La nuit a dévoré le monde : Paris sous les zombies

CRITIQUE  – Un bon film de zombies made in France, c’est possible. La preuve avec La nuit a dévoré le monde, premier long métrage de Dominique Rocher qui nous plonge dans un Paris apocalyptique en proie à des morts-vivants plus vifs que jamais.

Qui a dit que les Français n’étaient pas doués en cinéma de genre ? L’an dernier, avec Grave, Julia Ducornau avait déjà prouvé que le septième art hexagonal savait prendre des risques. Avec La nuit a dévoré le monde, adaptation du roman de Pit Agarmen (alias Martin Page) en salles depuis le 8 mars, Dominique Rocher confirme que la nouvelle génération de cinéastes français fourmille de bonnes idées et d’audace. Après le très remarqué court métrage La vitesse du passé, le réalisateur a brillamment géré son passage vers le format long. Et tout ça, par le biais d’un film de zombies. Ce qui n’était pas gagné d’avance…

Pourquoi La nuit a dévoré le monde est-il si efficace ? Parce qu’il nous plonge dans un Paris apocalyptique où les morts-vivants ont pris le contrôle de la ville. Et force est de constater que contrairement à la plupart des zombies, ceux-là sont très vifs et rapides. A part Alfred (Denis Lavant), coincé dans sa cage d’ascenseur. On avoue qu’on a aimé voir Paris vidée de toute âme qui vive. Tous les plans de la capitale désertes sont d’ailleurs très réussis.

Si on aime La nuit a dévoré le monde, c’est aussi parce qu’on vit le film selon le point de vue de Sam, interprété par le toujours très attachant Anders Danielsen Lie (Oslo, 31 août, Ce sentiment de l’été). Après une soirée chez son ex-copine, à laquelle il était venu uniquement pour récupérer des cassettes qu’il avait laissé trainer, il se réveille dans un appartement totalement vide. Les meubles sont renversés, des tâches de sang maquillent les murs… C’est en repoussant son ex prête à le dévorer qu’il comprend que le monde ne tourne plus très rond. Sam organise alors méticuleusement sa survie dans cet immeuble qui est devenu sa forteresse contre le monde extérieur. Le long métrage se transforme alors en un survival intrigant et intense, en huis clos.

Seul au monde

La nuit a dévoré le monde est certes un film de zombies, mais pas que. Les morts-vivants sont ici un prétexte pour évoquer la solitude et la folie qui rôdent autour du personnage principal et représentent sa plus grande peur : les autres. Comment garder le cap quand tout semble vouer à la fin ultime ? Sam use de stratagèmes tous plus astucieux les uns que les autres. Mélomane, il se replonge dans ses vieilles cassettes, il parvient à trouver une batterie dans un autre appartement de l’immeuble, il transforme chaque ustensiles en instruments de musique, il fait même son footing quotidien en ses quatre murs. Combien de temps va-t-il tenir ? Est-il vraiment tout seul ? Et surtout, est-ce que tout ça vaut vraiment le coup ? Comme tous les films de zombies, le long métrage a une double lecture. A travers la solitude de Sam, on peut déceler une portée plus politique, notamment la tentation de replis que traverse actuellement la France.

En voyant l’œuvre de Dominique Rocher, on pense forcément à 28 jours plus tard de Danny Boyle et à La nuit des morts vivants de Romero. Des références de choix pour un premier essai plus que concluant.