Julien Doré : “Je suis là pour susciter des émotions”

INTERVIEW – Entre deux concerts, Rocknfool a papoté avec Julien Doré, dont la tournée triomphale touche bientôt à sa fin.

Partout où il passe, les salles trépassent. Julien Doré enchaîne les concerts à guichets fermés depuis qu’il a repris sa tournée, qui se soldera d’ailleurs par une date à l’AccorHotel Arena le 20 décembre. Un succès qui confirme la popularité indéniable de l’artiste, auteur de l’album & en 2016 déjà écoulé à plus de 400 000 exemplaires. On a eu l’occasion de bavarder avec l’auteur des tubes « Le Lac » et « Coco câline » pour évoquer son rapport à la scène, le lien qu’il cultive avec son public et ses projets.

Pour la première fois de ta carrière, tu joues à l’AccorHotel Arena les 15 et 20 décembre. Ça te fait quoi ?
Cela fait des années que j’ai la chance de vivre des tournées et peu importe l’endroit où on termine, c’est toujours un moment important parce que c’est souvent là qu’on mesure ce qu’on a partagé. Jamais je n’aurais imaginé que ma musique irait jusqu’à remplir une telle salle. Quand on évoque une dernière date, on a tendance à parler de tristesse, parce qu’on se sépare scéniquement, mais pendant deux heures de concert, il y a une énergie que j’ai pleinement envie de savourer.

Une anecdote à nous raconter sur cette tournée ?
J’ai en tête un concert qu’on a vécu le 16 novembre à Lille. Au-delà de l’accueil qui est toujours extraordinaire dans le Nord, il s’est passé quelque chose qui nous a tous marqués. J’ai ce souvenir précis d’avoir regardé mes camarades et d’avoir vu dans leurs yeux cette montée d’émotion que je ressentais moi aussi au même moment. On venait de terminer une chanson acoustique au milieu du spectacle. Il y a eu des applaudissements qui ont donné naissance à une forme d’ovation. On ne sait pas pourquoi ça s’est passé à ce moment-là et on a été tellement surpris qu’on a patienté en observant la chance qu’on avait de vivre ça. Parce que ce sont des moments hyper précieux. On est là pour susciter des émotions et on se rend compte qu’on ne maitrise pas tout. Surtout sur une partie du spectacle qui est très acoustique. On est vraiment au contact proche du public, donc au fond c’est très léger, très simple. Quand vous avez 7000 personnes qui vous applaudissent à un moment où vous ne vous y attendez pas, ça vous submerge complètement.

“Je mesure totalement ma chance”

Tu cultives un lien très fort avec ton public. Comment l’expliques-tu ?
Je suis très pudique à ce sujet,  parce que c’est très surprenant. Parfois on peut ne pas forcément s’aimer et se rendre compte que dans ce qu’on est, on déclenche une vague d’amour. Ce qui est sûr, c’est qu’au fil des tournées, plus j’ai essayé d’être simple avec qui je suis, plus ce lien s’est renforcé. Je vois aussi que mon public est extrêmement diversifié. Ça fait écho à ma proposition artistique à travers laquelle je n’ai de cesse de passer de ce monde adulte dans lequel je tente d’évoluer, à cette part d’enfant qui est celle qui me nourrit.

Que représente la scène pour toi ?
C’est à la fois un terrain de jeu et un espace de liberté précieux car on est dans une époque où les zones d’expression libre sont de plus en plus réduites. C’est un champ des possibles où je suis capable de m’abandonner complètement, un cocon de confiance dans lequel j’ai envie de conquérir des choses et d’injecter beaucoup d’énergie.

Cette tournée a fait suite à la sortie de & en juin 2016 et écoulé à plus de 400 000 exemplaires. Tu t’attendais à un tel succès ?
Je suis dans une période de ma vie ou le lien avec le public se fait. Ça n’a pas toujours été le cas et je sais que ce ne durera pas. J’essaie de le savourer. C’est en accord avec mon travail. J’ai le sentiment de soigner les choses parce qu’elles s’imposent à moi. Quand on propose un disque qu’on avait besoin de faire pour soi et qu’on voit qu’il parle aussi aux autres, on se dit que ça a du sens. Je mesure totalement cette chance.

“La nature me permet de me ramener à ma place”

Peux-tu revenir sur le processus de création cet album ?
Dans une période très brumeuse et violente, j’avais besoin de comprendre où se situait mon utilité en tant qu’artiste. J’ai me suis exilé à Saint-Martin-Vésubie, mon village d’enfance. J’ai trouvé une forme de réponse dans la contemplation et la solitude. La nature, celle qui n’a pas été abîmée par l’homme, me permet de me ramener à ma place et de pouvoir me poser les bonnes questions du haut de ma petitesse. Ça a nourri profondément ce disque et ça a relancé une forme d’optimisme, essentielle quand on est artiste.

La nature est un thème récurrent dans ta musique. Pourquoi ?
L’écologie, la culture et l’éducation sont malheureusement les grands absents de la zone des débats actuelle. Or, ils sont les clés pour résoudre la grande urgence dans laquelle nous sommes plongés. Mes chansons sont une matière brute et poétique pour dénoncer cela parce que c’est tout ce que je sais faire. Au fond, ceux chez qui elle fait le plus écho, ce sont les enfants. Pour moi, c’est déjà un début.

Depuis le 24 novembre, & est ressorti en édition collector avec de nombreux bonus dont plusieurs de vos dessins. À quand une exposition ?
Jamais ! Pour moi, les dessins sont des accompagnants. Je dessine à coté quand j’écris une chanson. Ils m’aident à construire quelque chose,  mais ils n’ont pas une valeur d’œuvre qui pourrait être exposée. C’est comme des brouillons. Ces dessins ils existent d’une façon horizontale, posés sur la table ou sur un carnet. Ce serait trop prétentieux de les imaginer d’un point de vue vertical, exposés, ou encadrés. Mais, de temps en temps j’en découpe dans mes carnets pour les offrir sur les réseaux sociaux. J’ai besoin qu’ils vivent, qu’ils voyagent. Parfois même, je ne sais pas où ils vont.

Quels sont tes projets pour 2018 ?
Je ne sais pas encore du tout ce qu’il adviendra après la tournée. Cependant, il faudra du temps pour un nouveau disque car je suis incapable d’écrire quoique ce soit maintenant. J’ai envie que quelque chose d’artistique existe en 2018, mais je ne sais pas comment. J’y réfléchis.

Propos recueillis par Hélène Pouzet

À LIRE AUSSI >> Julien Doré : la mélancolie lui va si bien