Les garçons sauvages : un conte initiatique psychédélique

FILM – Le premier film de Bertrand Mandico ne laisse pas indifférent. Conte initiatique, rêveries érotiques, récit d’aventures, tout y est pour fasciner. Et ça fonctionne !

Pour son premier long-métrage, Bertrand Mandico, qui s’était jusqu’alors illustré par ses courts-métrages, n’a pas lésiné sur les idées de génie. Les garçons sauvages parviennent à mêler une aventure à la Stevenson et Jules Verne, un jeu d’acteurs qui laisse bouche bée et une image faite de collages et de projections incroyablement élégante.

Un récit bouillonnant

Après une énième scène de violence mêlée d’érotisme sadique, les cinq garçons sauvages (interprétés à merveille par Pauline Lorillard, Vimala Pons, Diane Rouxel, Anaël Snoek, Mathilde Warnier) sont envoyés sur le bateau du Capitaine. Ce vieux barbu bourru a pour réputation de parvenir à adoucir les plus indomptables des jeunes gens, en les emmenant en croisière sur son vieux rafiot. Sur l’eau, les cinq garçons doivent endurer un régime sévère : au menu seulement d’étranges fruits poilus et comme unique activité, récurer le pont et survivre aux multiples tempêtes. Ces têtes brûlées résistent comme elles peuvent à l’autorité du Capitaine, mais se font rapidement museler par le puissant Capitaine. Mais voici qu’ils accostent sur une île sauvage à l’hospitalité farouche…

Les garçons sauvages

Une esthétique psychédélique

Ce premier long-métrage de Bertrand Mandico est tourné essentiellement en noir et blanc, avec quelques scènes en couleurs faisant l’effet d’une étrange re-colorisation de vieilles pellicules. À cela s’ajoute un grain particulier, des effets de superposition d’images (collages, projections, etc.), du flou artistique et des décors invraisemblables. Le tout donne une image surprenante, artisanale et totalement fascinante.

L’atmosphère malaisante

Tout est fait pour inspirer chez le spectateur désir et crainte. L’intrigue évolue mêlant rêves et réalité, les personnages sont à la fois effrayants et envoûtants, les décors balancent entre lieux rassurants et dangers mortels. L’océan est à la fois sécurisant lorsque les garçons respectent la loi du Capitaine, mais s’avère impitoyable dès que celui-ci est remis en question. L’île, surtout, procure tous les délices des rêves les plus fous mais peut aussi infliger la mort à qui s’aventure sans guide. Le spectateur est lui aussi malmené, confronté aux aléas des actions et désirs des garçons.

Les garçons sauvages

L’érotisme en filigrane

Des fruits juteux et poilus à l’île qui sent l’huître, en passant par la sexualité exacerbée des jeunes garçons et le désir qu’inspire le Capitaine, se cache (pas toujours discrètement) dans Les Garçons sauvage une esthétique érotique bourgeonnante. C’est ce désir sauvage qui mène les garçons à la violence. Ils se disent eux-mêmes souverains d’une pulsion érotique nommée Trevor, qui les obligent à accomplir leurs actes les plus cruels. Ils sont eux-mêmes en plein dans l’âge de la découverte des sens, ayant à peine mué, leur corps est androgyne encore imberbe. Ils découvrent une sexualité multiple, sans frein ni code, exacerbée plus encore lorsqu’ils accostent sur l’étrange île. Rien, ou presque, n’est montré crûment à l’écran, tout le jeu érotique est insinué par petites touches laissant jouer l’imagination et diffusant une moiteur douceâtre tout au long du film.

Un jeu d’acteur impressionnant

Pour encore plus d’efficacité dans la volonté d’étrangeté, les cinq jeunes hommes sont joués par… cinq jeunes femmes. Androgynes, leurs cheveux courts et leur voix plongeant dans les basses, participent à la réussite de ce travestissement, mais ne font pas tout. Le talent de ces actrices et de faire complètement oublier qu’elles sont femmes. Leur violence est jouée avec justesse, leurs désirs aussi. À l’instar d’une époque où les comédiens étaient nécessairement masculins mais interprétaient sans doute possible des personnages féminins, ici la question ne se pose pas, ce sont bien de jeunes garçons qui sont montrés à l’écran. Et ce qui pourrait n’être qu’un effet de style prend tout son sens au fil du récit.

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Petit bémol (/!\ avec spoilers /!\)

On reste quelque peu dubitatif sur la morale de l’histoire. Ce n’est qu’en devenant femme que les garçons peuvent s’assagir ? Les jeunes garçons sont nécessairement violents et obsédés par leurs désirs ? Si quelqu’un trouve une explication non-sexiste à ce twist final je suis preneuse parce qu’un si bon film ne peut pas se terminer sur cette note !

Les garçons sauvages, de Bertrand Mandico, avec Pauline Lorillard, Vimala Pons, Diane Rouxel, Anaël Snoek, Mathilde Warnier et Elina Löwensohn. En salles en France depuis le 28 février.