Francouvertes : les demi-finales en mode pyjama-tisane

LIVE REPORT – Même si on ne pouvait pas être au Lion d’or pour les demi-finales, on n’aurait loupé les trois demi-finales pour rien au monde. On vous raconte.

C’est clairement une autre ambiance. Hoodie en pilou pilou, couverte sur les jambes, chaussons et tisane à portée de main. Voilà pour le cadre spatio-temporel dans lequel j’entame la 1re soirée des demi-finales des Francouvertes à la maison (cadre qui sera le même les deux soirées suivantes). On ne va pas mentir, le virtuel c’est pratique, cosy même, mais on croise les doigts pour la finale en personne au Club Soda le 2 novembre.

Narcisse dit fuck à la binarité

La dernière fois que j’ai vu Narcisse, c’était lors de la fête de la musique de Québec, sous un orage. Imprévus à mon week end de vacances, ces concerts en pure touriste m’avaient réchauffé le coeur à défaut de me réchauffer le corps. Narcisse avait confirmé qu’iel était faite pour briller sur scène, dans des conditions extrêmes. Nouveau set up de l’étrange puisque seule les techniciens et les autres candidats forment le public de la soirée. Trop peu pour Narcisse qui met le feu dans tous les cas. Désormais accompagnée de Michael à la basse et de Frédérique-Anne (aka Fria Moreas) au saxo baryton, Narcisse “brise la glace des demi-finales” avec “Narcisse” puis “Pénélope”. Même si la section rythmique des deux musiciens est intéressante, on ne peut que regretter que Narcisse soit encore réduite à des pistes sur lesquelles saxo et basse sont forcément bridés. Dommage, car lorsque Narcisse s’empare d’une guitare, après une douce transition saxo-basse suave et chante “À demain” (?) en bas de la scène ça change, et ça fait du bien à ce set soutenu et un poil intense.

La matrice yolo de Mille Piastres Please

Bienvenue dans la matrice de Mille Piastres Please qui ne change pas un set qui fonctionnait bien il y a quelques jours à peine. Peut-être préciser que le set virtuel et le set IRL de l’artiste n’ont strictement rien à voir l’un avec l’autre. Comme toute musique de rue qui se respecte, Mille Piastres Please et ses cinq musiciens devraient être vus en live. Le virtuel ne rend pas justice au violon et à l’énergie de Jo Millette que je peine souvent à comprendre. Les titres s’enchaînent toujours à un rythme effréné, ponctués de balades et de deux compos en violon-voix absolument brillantes. J’ai littéralement les poils de bras qui se hérissent sur “Fantôme” et “Tout l’monde”. Les textes, critiques sociétales, sont sublimés par le lyrisme du violon et celui des instants de silence. Les arrangements des autres chansons, tirés des deux derniers EP de l’artiste font plus fête populaire avec les babos du coin (désolée pour le cliché). C’est festif, mais on embarque moins.

La Fièvre se la joue Messmer

Étrangement, je n’avais pas détesté la performance de La Fièvre il y a deux semaines. Je trouvais au duo une belle fusion et une intention louable à travers des textes engagés. Sans parler de ces belles volutes de fumée qui les enveloppaient et donnaient à leur spectacle un côté Messmer. On aime ça la fumée. Pour leur demi-finale, les filles n’ont pourtant pas changé grand-chose, mais le virtuel n’a certainement pas aidé à ce que j’accroche musicalement à une proposition électronique assez chargée de toute part, qui malheureusement ne m’a pas touchée. Ça arrive, on ne peut pas être la came de tout le monde. Le côté Fauve/La Femme qui rencontre Yelle ne jouait certainement pas en leur faveur en ce qui me concerne mes goûts musicaux.

La Faune en rouge et noir

“On est venu jouer beaucoup de notes en pas beaucoup de temps” lance La Faune en ouverture de la deuxième soirée. Beaucoup de notes, il y en a, on ne pourra pas se plaindre de ne pas avoir été prévenu. Tout est très fourni, il y a beaucoup d’informations. Un peu trop à mon goût. Ça nous emmène quelque part puis ça nous lâche et nous empoigne violemment par le col du t-shirt dans un autre sens, sans prévenir. C’est à la fois très brut, et à la fois on sent un gros travail d’arrangements de la part du groupe mené par Jérémie Essiambre qui, par son timbre de voix rauque et son assurance, est le liant de toutes ces styles qui ont été forcés à cohabiter ensemble. Difficile de s’y accrocher et de se retrouver dans cet univers rock tumultueux qui nous malmène. On appréciera “Pour sortir” en solo guitare-voix, le “calme avant la tempête”.

Kanen comme à la maison

Un plaisir de retrouver Kanen, toujours aussi habitée qu’il y a 15 jours. Droite et fière, Kanen nous partage ses chansons folk mélancoliques (pour la plupart) à travers un songwriting simple et touchant. Pas de fioritures, pas besoin quand on sait raconter. Elle frôle les faussetés parfois, mais on sent que c’est causé par des émotions qui la traversent quand elle interprète “Le dernier train” puis “Par la fenêtre”, hommage à Joyce Echaquan. On aime toujours autant sa spontanéité et l’honnêteté qu’elle dégage lorsqu’elle prend la parole : que ce soit pour parler de ses origines, de ses combats (“Le blanc des yeux”), ou juste d’elle (“Tshukain”), le tout saupoudré d’humour. La suite s’annonce radieuse pour Kanen, que l’on reverra sur scène avec grand plaisir.

Ariane Roy en bombe

Le meilleur pour la fin : au tour d’Ariane Roy de remonter sur cette scène qu’elle a foulée fin février. Une salle un peu plus vide que la dernière fois ne peut-elle s’empêcher de regretter. La Québécoise revient avec une nouvelle coupe de cheveux mais surtout avec des chansons toutes fraîches. Pendant le confinement, la jeune artiste a fait paraître AVALANCHE (n.f.) un convaincant premier EP. C’est avec “Banc de parc” qu’elle entame son set, soutenue par trois musiciens – et non des moindres – Vincent Gagnon, Pierre-Emmanuel Beaudoin, Dominique Plante, et une choriste, Odile Marmet-Rochefort. En plus des titres de son EP, elle présente “Automne”, une chanson écrite pendant le confinement. Honnêtement, il n’y absolument à reprocher : le son est très propre, la voix est belle, tout est en place. Clôture de concert, et de soirée avec “Ta main”, sortie la semaine passée. Ça groove et c’est parfait. The job is done.

Jessy Benjamin télépathise sa pop

Pour le dernier soir des demi-finales, Jessy Benjamin a retravaillé son spectacle. Quelques chansons de son album Tapioca, calme toi ! (désormais disparu de la surface des internets) sont accotées à de nouvelles chansons extraites d’un futur album à venir. Le spectacle est bien moins kitsch que lors des préliminaires, et le professionnalisme est de mise pour le Québécois qui prend tardivement la parole après sa performance de “Florida Room”. “On essaie de vous sentir, on télépathise bien !” s’amuse-t-il. Ça groove extrêmement bien derrière Jessy Benjamin, accompagné de ses quatre musiciens (Karolane Carbonneau, Vincent Yelle, Olivier Cousineau et Gabriel Thibault de dr. à g.) qui offrent un délicieux background de soul-funk précis et bien balancé (dans les deux sens du terme). Le timbre de voix voilé de Jessy Benjamin finit de nous chauffer des chevilles et nous faire croire pendant une vingtaine de minutes que l’été n’a pas définitivement sacré son camp.

Vendou

Seul rescapé rap des demi-finales, Vendou débarque sur scène “un peu stressé”. Ça fait longtemps qu’il n’a pas de show nous dit-il d’emblée, dans un petit sourire. Pourtant, ça ne prendra pas beaucoup de temps avant qu’il reprenne ses marques et sa confiance en lui, entouré d’un beat-maker, mais surtout de trois musiciens (batterie, guitare, basse) qui apportent beaucoup de punch aux compositions du rappeur qui a fait ses armes aux côtés de FouKi (entre autres). En plus de “Petit petit (moment doux)”, Vendou présente son nouveau single “Comme une étoile”, le premier extrait d’un nouvel album, et clôture son spectacle avec “Jupiter” dont l’explosion finale en bœuf rock est tout à fait jouissive.

Valence, la cerise sur le gâteau

En guise de cerise sur le gâteau à 9 étages, c’est Valence qui débarque pour clôturer les demi-finales des Francouvertes. S’il n’y a pas de surprise au niveau de la setlist, un imprévu majeur est venu causer un peu de stress à Valence et ses musiciens. Antoine Bourque au saxo’ s’est foulé la cheville en jouant au foot quelques heures avant le spectacle. Qu’à cela ne tienne, deux chaises hautes sont ajoutées pour que le pauvre bougre puisse s’asseoir et poser sa blessure de guerre en toute sécurité, tout en jouant accessoires de percussions et saxophone, bien sûr. Mis à part ce léger désagrément (et la covid), Valence délivre une performance de qualité égale à ses préliminaires (comprendre : c’était toujours aussi bon). Il reste même sur scène jusqu’à la fin de “Sophie” en fin de show. L’énergie et la bonne humeur que ces six garçons, qui jouent ensemble depuis 1 an et demi, dégagent sont littéralement contagieuses.

Résultats : Ariane Roy (1), Valence (2) et Narcisse (3) sont les trois finalistes de la 24e édition des Francouvertes.