Volver, la mélancolie lumineuse de Benjamin Biolay

CHRONIQUE – Un an après “Palermo Hollywood”, Benjamin Biolay publie un deuxième album gagné par fièvre argentine. “Volver”, la suite. 

À Buenos Aires, Benjamin Biolay a été plus inspiré que jamais. Dans cette ville moite et hors du temps, sont nées beaucoup de chansons. Un paquet qu’il est impossible de graver sur un album. Il y aura deux albums, publiés à un an d’intervalle. D’abord Palermo Hollywood, moite et sensuel. Puis Volver (“revenir” en espagnol). Comme la chanson de Gardel, comme le film d’Almodovar. Comme ce restaurant argentin où Barclay nous avait conviés pour un apéro avec le chanteur.

Dans ce deuxième album argentin, le neuvième de sa longue et prolifique carrière, Benjamin Biolay va plus loin dans ses expérimentations musicales. Il pioche des sonorités dans des puits divers. Des nappes électroniques, des rythmes tantôt urbains, tantôt funky qui accompagnent une plume toujours plus affûtée et une voix caverneuse qui, comme le disait André Manoukian, parle directement aux ovaires. L’âme musicale de Buenos Aires est toujours présente. Un tango pourrait se danser sur “Mala Siempre”.

Benjamin Biolay n’a pas l’habitude de sortir deux albums identiques. Et même si Volver pourrait être considéré comme une suite de Palermo Hollywood, il ne lui ressemble pas. Biolay n’aime pas le surplace. Il n’aime pas être là où l’attend. En revanche, il surprend tout le temps. Cet album est un juke-box où l’on retrouve toutes les facettes d’un chanteur qui cultive le mystère et fascine. Il jongle avec la chanson française, sa base. Son socle. Il navigue sur les eaux du tango, invoque le rock sixties, emprunte au disco-funk, et il déroute avec son “Hypertranquille” qu’on jurerait être sorti d’un disque de PNL. Il a déjà avoué, il aime beaucoup ce groupe.

Biolay, l’imprévisible

Benjamin Biolay prend des risques. On ne lui reprochera jamais de ne pas tenter des choses et de ne pas sortir de sa zone de confort. Cette zone de confort, ce serait celle dans laquelle les journalistes l’ont placé sans qu’il n’ait rien demandé : il serait l’héritier de Serge Gainsbourg. Une étiquette qui lui colle à la peau depuis la sortie de son premier album, Rose Kennedy et dont il ne parvient pas à se défaire. Porter sur ces épaules un tel poids non désiré ne doit pas être simple pour un artiste. D’où cette volonté, peut-être de s’en détacher en naviguant sur des terrains moins faciles d’accès lorsque l’on est un chanteur français.

Ce qui ne change pas, en revanche, c’est la mélancolie dont est toujours teintée les chansons de Benjamin Biolay. Ici, cette une mélancolie lumineuse. L’influence argentine. Dans Volver, il chante le temps qui file, la vie qui déroule (“Volver”), le Paris blessé post-Bataclan (“Happy Hour”, en duo avec Catherine Deneuve), les addictions (l’alcool, l’absence), la perte d’un ami (“Arrivederci”), les plaisirs charnels et sauvages (“¡ Encore, Encore !” en duo avec Chiara Mastroianni). Il chante aussi Ferré (“Avec le Temps”).

Biolay nous fait pleurer et danser, chanter et sourire en même temps. Pleurer, beaucoup, avec notamment deux titres bouleversants : “La mémoire” sans doute dans le top 5 de ses plus belles chansons. La voix grave, il raconte une relation en perdition et les regrets qui vont avec : “On escaladait nus des montagnes de joie“. Et puis il y a “Sur la comète”, si simple et si belle à la fois. Il y a les regrets et le pardon aussi. Dans le fiévreux “Pardonnez-moi” (avec Miss Bolivia), il expie péchés et démons. Et on lui pardonne tout. Évidemment.

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