Happy Valley : plongée dans l’Angleterre qui galère

Canal + diffuse actuellement la deuxième saison de l’excellente série britannique, Happy Valley. L’histoire ? Celle d’une femme flic que la vie n’a pas épargnée et qui a du mal à concilier vie de famille et vie professionnelle.  Attention, spoilers inside.


Happy-Valley-s2
Ils sont forts ces Anglais. Et si on sait qu’ils excellent en musique, ils démontrent qu’au niveau série, ils gèrent aussi. Happy Valley en est à sa deuxième saison, actuellement diffusée sur Canal +. Un polar urbain qui met en scène Catherine Cawood (Sarah Lancashire), une flic au bord de l’implosion à la tête d’un commissariat d’une petite ville du nord de l’Angleterre, gangrenée par la criminalité. À chaque saison son enquête. Dans la première, il s’agit d’un enlèvement, dans la seconde c’est la recherche d’un tueur en série qui viole ses victimes avant de leur portée le coup fatal dans une brutalité sans nom.

Happy Valley c’est surtout une femme : Catherine Cawood, une quinqua’ divorcée. Sa fille, violée, accouche de son enfant et se suicide après. Le violeur est connu : Tommy Lee Royce (James Norton, aperçu dans Doctor Who et Grantchester), un dealer aux pulsions violentes. C’est la policière et sa sœur Clare (Siobhan Finneran, vue dans Downton Abbey) qui s’occupent du petit garçon, Ryan. Forte en apparence, la commissaire est pourtant pleine de fêlures et de blessures non pansées. Dans la première saison, en parallèle aux enquêtes, elle se lance dans une quête vengeresse pour faire emprisonner le violeur de sa fille, jamais puni pour cet acte. Ce dernier a tout de même été emprisonné pour trafic de drogue. À sa sortie, il replonge dans la criminalité et se retrouve au cœur de l’enlèvement d’une jeune fille, qu’il tourmentera également.

Happy Valley James Norton

Place aux femmes

Fresque sociale et sentimentale, la série imaginée par Sally Wainwright est brillante, poignante. Elle impressionne par la qualité de ses personnages qui évoluent dans cette bourgade sinistre et pluvieuse, coincée dans une vallée et entourée d’immeubles en brique. La force de la série réside dans ses personnages justement. En proie à leur propre démon, Catherine, dure à cuire empathique et Clare, sa sœur ancienne alcoolique et sans emploi. La réalisatrice expliquera que les deux héroïnes sont inspirées de vraies personnes : sa grand-mère et sa grande-tante qui, après la mort de leurs époux s’installent en colocation. Le week-end, Sally leur rendait visite. Ce souffle de réel et d’histoire vraie se retrouve dans la série, intimiste, où les femmes sont au centre de l’histoire.

Sally Wainwright, féministe revendiquée, a crée un cocon inédit. Une structure familiale originale dans une série où les maris sont quasiment inexistants, ou en position de faiblesse. Dans la première saison, c’est un mari qui organise l’enlèvement de la fille de son patron pour l’obliger à verser de l’argent et payer l’école de sa fille. Dans la deuxième,  un père de famille décide de tuer son ancienne maîtresse qui le menace de tout révéler à sa femme. Catherine Cawood et Clare, elles, se débrouillent sans homme. La showrunneuse plaisante, en disant que Clare est l’époux de sa sœur. Dans cette structure familiale, s’ajoutera un nouvel élément : le fils aîné de Catherine qui s’installe avec elle après son divorce.

Happy Valley Clare Catherine

Happy Valley, un thriller compliqué

Dans Happy Valley, les intrigues se mélangent et se croisent. Cependant, l’écriture fine et les scénarios magistralement bien ficelés permettent de les suivre sans perdre le fil. Elles se servent entre elles. Les personnages principaux ou secondaires interviennent également avec justesse et émotion. Ils se complètent, s’appuient et appuient le récit, et se retrouvent à la fin de chaque saison pour participer au dénouement final.

L’intelligence de la série réside dans la montée angoissante épisode après épisode. Le téléspectateur est happé, intrigué et plongé dans le quotidien mouvementé de familles brisées, d’un commissariat désœuvré et de personnages dont la noirceur existe. Happy Valley n’est pas une série belle ou esthétique, c’est une série réaliste, noire, intimiste et bouleversante. Une série vraie. Lors du Festival de télévision d’Édimbourg en Écosse, Sally Wainwright a annoncé qu’il y aura bien une troisième saison : “mais cela prendra sans doute un peu de temps. J’ai quelques bonnes idées en tête“.

Happy Valley de Sally Wainwright avec Sarah Lancashire, Siobhan Finneran, James Norton, Kevin Doyle…
Chaque lundi à 20h50 sur Canal +.

 

A LIRE AUSSI
>> Épisode 1 : La musique dans une série ? Un rôle identitaire, esthétique et fondamental
>> Fearless: la série-documentaire de Netflix qui démolit les clichés sur le rodéo
>> Les dix séries scandinaves à voir absolument : Saison 2