“Colors”, on a perdu Beck ?

CHRONIQUE – Beck a sorti son treizième album, mi-octobre. Il s’appelle “Colors”… et on ne sait pas trop ce qu’il s’est passé dans la tête du chanteur.

What. The. Fuck. A-t-on définitivement perdu Beck ? C’est quoi cet album ? C’est quoi ce Colors ? Un poisson d’avril en retard ? Un canular ? Est-il dans l’Upside Down ? Aucune idée. J’ai écouté plusieurs fois ce 13e album et à chaque fois, j’ai eu mal aux oreilles. Et puis au cœur parce qu’il donne l’impression que son auteur, le pourtant génialissime Beck, s’est totalement perdu. La première fois que j’ai lancé l’écoute, j’ai cru que Deezer avait fait une erreur. Au lieu de mettre les titres de Beck, ils auraient mis les faces B de Maroon 5 ?

C’est pop. Très pop, ce Colors. J’ai rien contre la pop, j’aime beaucoup. Mais j’aime aussi et surtout quand les artistes se respectent et ne versent pas dans la facilité pour remplir des stades, vendre plus d’albums, passer à la radio. Est-ce que Beck a besoin de ça ? Lui qui avec Morning Phase a reçu trois putains de Grammy. Lui qui a fait Sea Change,  Mellow Gold. Pourquoi lui aussi est allé s’acoquiner avec Greg Kurstin. Celui qui a massacré le dernier album de Foo Fighters. Le producteur d’Adele. Tu sais “Hello”, c’est lui. Entre autres. Il fait d’autres trucs qui passent à la radio. Beaucoup de trucs qui passent à la radio, dix fois par jour. Est-ce que le monsieur – qui était au clavier jadis de la tournée de l’album Sea Change – s’est donné comme mission de torpiller ce qu’il se faisait de meilleur dans l’indie et le rock ? Parce que pour le coup, il est en train de réussir.

Where the fuck is Beck ?

On va pas tout mettre sur le dos de Kurstin. À 47 ans, peut-être que Beck est en train de faire sa crise de la quarantaine. Peut-être qu’il a été traumatisé par Kanye West pendant les Grammy. Le rappeur avait dit qu’il ne méritait pas le prix de “l’album de l’année” et que c’était Beyoncé qui aurait du l’avoir. Peut-être que le “who the fuck is Beck” en Top Tweet l’a marqué. Du coup, il s’est dit qu’il allait faire un album basique, simple, facile. De la musique pour les masses. Pour passer à la radio, pour qu’on le reconnaisse enfin ?

Bye bye, donc, les crises de mélancolie, les accents folk, rock, soul, ou country ou blues. Là, on fait appel aux prods fades, à l’électronique criade, aux mélodies faciles qui rentrent dans ta tête et te rendent fou. Beck qui avait l’habitude de faire son chemin de son côté, à la marge de ce qu’il se fait dans la musique, jouant à contre-courant, se raccroche à un wagon qui n’est pas le sien. Et en plus, il déraille.

Quand on joue à être quelqu’un d’autre, on ne peut évidemment pas être naturel, authentique, sincère. Or, la musique et les chansons de Beck sont censées être sincères. Elles sont censées avoir un écho dans l’oreille de celui qui les écoute. Quand Beck chante “I’m So Free”, j’ai envie de lui dire “You’re so dumb”. “No Distraction” est un pastiche de Phoenix, “Dear Life” ressemble à du Elliott Smith essayant de se la jouer aux Beatles, “Dreams” donne l’impression d’être une chute d’un album de Foster The People. Aucune inventivité, aucune créativité. Merde, pourtant, c’est un album de Beck. Et tout manque de contraste, c’est tout lisse, tout conventionnel, même racoleur. Là, pour le coup, c’est un album de “Loser”. Et c’est de la faute de Greg Kurstin.

Le vrai Beck nous manque. Reviens-nous.