas envie de te lever le matin et encore moins sortir de chez toi. Tu imagines ? Peut-être que tu réfléchiras à deux fois avant de dire qu’une personne est laide.