Phoenix au Hollywood Bowl de Los Angeles : la mayonnaise ne prend pas

LIVE REPORT – Malgré un public acquis à sa cause, au Hollywood Bowl de Los Angeles, Phoenix n’a pas su emporter la foule. 

C’est donc à Los Angeles que Phoenix finit sa tournée américaine pour promouvoir son nouvel album Ti Amo. Le Hollywood Bowl affiche sold out. Les 20 000 places ont été vendues. Pas mal pour un groupe français. Los Angeles aime la French touch et le French flair. D’ailleurs, Air se produira au Greek dans quelques semaines. Cette dernière date de tournée a des allures de mini festival avec deux premières parties. Lemon Twigs ouvre le bal devant des tribunes parsemées, il est encore tôt. Ils sont emmenés par les frères Brian et Michael D’Addario, à défaut d’expérience, ils ont la fougue de leurs 20 ans. Ils sont originaires du même bled que Billy Joel, à Long Island mais on comprend vite qu’ils auraient plutôt voulu naître de l’autre côté de l’Atlantique car ils vont nous réciter en une demi-heure le parfait petit manuel du rock British Seventies.

De Bowie période Aladdin Sane à T-Rex via Mott and The Hopple tout y passe. Un des frères se prend pour Marc Bolan, l’autre avec ses sauts de cabri et sa Gibson SG fait penser à un jeune Pete Townsend. Ce n’est pas en place mais l’énergie rock est là. Ils jouent trois quatre titres dans l’indifférence générale puis le batteur de Phoenix les rejoint pour une cover funky de “I Can Feel The Fire”, une chanson de Ron Wood qui gagnerait à être connue (même si le riff est pompé à Elliot Murphy). Le Bowl se lève et commence alors à se trémousser. Un solo de guitare wah wah bien juteux finit par enlever le morceau. Parfaite mise en bouche. Le soleil se couche derrière les collines où l’on aperçoit le Hollywood Sign dans le ciel rougissant.

La scène commence à être inondée par des spots de lumières quand Mac DeMarco déboule pour nous faire retomber l’ambiance. Il a une voix intéressante, des mélodies assez originales mais l’ensemble donne une espèce de pop mièvre qui sonne trop vieux pour les youngsters et super ringard pour ceux qui ont vraiment connu les années 1980. Il parle beaucoup entre les morceaux, fait le lèche-cul en remerciant dix fois Phoenix de l’avoir convié, tout cela n’est pas sérieux et carrément boring. Intermission.

Phoenix est le groupe branché pour les gens qui ne le sont pas

Les lumières se rallument. Le Bowl s’est remplit. Le public est assez jeune. Beaucoup de filles. La plupart sont des middle class bien propre sur elles. Phoenix est le groupe branché pour les gens qui ne le sont pas. La sono joue Prince, “Controversy” puis “Win” de Bowie. Le son monte sur “Ancora Tu” de Lucio Battisti, un tube italien Seventies qui a fait les beaux jours du Bus Palladium. On prépare le terrain à l’italienne, après tout, l’album s’appelle Ti Amo.

Phoenix monte sur scène dans le noir et les cris du public, un cœur rouge fluo un peu cheesy s’allume puis des néons clignotent à la Daft Punk. Les chats ne font pas des chiens. Ils attaquent direct avec “Ti Amo”, leur nouveau single, le public est plus attentif au light show qu’au morceau. Il faut dire qu’en lieu d’écran vidéo, ils ont un miroir géant incliné au fond de la scène qui reflète les lumières et les musiciens vu de dos ou d’en haut. Le concept n’est pas nouveau, les Stones l’ont fait en 1972, mais avec la technologie d’aujourd’hui ça a vraiment de la gueule. À la fin du morceau, Thomas Mars lance un “what’s up?” pour capter l’attention du public toujours distrait de Los Angeles. L’ambiance monte d’un cran, le public du Bowl aime les interactions.
Pour maintenir la pression, ils dégainent une série de tubes : “Lasso”, “Entertairnment”, “Liztomania”… Le public chante. Musicalement c’est plutôt bien mais j’ai la nette impression qu’ils utilisent beaucoup de bandes préenregistrées. Apres avoir bien chauffé le public avec les titres les plus connus, ils entament des titres du nouvel album, et là, les problèmes commencent.

Je (ne) t’aime (pas) à l’Italienne

L’ambiance retombe comme un soufflé malgré les projections sur le miroir qui créent des jeux de lumières renversant, le public se rassoit petit à petit peu sensible à l’italienne disco pop des nouveau titres. La mayonnaise ne prend pas. Le groupe assure mais something is missing. Ils enchaînent plusieurs nouvelles chansons mais sans grande conviction, comme s’ils savaient que le nouvel album allait être un flop et que leur tentative de reproduire le carton de Wolfwang Amadeus avait déjà échoué. Preuve en est qu’il joue la quasi-totalité de cet album contre seulement quelques titres du nouveau.

Tous les morceaux se ressemblent et l’intensité du show dépend plus des lumières stroboscopiques qui fatiguent les yeux que de la musique. Il serait meilleur avec moins d’effet et on a l’impression que le groupe se sert du lightshow pour masquer leurs carences. Le public n’est pas dupe, il commence à parler et à bouger pour aller chercher plus d’alcool avant que les buvettes ferment. Dommage car l’enchaînement “Love Like A Sunset Part I&II” est le point culminant du concert avec enfin un peu d’émotion… une émotion qui retombe très vite avec une version lourdingue de leur premier titre “If I Ever Feel Better”.

Tout cela manque l’improvisation et de spontanéité. Une remise en question s’impose rapidement s ‘ils veulent revenir jouer au Hollywood Bowl sinon ils se produiront au Palladium la prochaine fois. Les “Ti Amo di Piu”, “Fior di Latte” et compagnie m’ont donné envie de pizza, je me tire avant la fin, direction le resto mozza en bas de l’avenue pour m’ingurgiter une marguerite aux champignons.
Bonne chance à Phoenix, quelque chose me dit qu’ils vont en avoir besoin.

Laurent Lugosy, à Los Angeles

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