Wave, la sublime plongée vers la lumière de Patrick Watson

CHRONIQUE – Le 6e album de Patrick Watson est sorti : Wave est une ode à la dérive mélancolique. Et nous montre le chemin de la lumière.

On aurait pu le parier. Patrick Watson a encore frappé et tout ce qu’on en espérait s’est réalisé. Retour en arrière.

Patrick Watson - Wave
Patrick Watson – Wave

Just Another Ordinary Day : première œuvre de Patrick Watson en groupe. Un disque cinématographique plein des excentricités du garçon et des envolées lyriques qui vont devenir sa marque de fabrique.

Close To Paradise : sorte de conte de fées surexcité dans un décor urbain nocturne. Le premier gros succès du groupe qui s’ouvre à l’international. Et l’album dans lequel se cache la mythique mélodie de “The Great Escape”.

Wooden Arms : voyage en forêt automnale. On y sent l’odeur du bouleau à papier, on y entend le crépitement d’un feu de camp. Le plus doux des albums de Patrick Watson.

Adventures In Your Own Backyards : course pieds nus dans les herbes folles. C’est l’album des cuivres et de la communion. L’album du bonheur et de la grandeur. Une autre ampleur, tant musicale qu’industrielle, avec l’arrivée chez Domino.

Love Songs For Robots : mise en orbite complète. Les arrangements se font plus électroniques, et Patrick Watson explore d’autres territoires sans jamais se départir de son sens de la mélodie et du lyrisme. Presque expérimental, et complètement spatial.

Même si les singles dévoilés nous donnaient beaucoup d’espoirs pour Wave, l’histoire des albums de Patrick Watson nous a appris une chose : ne rien attendre, si ce n’est l’exploration d’un nouveau monde et beaucoup de beauté. Et une fois encore, le pari est gagné.

Fonds bleutés et plongée sous-marine

Pour ce qui est du nouveau monde, on y est : bienvenue dans l’océan. Des fonds tellement bleutés qu’on s’imagine en apnée avec les poissons, guidé par des sons électroniques venus des profondeurs (“The Wave”, “Drive”). Une sorte de silence ouaté, des bruits étouffés, loin de l’agitation du monde terrestre (“Strange Rain”). Battant des jambes pour une remontée à la surface au milieu des bulles et vers la lumière du soleil (“Broken”).

Quant à la beauté, elle irradie de ces 10 titres et 37 minutes de mélodies et de paroles particulièrement en valeur. C’est peut-être là la grande surprise du disque. Patrick Watson, qui avoue ses difficultés à écrire des paroles quand les mélodies lui viennent ridiculement facilement, s’est pourtant surpassé à décrire les états d’âme qui l’ont traversé ces 4 dernières années.

“A wave she came and washed away all the ground I was standing on
But the ground was shaking anyhow”
The Wave – Patrick Watson

Et cela avec une voix d’une douceur de velours. Et d’une profondeur inédite qui lie finalement la beauté au cadre. Cette voix, elle a été travaillée autrement après qu’il l’ait perdue dans les aigus. S’être rendu compte que les graves lui allaient, et avoir travaillé aussi sur un projet hommage à Leonard Cohen, l’ont poussé à proposer sur Wave une signature vocale beaucoup plus apaisée et donc beaucoup plus au service des mots, qui ont un poids conséquent ici, après tout ce que Watson a vécu ces 4 dernières années.

La mélancolie terriblement lumineuse de Patrick Watson

Difficultés vocales, deuil, séparation, mais aussi rencontre. Inutile d’appuyer sur la vie privée de Watson. Mais, en plus d’une nécessaire étape mélancolique, il semble avoir tiré du chaos quelques leçons de vie et de sagesse qu’il partage dans Wave. Au point de se décrire avec humour comme un “professeur de yoga émotionnel”, qui veut “t’étirer dans toutes les directions possibles pour te donner accès à toutes les différentes parties de ton esprit.”

Et après plus d’une demi-heure à laisser son esprit s’étirer entre mélancolie et bonheur pur, arrive la dernière pièce, “Here Comes The River”. Une pépite qui nous pousse à imaginer des scènes de films qui accompagneraient la musique. Là, un naufragé, fatigué, épuisé, se laissant porté par les courants, et échouant finalement sur une terre promise qu’il n’osait plus espérer. Le tout se passerait sous un doux soleil d’hiver, ténu mais réconfortant, et la scène serait probablement filmée par un très large travelling arrière, aérien, qui symboliserait à quel point il est important de lâcher prise pour regagner la rive.

Parce que c’est ce que nous rappellent toujours les albums de Patrick Watson. On n’est vraiment pas grand chose. Alors pourquoi ne pas simplement lâcher prise et profiter de la beauté qui nous entoure pendant qu’on le peut encore ? Namasté.