MNNQNS : “Avant, on sortait des choses, tout le monde s’en foutait”

INTERVIEW – Pendant le MaMa Festival, Rocknfool a rencontré le groupe de rock MNNQNS. L’occasion de remonter dans le temps et de parler un peu premier album.

Quand on est fan de rock, c’est compliqué de vivre en France. Il suffit de regarder les titres des playlists Spotify pour se rendre compte du décalage. La France vit à l’heure du rap et du hip hop. Galère. Misère. On ne trouve pas de rock dans les chansons qui marchent et que tout le monde écoute. Tant pis pour tout le monde, mais il suffit de creuser un peu pour trouver des groupes vraiment bons. Comme MNNQNS. ça se prononce mannequins, à l’anglaise. D’ailleurs ça sonne anglais, ça chante anglais, mais ce sont des Français. Et ils ont de quoi rendre les amoureux du rock très fiers. Parce qu’ils sont bons. Que leurs concerts sont des grosses claques et qu’ils prouvent que le rock ne meurt jamais. On a rencontré deux des membres lors du MaMa Festival pour une discussion autour des “premières fois” musicales.

Premier souvenir musical :
Grégoire (batteur) : Le premier vrai ou le premier bien ? On n’a pas le droit de mentir, j’imagine ? Je pensais Deep Purple, mon père m’avait fait écouter Made In Japan, parce qu’il y avait un solo de batterie et je lui avais dit que je voulais faire de la batterie. “Smoke in The Water” m’avait scotché, je la passais en boucle tout le temps.
Adrian (chanteur/guitariste) : Je suis pas certain mais je crois que ça devait être un truc de George Duke, du jazz fusion. Mon père m’avait fait écouter.

Première chanson écrite :
Grégoire : Moi, je m’en souviens, j’étais au collège, j’avais découvert guitare pro, le logiciel, j’avais écrit un morceau là-dessus, j’avais pas capté que d’autres trucs existaient. Je me souviens du riff… à chier. Un riff un peu moins bien que les riffs de Linkin Park, tu vois ? Pas de chants évidemment.
Adrian : C’était une chanson avec mon premier groupe qu’on avait enregistrée sur cassettes. Un truc super punk qui avec trois accords qui ressemblaient à rien. J’étais à la batterie à l’époque, je faisais n’importe quoi. Je devais avoir treize piges.

Premier concert :
Adrian : Le tout premier, ça devait être du jazz avec mes parents. Mais sinon, le tout premier à moi, ça devait être à Rouen, dans un tout petit pub. Un groupe avec un nom tout pourri.
Grégoire : Attends, je me rappelle de ce groupe.
Adrian : C’était quoi le nom ? T’étais dedans ?
Grégoire : Nan, je jouais dans un groupe qui jouait un soir avec eux. J’avais seize ou dix-sept ans.
Adrian : Si ça se trouve, je t’avais vu.
Grégoire : Sinon, le premier concert, c’était au festival le Rock dans tous ses états à Évreux, un pote m’y avait emmené. On était allé voir Ska-P, en fait j’ai découvert d’autres trucs ce jour-là, j’ai dû voir !!! (Chk Chk Chk). Meilleur concert que j’ai jamais vu de ma vie. Mais ouai, premier concert : Ska-P. J’ai fait des pogos.

Première cuite :
Grégoire : Bizarrement, je m’en souviens !
Adrian : J’avais douze ou treize ans. J’ai tout fait d’un coup, première grosse cuite à l’alcool, j’ai fumé du shit, j’ai tout fait quoi, j’étais dans un état, j’avais des hallucinations, un tout nouveau monde qui s’ouvre (rires).
Grégoire : Moi ça va, j’étais en Seconde. Tranquille. c’était l’anniversaire d’une copine de salle… C’est genre anniversaire de campagne, dans une salle des fêtes, il y avait ses parents, les tantes et les copains de lycée. Je ne buvais jamais d’alcool à l’époque mais y’avait des punchs pour l’apéro, donc je bois ça, je trouve que le rhum c’est super bon, j’en bois plein, je bois d’autres choses, je passe une super soirée et d’un seul coup, ça va beaucoup moins bien, je vais me coucher. Et le lendemain, je me réveille et j’avais zéro gueule de bois. Si je refaisais la même chose maintenant, le lendemain, je serai vraiment mal. Je me rappelle même du petit-dej : je vois très bien le bol de Chocapic avec du lait. La première cuite, en général, t’as jamais de gueule de bois. C’est trop bien. Peut-être que j’avais pas assez bu.
Adrian : La morale de l’histoire c’est : quand on sait pas boire une bière, on en boit que la moitié. Ça me fait penser à mes voisins, chez mes parents, quand j’étais gamin. Un jour on était dans le jardin et on les entend gueuler. L’homme disait à la femme, il hurlait vraiment, il était pas content : “putain quand on sait pas boire une bière, on en boit que la moitié, merde !” C’était des gros alcoolos. (rires)

Premier album acheté :
Adrian : C’était un double album de Mudhoney, Superfuzz Bigmuff avec un CD live en plus. C’était à la Fnac.
Rocknfool : Pas mal, c’était pas Britney Spears ou ABBA.
Adrian : J’adore ABBA (rires)
Grégoire : Moi c’est Americana d’Offsprings, j’étais trop fan de ce truc-là. J’avais découvert en colonie de vacances et j’avais l’album en rentrant. J’avais acheté un autre truc aussi, mais je le dis pas.
Adrian : Bah si, il faut le dire.
Grégoire : Ok, c’était le single d’Alphonse Brown, tu sais le truc de Michael Youn. C’est juste parce qu’il était à côté d’Offsprings. J’étais en CM2… ça va quoi !

Premier festival :
Adrian : Rock dans tous ses états, pour moi.
Grégroire : Pareil pour moi.
Adrian : Quand t’habites à Rouen, c’est un des premiers trucs à faire. Un passage obligé, juste après le bac.

“J’ai peur que les gens qui viennent nous voir ne pigent pas que MNNQNS va leur exploser à la gueule”

Premier petit boulot :
Adrian : Alors soit j’ai donné des cours de basse, soit j’ai fait une intervention autour de la BD, j’étais super jeune. Mais potentiellement, c’était les cours de basse.
Grégoire : Moi, c’est plutôt donner des cours, mais c’est devenu mon vrai boulot après. On me l’avait proposé et on avait attendu le lendemain de mes 16 ans pour que ce soit légal. C’est le premier vrai travail mais c’est pas un petit boulot. Par contre, en petit boulot d’été, c’était dans un petit village à côté d’où on habitait, je bossais aux Espaces verts. Et chaque semaine, ils désignaient deux mecs pour nettoyer les abattoirs. Je suis resté deux semaines, et les deux semaines, j’ai eu le droit. Je l’ai fait. J’ai nettoyé les abattoirs. Je passais le balai dans ce truc… interminable. Y’a de la merde partout, du sang. C’était horrible.
Adrian : Attends, j’ai un autre truc aussi. J’ai été dogsitter, j’ai promené un peu des chiens pour les voisins quand j’habitais à la campagne. C’était marrant. C’est loin, mais j’aimerais bien être dogsitter à nouveau.

“On n’a jamais été dans une situation, avec un groupe, où l’album est attendu”

Première chose que vous faîtes une fois que vous êtes sur scène ?
Grégoire : Je mets mes bouchons. J’ai ma petite pochette, j’attends d’être sur mon tabouret pour les mettre. Parce que j’ai un genre de gros flip. J’ai peur que les gens qui viennent nous voir ne pigent pas trop que MNNQNS va leur exploser à la gueule. Quand je mets mes bouchons, c’est comme un avertissement. Ça me rassure moi surtout, je me dis au moins j’ai prévenu.

Et en sortant ?
Grégoire
: Je vomis… Non, c’est pas vrai.
Adrian : Je vais au merchandising. Et quand c’est possible, d’abord je fume une clope.
Grégoire : Moi, en fait, je prends une serviette et je m’essuie la gueule. Et puis, petite bière, mais ce qui est encore plus cool c’est de la repousser à après avoir rangé le matos. Là, c’est cool.

Ça débriefe un peu ou pas ?
Grégoire : c’est assez naturel en fait, si quelqu’un se sent de dire quelque chose, il le dit. Ça arrive souvent dans le van sur la route parce qu’en fait on a que ça à foutre. Parler des concerts.
Adrian : Ça fait un peu flipper les débriefs.
Grégoire : Par contre, on se félicite. C’est important, Si on sent, que par exemple Félix à la basse, ça été le pire concert de sa vie, tu le sais, à la sortie, je vais quand même lui dire “bravo”.

Il y a un concert qui a été vraiment catastrophique ?
Adrian
: Oui (rires). Le Printemps de Bourges 2017.
Grégoire : J’ai fait tomber ma batterie. Je pouvais plus jouer. Les gars pouvaient jouer mais c’était un peu dur. C’était sur le deuxième morceau d’un set de trente minutes. C’est la première fois où je me dis à un concert “putain c’est la honte”. C’est la seule fois. J’étais pas très bien après.

Et le meilleur ?
Adrian
: Je cite souvent la première partie de Franz Ferdinand au Zénith de Caen. Beaucoup de monde. Ça représentait un truc pour nous. Et c’était la première fois qu’on a eu un tonnerre d’applaudissement au moment où on est rentré sur scène. Je pense que la moitié des gens pensaient qu’on était Franz Ferdinand (rires). Malgré ça, c’était vachement cool.
Grégoire : J’ai bien aimé le concert de la finale Ricard au Café de la Danse. Je le sentais un peu mal au départ, surtout après les balances. On a passé une heure à entendre “il faut jouer moins fort”… et en fait, c’était trop bien.
Adrian : J’avais tellement la gueule dedans que je ne me rappelle pas si j’ai kiffé ce concert ou pas. Par contre, il y a le Woodstower à Lyon que j’ai vraiment kiffé. Ils nous avaient programmé sur un pur spot. Main stage à 22h30, l’horaire parfait, à la tombée de la nuit. C’était mortel, le public était super chaud.

Premier album ?
Adrian : Il est enfin prêt. On a bossé dessus pendant l’été. Il devrait sortir au printemps prochain. Vers avril/mai. On l’a quasiment fini.
Grégoire : Même la pochette est pratiquement prête.
Adrian : On est super content, c’est dur de se rendre compte parce qu’on a encore la tête dedans mais on est assez fier de cet album.

Les critiques sur vous sont à chaque fois dithyrambiques, et méritées d’ailleurs, est-ce que vous ressentez une pression particulière ?
Grégoire : C’est la première fois que je flippe vraiment avant la sortie d’un truc qu’on a fait.
Adrian : Oui, moi aussi je ressens un peu ça. J’ai jamais été dans une situation, avec un groupe, où l’album est attendu. Avant, on sortait des choses, tout le monde s’en foutait. Là, il y a des gens qui vont vraiment l’écouter…
Grégoire : Je pense que je mets aussi un peu la pression tout seul.
Adrian : C’est l’âge.
Grégoire : (rires), j’ai presque 30 ans, oui, je commence à me connaître ! Et si c’est mal accueilli, je sais que c’est pas grave hein, mais je vais un peu le prendre personnellement au début. Je ferai en sorte de louper mon suicide quoi.

Propos recueillis par Sabine Swann Bouchoul.