On a vu : “Belle Dormant” d’Adolfo Arrieta

CRITIQUE CINÉ – On avait juste entraperçu la bande-annonce de Belle Dormant avant de s’installer dans les fauteuils rouges d’une petite salle de ciné parisienne. On s’attendait à être étonné, et ça n’a pas loupé !
Le nouveau film d’Adolfo Arrieta est une petite pépite d’excentricité. Le scénario est pourtant simple : une version plutôt moderne du conte de La Belle au bois dormant. Dans cette réécriture, Egon (Niels Schneider) est le jeune et beau prince de Létonia. Fasciné de légendes et de contes, il est persuadé qu’au cœur de la jungle demeure le royaume de Kentz qui abrite une princesse endormie depuis 100 ans. Son père, le roi (Serge Bozon), n’y croit pas et se désespère que son fils passe son temps à rêvasser et jouer – d’une manière toute personnelle – de la batterie. Mais Egon est encouragé par son précepteur (Mathieu Amalric), qui lui-même est conseillé par une jolie fée au charme froid (Agathe Bonitzer). Egon entreprend donc de traverser la jungle pour retrouver et sauver la Belle Dormant, la princesse Rosemunde (Tatiana Verstraeten).
Rien de bien original sur le scénario, si ce n’est que le cœur du récit n’est plus la princesse qui se pique sur une quenouille, mais le prince qui vient la délivrer.

Belle Dormant

Un cadre surprenant

L’intérêt de ce film réside dans l’ambiance et le décor posés. D’un côté, celui d’Egon, on se trouve dans le monde moderne, en juin 2000, au sein d’un royaume de plaisirs et d’inactivité. Il s’ennuie et tout ce qui le passionne, improviser à la batterie et rêver à la légende de la Belle Dormant, est repoussé par son père. De l’autre, dans le royaume de Kentz, on est en 1900 mais le décor planté est celui “du passé” : des armures de chevalier, des costumes de prince russe, des bouffons du Moyen Âge, un gong asiatique, des fées en robe de soirée, le tout installé dans un petit château aux allures de ferme bretonne.

Une mise en scène et une image d’un esthétisme étonnant

D’aucuns diront que les acteurs sur-jouent ou ne savent pas jouer, d’autres prétendront qu’il y a trop de longueurs dans les scènes, certains affirmeront que l’image est désuète. Indépendamment certes, ces éléments sont peu vendeurs. Mais mis ensemble, ils se transforment en une création tout à fait exceptionnelle. La caméra est quasiment immobile, elle observe de loin son petit monde évoluer, sauf lorsque le jeune prince prend la légende en main et affronte la jungle. On a des incrustations d’images, des plans fixes, des flous, des surexpositions, des cadres étonnants, des points de vue plus surprenants encore, etc. Nos yeux n’ont pas de quoi s’ennuyer. Nos oreilles en ont aussi pour leur argent. Egon et son ami improvisent de temps à autre un duo de batterie arythmique et de voix de castrat, notamment sur une reprise d’Amazing Grace, le DJ du bal des débutantes est électro-yéyé, le reste oscille entre piano doux et silences.

Belle Dormant

En somme ce qu’on retient de ce film c’est une belle interrogation. Quel est le message ? Qu’a voulu exprimer le réalisateur si ce n’est simplement qu’une question d’esthétisme et d’objet artistique ? On n’a pas encore toutes les réponses. Mais on ne peut que vivement recommander cette petite merveille de création.

► Belle Dormant, d’Adolfo Arrieta, en salles depuis le 18 janvier, avec Niels Schneider, Agathe Bonitzer, Mathieu Amalric, Serge Bozon, Ingrid Caven, etc.

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