Route du Rock 2018 : un samedi avec Patti Smith

RDR 2018 – Deuxième jour, et on kiffe toujours. Pas de gros rock qui tâche à La Route du Rock ce samedi, mais de jolis et grands moments, parsemés de découvertes.

La Route du Rock, jour 2. Le soleil brille toujours très haut au Fort de Saint-Père quand Cut Worms commence à jouer. Son nom est tiré d’un vers de William Blake (“The cut worm forgives the plow” / “Le ver coupé en deux pardonne à la charrue”), et dit tout de son amour pour la beauté et la poésie. Max Clarke, de son vrai nom, semble timide. De ceux qui s’excuseraient presque d’être là, mais qui, dès qu’ils jouent, créent un truc que peu sont capables de faire. L’isolement, la bulle, le petit voyage intérieur vers des terres apaisées. Sa musique bloquée entre les 50s et les 60s est ciselée, parfaite dans ses détails et pas prétentieuse pour un sou. Avec ses musiciens incroyables, ce petit groove de basse, ses claviers délicats et cette batterie toute en finesse, il arrive à ne jamais être niais, mais à nous balancer des vagues de mélancolie et de romantisme vintage en moins d’une heure. Séduction réussie.

La mutation de Josh T. Pearson

On marche sur des nuages en allant voir Josh T. Pearson. Je ne comprends pas trop. Je m’étais arrêtée au Josh T. Pearson à barbe et à chansons tristes, je retrouve un mec à casquette, rasé, coupe mulet. Il dit aimer la Bretagne, parce que c’est “le Texas de la France, plein de rednecks”. Il nous fait rire en français, qu’il maîtrise mieux qu’il ne l’avoue, allant jusqu’à exposer son talent inné de la gradation (“zut alors, merde alors, putain”). Ce talent, on le retrouve dans sa musique. Des premiers titres qui donnent une forte envie de chalouper, et tout à coup ses fameuses “chansons tristes”. Je suis prise au dépourvu. En 3 chansons, j’avais oublié le passé. Et là pouf, sous le soleil, dans un coin, je me prends la beauté en pleine tête. Les montées en puissance. La voix qui vient des entrailles. Ce “Sweetheart I Ain’t Your Christ” en électrique. Putain j’avais oublié cette chanson. Et ce “A Love Song (Set Me Straight)”. Damn. Les larmes.

C’est difficile pour moi d’enchaîner, mais je vais quand même jeter un œil à Jonathan Bree. Bas blancs sur la tête et les mains, lui et ses musiciens et danseuses ont de quoi (d)étonner. Je trouve ça beau à regarder, ce visuel. Ces danseuses qui évoluent autour d’un mec impassible à bretelles. Mais ça distrait. Ça empêche de se rendre compte que musicalement, c’est beau. Un peu crooner, un peu pop, un peu baroque. Je me promets de revoir ça en salle dès que possible.

Patti Smith, la grande, l’immense prêtresse de La Route Du Rock

Tout le monde a convergé vers la grande scène pour Patti Smith. TOUT. LE. MONDE. (Même Josh T. Pearson. Même les roadies). Les photographes aussi. On est vite divisé en deux. Interdit d’être de face. Deux chansons. Ça va être compliqué. Mais en fait, non. C’est suffisant. Parce que c’est Patti. Et que Patti, elle arrive avec un grand sourire, des saluts pour tout le monde, pas de fumée, des lumières magnifiques… et une chanson pour communier. Oui, Patti Smith nous donner le bénédicité avant d’entamer un merveilleux concert. Un concert qui réunit tous les combats chers à son cœur. Bande de Gaza, situation russe, changement climatique, immigration… Gravité, toute en simplicité. Patti Smith, c’est ça. La marque des plus grands. On retrouve son engagement avant chaque chanson. Et quelles chansons. La magistrale “Ain’t It Strange”, la folle “Gloria”, l’implacable “Because The Night”, cette sublime reprise de “Can’t Help Falling In Love”… Mais entourée de son fils, et de son équipe, elle résumera très bien la situation : “I know everything is so fuked up in the world, but I still feel so fucking happy !”, juste avant de nous enjoindre à changer le monde, à ne rien lâcher. Parce qu’après tout, “People Have The Power”. Avec Patti Smith, on y croit.

Après Patti, difficile d’enchaîner…

Là encore, compliqué d’enchaîner. C’est dommage, parce que je ne parviens pas à apprécier pleinement le set d’Ariel Pink. Ariel Pink, cheveux longs d’un côté, courts de l’autre. Ariel Pink, qui semble porter le poids du monde sur ses épaules quand on le voit déambuler sur le site. Ariel Pink le délirant et plein d’énergie sur scène… Ariel Pink est de ses artistes insaisissables, au feu intérieur qui semble les consumer et les classe en même temps dans la catégorie des génies. Le son afflue, les lumières aveuglent, mais je passe un peu à côté. Mes oreilles résonnent encore de la messe de Patti.

Je décide de rester tout de même malgré la fatigue pour le set de Nils Frahm. C’est fascinant de voir cet artiste à l’œuvre. Son installation scénique est grandiose, mais le force à nous tourner le dos. Le début, sublime de beauté, montre la facette classique de ce Berlinois qui laisse les choses évoluer en douceur vers l’électronique. L’impression de minimalisme à l’écoute explose en mille morceaux quand on le voit travailler. C’est beau. Vraiment très beau. Le type de beauté qui nécessite de se laisser porter, de fermer les yeux, de respirer profondément. Malheureusement, à cette heure-ci, faire cela serait synonyme de sommeil. Alors direction le retour, sans passer par la case soirée électronique…

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