Les désillusions et la résurrection de Julien Baker

J’ai beau le regretter chaque lendemain matin, je ne peux m’empêcher vagabonder sur les internets. Et ce, pendant plusieurs heures, dès que minuit est passé. J’ai le sentiment d’être moins dérangée, plus libre de mes mouvements et de mes mystérieuses errances virtuelles. C’est dans cet espèce d’état de semi-conscience et de sensibilité exacerbée que je fais souvent mes plus belles découvertes musicales. Celles qui me font monter les larmes au point de ne plus être capable de m’arrêter d’écouter. Un feu d’artifice intérieur, de joie et de tristesse simultanées.

C’est de cette façon que je suis tombée sur Julien Baker, une jeune Américaine d’à peine 20 ans (elle est née en 1995). Une jeune femme au prénom masculin et au physique androgyne. Son premier album, Sprained Ankle est sorti en novembre 2015 et c’est une putain de merveille. Une pure pépite folk. Auteure-compositrice, Julien Baker faisait partie d’un petit groupe de rock, Forrister renommé Star Killer, qu’elle a mis de côté pour se consacrer pleinement à son projet solo. Et qu’est-ce qu’elle a bien fait. Emplie d’une franche mélancolie et d’une tristesse indéniables, Sprained Ankle est un album épuré et minimaliste, où elle se contente parfois d’une seule ligne de guitare acoustique (“Everybody Does”) ou électrique (“Rejoice”) en accompagnement. “Vessels” et “Brittle Boned” sont les seules ballades où elle a ajouté de très légères percussions (des coups étouffés de tom ou de grosse caisse). Dessus, elle pose sa voix, d’une innocence folle, un timbre lyrique très maîtrisé qui sait se faire intense et extrêmement émouvant (“Something”).

Julien n’est pas le genre de personne à crier pas sa joie de vivre sur tous les toits ou à parler de choses irréelles, elle serait plutôt une jeune femme de 20 ans qui en aurait déjà vécu 50. L’antinomie parfaite. Elle parle de relations bien sûr, de désillusions, d’addictions et de foi. “I wish I could write some songs about anything but death”, confie-t-elle franchement dans “Sprained Ankle”. Finalement, comme nous tous, elle se pose beaucoup de questions sur la vie en général. Elle a juste décidé d’en parler ouvertement, de ne pas cacher sa sensibilité et sa sincérité, totalement désarmantes. Et, même si elle a écrit ces chansons il a un certain temps, Julien aime à penser qu’il y a, dans son album, de nombreuses émotions que nous avons tous en commun, en chacun, qui ne seront jamais désuètes. Des émotions universelles, insaisissables, qui nous parlent à tous. Si l’on devait résumer la musique de Julien Baker, on dirait qu’elle est résurrectionnelle.

Julien sera en concert le 20 avril au Divan Orange (Montréal) et le 24 mai au Supersonic (Paris).