“Hiss Spun” : Chelsea Wolfe laisse parler son “dark side”

CHRONIQUE – La gothique américaine Chelsea Wolfe revient avec un 6e album, “Hiss Spun”. Une claque en pleine face.

Elle est une artiste vraiment atypique. Alors qu’au début de sa carrière, elle jouait une musique folk-psychédélique apaisée, elle a décidé, depuis son quatrième/cinquième album, de jouer plus fort, quitte à tendre vers une musique métal. Les festivals ne s’y sont d’ailleurs pas trompés et, désormais, elle fait partie de la programmations du Hellfest. Elle, c’est l’américaine Chelsea Wolfe, qui publie, ce vendredi 22 septembre, son monumental album : Hiss Spun.

Monumental, car Hiss Spun va vous mettre une claque, que cela soit à la première écoute comme après la dixième écoute. Enregistré à la fin de l’hiver 2017, dans la ville de Salem (Massachusetts), cet album sonne plus rock que ses prédécesseurs. Il faut dire que Chelsea Wolfe s’est entourée du guitariste Troy Van Leeuwen (Queens of the Stone Age) et du chanteur de doom metal Aaron Turner (Old Man Gloom) pour publier un opus plus sombre, limite gothique. Le noir (lui) va si bien. Chelsea Wolfe a accouché, dans la douleur, de son plus bel effort. On souffre et on vibre avec elle. Et on repense irrémédiablement à toute sa carrière musicale, si complexe et belle.

Chelsea Wolfe, un véritable cygne noir dépressif

Un soir de printemps 2011, alors qu’elle avait publié quelques mois auparavant son premier album, The Grime And The Glow, le public parisien découvrait pour la première fois la jeune Américaine. Toute de noir vêtue, vernis noir, voile noir couvrant entièrement son visage au teint très pâle, Chelsea Wolfe avait hypnotisé un public qui ne la connaissait pas encore. Malgré les pépins techniques de la salle, elle montrait déjà tout son professionnalisme mais aussi sa timidité. Après quatre ans d’albums studio mêlant folk, folk-psychédélique et gothic-folk, Chelsea Wolfe avait publié Abyss en août 2015. Plus rock et puissant que ses prédécesseurs, ce cinquième album n’était en fait qu’un prélude à Hiss Spun.

Mais outre l’écoute, Hiss Spun se doit aussi d’être lu. L’amour et les destructions amoureuses sont les éléments centraux de l’album, comme le montre “Vex”, deuxième single de l’album : “I bled out more than once, I drew the poison out”. Tel Odile dans Le Lac des cygnes, Chelsea Wolfe montre son dark side. Et c’est dans la noirceur totale que renaît la lueur. Chelsea Wolfe déprime devant nos yeux, crache son venin, mais nous donne un album plein d’espoir !

Noir c’est noir, il y a encore de l’espoir !

Elle le dit elle-même. “Hiss Spun a été conçu comme une purge émotionnelle, comme un moyen de s’entendre avec le tumulte du monde extérieur en explorant les complexités de l’agitation intérieure”, avant d’ajouter “je suis en désaccord avec moi-même. J’étais fatiguée d’essayer de disparaître. C’est pour cette raison que l’enregistrement est devenu très personnel. Je voulais m’ouvrir davantage, mais aussi créer ma propre réalité”. Cette réalité, elle la doit aussi à Henry Miller, célèbre écrivain Américain, dont elle s’est accaparé de son roman autobiographique, Sexus.

“Mon seul désir, c’est de m’ouvrir, de voir ce qu’il y a en moi. Ce que je voudrais, c’est que tout le monde s’ouvre. J’ai l’air d’un imbécile qui, un ouvre-boîtes à la main, se demande par où commencer – pour ouvrir la terre en deux. Je sais que par-dessous ce gâchis, tout n’est que merveille. J’en suis sûr.” – Sexus, Henry Miller

Dans cette première partie de la trilogie La Crucifixion en rose, Henry Miller prêche pour un nouveau monde. Chelsea Wolfe en fait de même, et compose une sorte de musique d’évasion; des chansons qui visent à être dans notre corps et à se libérer”. Son souhait est donc de s’ouvrir au monde et de révéler une autre beauté de notre quotidien. Car, pour Chelsea, Hiss Spun a été produit dans une violence mondiale constante. “Nous sommes constamment bombardés de mauvaises nouvelles, les gens se font baiser et tuer pour des raisons de merde, voire sans raison du tout. Le monde a été en larmes pendant de nombreux mois. Il est oppressant et je me devais d’écrire à ce sujet.”

L’oppression vient donc du monde qui nous entoure, nos amours perdus, nos pertes d’illusion, le poids du désespoir. L’entame de l’album, met les choses au clair. Avec le trio introductif “Spun”, “16 Psyche” et “Vex”, on a déjà le souffle coupé. Alors que Chelsea Wolfe crache son venin sur “16 Psyche” (“I feel it crawl up my legs, let me wrap you up in these thighs, it gets me out of my head again”), le guitariste de Queens of the Stone Age nous embarque dans des riffs de guitare et Aaron Turner entame un couplet de doom metal sur “Vex”.

Et quand on croit que l’album va nous laisser respirer, on se trompe littéralement. Hiss Spun est construit pour ne nous laisser aucun repos durant ses 48 minutes de rock expérimental aux accents métal. Chelsea Wolfe nous fait à nouveau suer et notre cœur bât de plus en plus vite, comme sur les six minutes de “The Culling”.

Un album intense physiquement… et psychologiquement

L’intensité physique et psychologique se résume parfaitement sur “Twin Fawn”. “L’album est cyclique, comme moi et mes humeurs” déclarait Chelsea en interview. Plus que l’album, cet autre titre de six minutes nous fait passer par toutes les émotions. Après une introduction pop et apaisée, la batterie et la guitare hurlent leur rage et étouffent la voix puissante et maléfique de Chelsea Wolfe, entonnant un “You cut me open, you lived inside, you kill the wonder, nowhere to hide, I held you sober”, avant que les riffs reprennent totalement le leadership, afin de clôturer le porte étendard d’Hiss Spun.

Et alors qu’on continue de brûler de l’intérieur et que les titres s’enchaînent tout en fondu enchaîné, on arrive à l’apogée de la carrière musicale de Chelsea Wolfe. Frissons garantis : voici “Scrape” ! Parlant de sa propre mortalité, l’américaine offre sans aucun doute, sur ce titre final, sa plus belle performance vocale de toute son œuvre. D’un corps si noir, d’un psyché si gothique, sort un cri d’alarme qui nous crucifient et plante le clou final.

Oui, disons-le, Hiss Spun est un album dépressif. On pleure, on tremble, on se tétanise avec lui. Chelsea Wolfe n’a plus rien de cette jeune artiste timide vue en 2011. Avec ce sixième album cathartique, elle nous met une véritable claque musicale, mais surtout émotionnelle. À vous, désormais, de vous prendre cette gifle et de la transmettre à vos proches, afin que Chelsea ait enfin la reconnaissance mondiale et européenne qu’elle mérite !

► Hiss Spun, le 5e album studio de Chelsea Wolfe, sortie le 22 septembre 2017, chez Sargent House.


TRACKLIST :

  1. Spun
  2. 16 Psyche
  3. Vex
  4. Strain
  5. The Culling
  6. Particle Flux
  7. Twin Fawn
  8. Offering
  9. Static Hum
  10. Welt
  11. Two Spirit
  12. Scrape

 

À LIRE AUSSI
>> « (16) Psyche », le sublime aerolithe clip de C. Wolfe !
>> “Vex” : Et soudainement, C. Wolfe se mit (enfin) au Doom Metal