Saint Piers Faccini en plein état de grâce à l’église Saint-Eustache

LIVE REPORT – Piers Faccini a fait des merveilles ce 13 juin à l’église Saint-Eustache où il présentait son nouvel album à un public parisien extatique. Retour sur ce moment hors de l’espace-temps.

Il y a la queue quand je sors des Halles. Les moineaux virevoltent, le temps est doux. Une file de jeunes et de moins jeunes s’aligne déjà devant l’église Saint-Eustache. Ce soir, Piers Faccini investit ces lieux sacrés. Il vient y présenter son dernier album I Dreamed An Island. Piers Faccini est un habitué des lieux inhabituels. On se souvient de son concert dans le bois du Bouscat et celui dans l’immense salon de l’Hôtel de ville de Paris avec Vincent Ségal. Il s’y fond à merveille. Et il y fait des merveilles.

Ce soir-là, Piers Faccini joue dans l’église Saint-Eustache, où Lully, Rameau, Patti Smith, Camille ou encore Tindersticks se sont produits nous précise le programme. Le public s’installe donc simplement sous 33 mètres de voûtes et d’ogives gothiques. Au-dessus de la scène trône le magnifique orgue de l’église, le plus grand d’Europe. Cadre sacré et acoustique divine pour un concert céleste.

Silence impérial sur l’île Saint-Eustache

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C’est quelques minutes après 21h que le concert démarre. Une voix se fait entendre du côté du chœur. Lointaine, elle se précise peu à peu. Piers Faccini marche pas à pas vers la scène, avec pour tout accompagnement, des grelots. Sa voix résonne et s’élève alors qu’il remonte l’allée en chantant “A New Morning”, le silence est impérial. Puis une viole d’amour se joint à la voix, entre les graves de l’alto et les aigus du violon, Jasser Haj Youssef manie son archet avec minutie. Petit à petit les deux autres musiciens de Piers viennent les rejoindre sur scène. Que de subtilité ! Que ce soit Malik Ziad, le joueur de mandole et de gumbri ou Simone Prattico le percussionniste de Piers depuis plus de sept ans, chaque note, chaque son est précis, juste, et parfaitement intégré au chant. Pourtant, dieu sait qu’il n’est pas facile de jouer dans une église. L’acoustique est telle qu’il n’est pas rare que la musique se transforme en vaste capharnaüm.

“Saint-Eustache est notre île. Une île où l’on célèbre nos différences, nos langues, où l’on chante et joue ensemble.”

Pour mettre en valeur les douces mélodies de l’Anglais, des lumières discrètes sont projetées derrière la scène, parfois jusqu’aux colonnes de la nef. Mais c’est sur Piers Faccini et ses musiciens que nos yeux se portent. Ou plutôt, ce sont nos oreilles qui sont aux aguets. On se laisse bercer par sa reprise de “Che si puo fare”, morceau de Barbara Strozzi datant de 1664.

On s’émerveille à l’écoute de “Comments”, que Piers Faccini nous présente comme inspiré d’un poème de l’époque judéo-espagnole, entre lyrisme et sciences, ce qui le fascine. Camelia Jordana pour une reprise de Lhasa (“Con Toda Palabra”) puis la merveilleuse Djene Kouyate pour une berceuse guinéenne, rejoignent Piers Faccini sur scène le temps d’un duo, des anges passent. La Terre tourne, les cultures se font et se défont, la beauté de la musique est inaltérable.

À la croisée des mers et des frontières

Malgré la douceur de sa voix (qui me fait de plus en plus penser à celle d’Anohni Hegarty d’Antony and the Johnsons dans ses superbes vibratos sopranes), Piers Faccini n’hésite pas à élever sa voix quand il se lance dans “Bring Down The Wall”, une pensée pour l’affreux Trump bien sûr, et 600 personnes de différentes origines, différentes générations, différentes religions, différentes cultures, qui chantent en chœur “bring down the wall”. Une belle symbolique.

Après un nouvel a cappella dans l’allée principale de l’église avec un simple tambourin, Piers Faccini entame “The Branches Grow”, extrait de son album My Wilderness, qu’il fait à nouveau chanter au public. Quelques secondes à peine après le dernière accord, Saint-Eustache fait une standing ovation bien méritée à l’artiste. Un artiste curieux et créatif qui ne se fixe pas de limites en s’inspirant des innombrables richesses du monde. Une standing ovation à l’homme aussi. Cet homme aux milles nationalités de cœur qui a tenu son pari : réunir plusieurs centaines de personnes pour leur chanter le mélange et la fusion des cultures à travers les âges, à la croisée des mers et des frontières.

Merci à Florence K.