Mélodie Spear : “Écrire sur soi c’est gratter ses bobos”

INTERVIEW – Rencontre dominicale punchée avec la jeune Québécoise Mélodie Spear qui, fait partie de la cuvée 2020 du tremplin des Francouvertes.

Mélodie, je l’avais repérée en juillet dernier, au Festival d’été de Québec, dont elle est originaire. C’est dans le cadre de sa participation aux Francouvertes que nos chemins se sont recroisés, dans un café en demi sous-sol de la rue St-Denis par un début d’après-midi ensoleillé.

Une, mais plusieurs, Mélodie Spear, 22 ans, est vibrante de vie et énergétique comme une barre. Voici une version revisitée de la biographie de Mélodie concoctée au fil de nos digressions pendant l’entrevue. Mais, plaisanterie mise à part, Mélodie est exactement telle que je l’imaginais. Une jeune femme solaire et fougueuse à l’enthousiasme contagieux et extrêmement prometteuse.

Tu as un gros bagage scénique et médiatique derrière toi. Pourquoi participer aux Francouvertes maintenant ?

Comparativement aux concours que j’ai faits avant (Chanson-Fleuve, Granby, Ma première Place des arts), tu arrives aux Francouvertes avec ta personnalité à toi. Les autres concours sont un tout-inclus, ils ont déjà un band pour toi et leur propre son. C’est impersonnel. Je voulais être sûre de faire les Francouvertes avec mon band à moi. Avec ma propre essence (rires).

Tu veux dire que tu t’es sentie castrée lors des autres concours ?

Pas nécessairement castrée, mais à côté il faut que tu en profites à fond et que tu comprennes que les musiciens qui t’accompagnent ne pourront pas changer de style en une répétition de 40 minutes. Tu ne vas pas pouvoir ajuster leur mise en scène. Ils ne vont pas jouer pour toi comme le ferait ton propre band car ils se doivent doivent d’être objectifs, eux aussi.

Tu auras donc ton propre band aux Francouvertes ?

Mon band ce sont les amazones ! J’ai vraiment hâte, elles sont vraiment bonnes. Ce sont comme des sœurs, une brohood. On a toutes des backgrounds de musique différents, et on a toutes vécu le fait d’être musicienne dans un monde d’hommes. Ça nous “tient” ensemble.

Mélodie Spear (c) Emma Shindo

Est-ce que, lorsqu’on vient d’une famille de musiciens comme toi, c’est inéluctable à un moment ou un autre de faire de la musique à son tour… de tomber forcément dedans ?

Je vais te parler de ma petite-sœur, 19 ans, qui est zéro musicienne, travaille en finances et à beaucoup d’ambitions. Elle a même déjà son émission de télévision sur la vulgarisation de la finance pour les jeunes ! La musique, ce n’est pas du tout son truc, et elle se demande où est ma stabilité financière dans la musique. Elle m’a même fait télécharger une application de budget sur mon cell… Ou alors c’est peut-être parce que mes parents m’ont appelée Mélodie et que je n’ai plus eu le choix rendue là. C’est le prénom qui définit ta carrière, pas la famille en fait (sourire).

Dans tes textes, il y a ce mélange entre le parler québécois et la littérature/poésie, notamment avec les rimes. Comment doses-tu tout ça, comment fais-tu ta soupe ?

Ça me donne faim ! En fait je me suis rendu compte que si je faisais une envolée de texte très dense, il fallait la contrebalancer avec quelque chose d’immédiatement compréhensible et de touchant. C’est mon algorithme pour être satisfaite et aller travailler mes textes un peu plus.

Quand j’ai commencé à écrire, j’écrivais vraiment avec beaucoup d’application. Il y avait trop d’adverbes ! C’étaient de belles paroles, mais ce n’était pas coup de poing, et je trouvais que ça manquait de croustillant. Je me suis aussi rendu compte que j’aimais ça mélanger mon écriture avec du québécois à cause du rythme et de l’évolution de notre langue. J’y vais avec les images qui vont me faire vibrer. J’écris de la poésie constamment et je jam avec le québécois. Ça sort vraiment naturellement, c’est une poésie subconsciente !

L’inspiration c’est les histoires des autres ?

Tout le temps les autres ! Si tu traînes avec moi, je t’ai probablement déjà utilisé pour écrire une chanson. Ce sont plus des traits de personnalité que je vais exagérer.

Tu n’écris pas du tout sur toi ?

Si si, c’est sûr ! Je n’ai pas le choix là (rires). Mais je trouve ça plus intéressant d’écrire sur les autres. Écrire sur soi c’est rester dans sa petite routine, tugrattes juste tes bobos… À un moment donné, ça suffit (sourire). Je pense que je suis de la matière créatrice, comme toi tu es de la matière créatrice. Mais je crois avoir épuisé la mienne donc je préfère me tourner vers les autres. Bon, c’est sûr qu’il y a un peu de projection là-dedans, on ne peut pas s’en empêcher…

Quid de cet EP censé être sorti à l’automne dernier ?

Il n’y a pas de EP (rires). J’ai vraiment fait ça à l’envers car je suis super impatiente. Je n’avais pas de band mais je suis quand même partie en studio. J’ai commencé à enregistrer il y a un peu près un an avec le réalisateur Shampooing (Benoît Villeneuve) qui est très occupé entre ses enregistrements et ses tournées. Je suis aussi toujours à la merci de ses disponibilités. On travaille fort avec mon band et je me suis rendu compte que certains chansons avaient évoluées. Donc je me suis dit : ah nan, on arrête tout et on recommence ! Car c’est important d’être satisfait.

Mort Rose a une chanson qui s’appelle “La femme flamme”, et ce titre m’a beaucoup fait penser à toi. J’ai vu que tu te qualifiais de princesse grunge ou encore poétesse des temps modernes. T’es tout ça à la fois ?

Oui ! Ces temps-ci je suis pas mal une sorcière bouddhiste, c’est mon nouveau truc. Ce matin je lisais La Philosophie chinoise. J’ai des trips comme-ci comme-ça, je me réinvente. J’aime ça aussi, trouver des qualificatifs cools pour mon band : par exemple Juliette la guitariste est la “bandidas du blues”. C’est inspirant ! J’essaye aussi parallèlement de développer mes capacités en herboristerie depuis l’accident de ma plante “pepe”.

Une anecdote random sur toi que tu voudrais bien nous raconter ?

Je pourrais te raconter le moment où j’ai reçu l’appel des Francouvertes. J’étais au Village des valeurs et j’avais décidé d’acheter des assiettes pour les briser. Je voulais enregistrer des percussions d’objets qu’on brise pour les mettre dans une toune. J’avais choisi mon lot d’une douzaine de petites assiettes laides à 7,99£ et je passais à la caisse où ils ne trouvaient pas le prix. C’est à ce moment précis que j’ai reçu l’appel des Francouvertes ! J’étais tellement heureuse ! Mais je leur ai dit qu’il fallait que j’aille trouver le prix de mes assiettes. “Tu magasines pour des assiettes ?” m’a demandé Sylvain Chartier (adjointe à la direction), et j’ai répondu que non, qu’il fallait que je les brise…

Que sont devenues ces assiettes ?

Je les ai encore chez nous finalement (sourire). On a fini par enregistrer les voix de cette chanson-là dans la douche avec Shampooing. Je peux arriver en lui parlant d’enregistrer des assiettes brisées, il me dira “ok Mélo”. Pareil si je lui dis “finalement on va aller dans la douche pour le vocal… “ok Mélo !”.

J’ai une avant-dernière question un peu bête pour toi : on t’a pas trop niaisée avec ton nom de famille ?

Ça a été un calvaire ! Je ne suis plus capable (rires). À un moment donné, j’ai comme embrassé ce nom de famille, et je disais que Britney Spears était ma cousine. À cet âge-là, on y croyait. En plus j’étais blonde, je faisais de la musique et mon père est anglophone… tout comme ma cousine ! Même si elle n’était pas dans une bonne passe quand j’était jeune.

J’aimerais ça être de ça famille je crois.

Ça ne me dérangerait pas pantoute ! T’imagines, tes vacances de Noël : “je ne peux pas aller à Val-Cartier avec vous-autres, faut que j’aille voir ma cousine Britney Spears” (rires). Je serai down !

Mélodie Spear sera en concert le lundi 17 février au Cabaret du Lion d’or avec Guillaume Bordel et Embo/phlébite dans le cadre des préliminaires des Francouvertes.

Propos recueillis par Emma Shindo (8 janvier 2020)