10 choses à retenir du Festival Santa Teresa 2018

LIVE REPORT – Retour sur la deuxième édition du Festival Santa Teresa : entre concerts exceptionnels et organisation défaillante.

1 – La grande fête Feist

Le Festival Santa Teresa avait frappé fort en annonçant Feist en concert dans la grande église moderne de la ville. Et ce spectacle-là a tenu ses promesses. La Canadienne, entame son spectacle par des excuses. Elle parle anglais, car cela fait bien trop longtemps qu’elle n’a plus parlé français. Feist fait un show de quasiment 2 heures face à un public venu nombreux (du moins au début). On ne l’arrêtera plus. C’est presque trop long. Les conditions de visibilité étant médiocres pour 90% du public, il est facile de se déconcentrer et de perdre le fil. La Canadienne ne manquera pas, d’ailleurs, d’inviter le public à venir la rejoindre et s’asseoir aux pieds de l’autel, entraînant un impressionnant mouvement de foule vers le chœur.

Feist fait un très bon show. Souriante et solaire, l’artiste nous ensorcelle en deux temps trois mouvements grâce à la douceur de son timbre si caractéristique magnifié dans l’église. On retiendra l’intense “I Wish I Didn’t Miss You”, l’orgiaque “Sea Lion Woman” qui fera se lever toute l’église tel un prêche dominical à Harlm, l’impérissable “My Moon, My Man”, ou encore la superbe “I’m Not Running Away”. Petit bonus, la Canadienne invitera La Force (Broken Social Scene) et Safia Nolin pour un trio remarquable sur “Cicadas and Gulls”.

2 – La relève rock québécoise est là

Mort Rose le vendredi et Loic April le dimanche. Le rock québécois n’est pas mort. Loin de là. C’est au Saint-Graal qu’on entame le festival, avec le rock rétro-romantique de Mort Rose qui nous présentent de nouvelles chansons. Fidèles à eux-mêmes, ils nous jouent notamment “Le Sexe”, sourires entendus au coin des lèvres. Un nouveau clip devrait sortir sous peu. Loïc April avait lui la lourde tâche d’ouvrir la soirée avant les phénomènes Lydia Képinski et Hubert Lenoir dans un Cha Cha plein à craquer. Un peu timide au début, le Québécois a réussi à lâcher les chevaux et envoyer le pâté sur les chansons figurant sur son premier album éponyme. Le Québécois sera en concert le 16 juillet à l’Escogriffe, l’occasion de retourner l’écouter dans des conditions plus favorables que le couloir collé au bar, et menant aux toilettes au fond de la salle.

3 – Le Black Saturday

Cela faisait une bonne semaine qu’on guettait avec appréhension la météo. Vendredi nuageux, samedi-dimanche pluie. Samedi, ça n’a pas loupé, une pluie torrentielle s’est abattue sur Sainte-Thérèse à partir de 16h. 16h qui était par ailleurs l’heure de passage de Her, qu’on attendait avec grande impatience malgré la pluie. Des retards avaient déjà eu lieu en début de journée, notamment pour protéger le matériel. Cette journée-là a été ce qu’on peut appeler une petite catastrophe. D’autres concerts de têtes d’affiche ont tour à tour été annulés (The Voidz et Alice Glass), celui de Her, reporté à 21h au BMO, a quant à lui été une seconde fois annulé, 10 minutes avant le show. Au grand désespoir des nombreux festivaliers venus faire la file devant la salle dès 20h, et sous la pluie. Résultat : les salles, les bars et les restaurants ont été pris d’assaut toute la journée, malgré leur faible capacité. Impossible donc d’aller voir Wolf Parade reprogrammé en salle. Une file d’attente remontait toute la rue Turgeon alors que la salle était déjà full. Même situation pour Milk & Bone au Cha Cha quelques heures plus tard.

4 – La confirmation Zen Bamboo

Du côté du Saint-Graal, samedi, la bière coulait à flots, tandis que la pluie ruisselait sur la baie vitrée de cette brasserie artisanale. On se réfugie avec plaisir dans cette antre chaleureuse où les concerts se déroulent sans pétrin. On a notamment enfin l’occasion de découvrir Zen Bamboo dont le nom ne cessait d’apparaître dans nos feeds. Signés chez Simone Records, le quatuor originaire de Saint-Lambert ne lésine par sur l’énergie pendant leur set de 40 minutes. Et cela commence avec fracas puisque Simon Larose, le frontman s’est renversée de la bière dessus. Une pause nettoyage de guitares s’impose pour mieux revenir à coup de gros riffs et de casquettes qui s’envolent. Rien à voir avec les versions studio de leurs chansons. Si on a du mal à distinguer la voix de notre côté de la scène, il faut reconnaître un plaisir évident à observer ce groupe s’éclater sur scène et se donner un maximum pour un public de connaisseurs. À absolument revoir dans une configuration moins artisanale.

5 – Le flamant rose, la mascotte 2018

En guise de décoration tropicale Telus avait planté plusieurs dizaines de ses fameux flamants roses en plastique à travers le site. Le vendredi, les flamants commençaient déjà à se déplacer migrer à travers Sainte-Thérèse, pour finir dimanche carrément kidnappés par leurs nouveaux propriétaires. Il n’était pas rare de voir dépasser leurs petites têtes de sacs à dos divers et variés. Des flamants ont également tenté de prendre leur envol pendant les concerts de la scène extérieure, sans grand succès. Certains ont fini leur course dans le pit des photographes, bien mal en point. D’autres plus chanceux ont pris le métro et pris place dans de nouvelles maisons.

6 – Le dimanche urbain

Après un samedi épouvantable, l’arrivée du soleil le dimanche nous a fait l’effet d’une réconfortante et goutteuse poutine post-cuite. Si la programmation du samedi était plutôt éclectique, celle du dimanche est carrément urbaine (clin d’œil appuyé aux Victoires de la musique). Ça débute avec l’enthousiaste duo hip-hop Heartstreets visiblement très influencé par ce qu’il se fait de l’autre côté de la frontière. Les filles se défendent bien, ne cachant pas leur excitation d’ouvrir la journée sous un beau soleil. Abra prend le relais. L’Américaine aux cheveux roses propose une performance un tantinet trop propre et réglée, faisant toutefois le bonheur de ses fans rassemblés dans les premiers rangs.
Un peu plus tard, Ghostemane décide de ne pas autoriser les photographes dans le pit après que son DJ a chauffé la foule pendant un bon quart d’heure. Dans le public des mosh se font et se défont au son des “Make some noise” lancés robotiquement à chaque fin de chanson par le leader californien très remonté. Dans la foule, les regards sont soit exaltés, soit apeurés.

 

7 – Le festival de la banane

La spécialité à Montréal c’est d’être bien sappé, mais faire mine de s’en foutre. Santa Teresa était un réel défilé de jeunes people et de fashionistas. Vous avez peut-être croisé Lou-Pascal Tremblay, ses jeans troués et sa chevelure de lion, arrivé à moto, accompagné des acteurs Antoine-Olivier Pilon et Maxime Gibeault. Les Youtubeurs Lysandre Nadeau et son chum Jemcee ont également été aperçus circulant sous la pluie de Sainte-Thérèse. Les spécialités vestimentaires de l’édition ? Le pantalon militaire coloré, les tresses pour les mecs, les grands t-shirts à rayures, des hoodies de couleurs, les lunettes de soleil colorées, et les bananes qui étaient portées par une personne sur trois. Sans oublier les k-way, et les imperméables capotes comme on dit chez nous. Ce qui est pratique à Montréal, c’est que la mode est plutôt confortable.

8 – La leçon de rap de Loud

Il était programmé à une heure bien tardive le dimanche soir. Finalement, au vue des défections de certains groupes dans la journée, Loud (du duo Loud Larry Ajust) se retrouve propulsé sur la scène extérieure en fin d’après-midi. Et c’est tant mieux. Ce sera sans aucun doute le concert le plus rempli et suivi de l’édition (avec celui de Ghostemane quelques minutes avant). Loud et son DJ mettent le feu à Sainte-Thérèse. Le rappeur semble particulièrement en forme, arpentant la scène, sourire au coin des lèvres, regard irradiant. Loud a de quoi convaincre, avec des textes incisifs en franglais et des beats efficaces et légers. Il défend son premier album Une Année Record. Un LP qui porte bien son nom pour ce Québécois qui fait l’unanimité dans la Belle Province et séduit déjà la France. Il est d’ailleurs à retrouver dès la semaine prochaine dans l’Hexagone, puis de nouveau à l’automne. L’enfant montréalais n’en oublie pas ses racines, et sera le 4 août à Osheaga, puis le 17 novembre au MTelus. À ne franchement pas manquer, c’est très bon.

9 – Le girl power

Bien sûr, Feist et Klô Pelgag ont eu les honneurs de l’église, mais d’autres artistes féminines québécoises se sont également illustrées pendant cette fin de semaine à Sainte-Thérèse. D’abord la douce Mélanie Venditti et son indie-folk au Saint-Graal, très heureuse de voir le bar rempli grâce/à cause de la pluie. Une de nos plus belles découvertes du week-end. Ensuite, la charismatique Lydia Képinski au Cha Cha qui d’emblée, grâce à une prestance théâtrale, hissée sur une baffle, instaure le silence dans la salle en chantant “Les Routes indolores” extrait de son premier album sorti il y a quelques semaines à peine. Un premier album absolument addictif qu’il faut avoir écouté (Lydia Képinski sera d’ailleurs en concert le 1er juin au Centre Phi). Enfin, le groupe punk-rock Rose Bush sur lequel on est tombé par hasard au Saint-Graal en plein déluge. Normalement composé de quatre filles, la formation montréalaise (fleurie) était mixte pour l’occasion. Engagées mais un peu brouillon, les filles ne se sont pas laissées démonter par le peu d’attention du public.

10 – Le prêche Pelgagien

Dernier spectacle de l’édition 2018 de Santa Teresa, la “messe transfigurée” de Klô Pelgag faisait partie des incontournables du festival. Ça sera pour nous le clou du festival. La Québécoise a réinterprété les titres de son dernier album L’Étoile thoracique accompagnée de six musiciens et cinq cuivres. Après une distribution de paquets d’hosties pour patienter, Klô Pelgag fait une entrée fracassante en une reconstitution de procession religieuse, remontant stoïquement l’allée de l’église Sainte-Thérèse. VioleTT Pi prend ensuite la parole depuis l’autel, haranguant la foule sur le rôle de la musique. Tous costumés d’habits liturgiques clinquants, la folle équipée s’est ensuite lancé dans une Marche pour la cérémonie des Turques de Lully en guise d’introduction.
La voix de Klô est superbement mise en valeur par l’acoustique grandiose de l’édifice. Les chansons sont légèrement revisitées pour l’occasion. On notera notamment “Le Musée de cire” en duo avec un thérémine, où piano et ondes se sont superbement harmonisés, ou encore le touchant duo en guitare-voix avec VioleTT Pi sur “Labyrinthite”. Comment ne pas parler enfin de Marc Hervieux, chanteur lyrique déguisé en prêtre, venant lui aussi participer à la grande messe mêlant son timbre de voix de ténor à celui de Klô le temps d’une chanson. Magique !

On a aussi entendu la réincarnation de Linkin Park en nothing nowhere et constaté combien le nouveau projet de Nick Murphy est mauvais. On passera sur l’annulation de (trop) dernière minute de Lil Uzi Vert qui a fait beaucoup jaser sur place et sur Internet puisque des festivaliers mécontents du manque de communication des organisateurs ont décidé d’envahir la scène. Pour conclure ce Santa Teresa 2018, on essayera d’oublier la débandade du samedi et les annulations à gogo pour mieux se souvenir des beaux moments, de cette ambiance bon enfant et de cette incroyable programmation qui a quand même réussi à tenir une partie de ses promesses. N’oublions pas qu’il ne s’agit que de la deuxième édition du festival…

Photos : Emma Shindo