La Casa de Papel saison 4 : pour ou contre ?

SÉRIE – A priori, au vu de notre activité (inexistante) actuelle, vous avez tous binge-watché La Casa de Papel en deux jours. Voire moins. Donc vous êtes prêts à en débattre ? Nous oui, et voilà la confrontation de deux ressentis opposés.

Pour ce débat, nous avons Emma dans le camp des pro “rien n’a changé, j’ai kiffé”, et Mathilde dans le camp des “plutôt pour jusque-là, la saison 3 avait même miraculeusement bien rebondi, mais cette fois c’en est trop”.

POUR

La série espagnole ne cesse de faire parler d’elle, alors que la quatrième saison a été mise en ligne sur Netflix, en plein confinement. Inutile de dire que, d’une, j’avais hâte de me replonger dans le braquage de la banque d’Espagne, et de deux, je n’avais que ça à faire. Et non, je n’ai pas été déçue. Car la recette Casa de Papel n’a pas bougé d’un poil depuis les premiers épisodes. De l’hystérie caractérielle, du kitsch et de la violence. On sait à quoi s’attendre, les ingrédients sont toujours les mêmes, on lèche l’assiette et on finit repu, satisfait.

Une formule qui continue de faire ses preuves

Si vous suivez d’autres séries espagnoles (et je ne parle pas que d’Un Dos Tres) vous êtes déjà habitués aux personnages un peu… intenses. Pense Les Marseillais, pense Méditerranée. Le poil d’hystérie collective qui nous agace mais qui fait partie de l’identité des Latins. La Casa de Papel n’y échappe pas, et non, depuis l’achat de la série par Netflix, rien n’a changé. Tous sont fidèles à eux-mêmes dans leurs coups d’éclat, pétage de plomb et grands discours pseudo-spirituels où on souffle d’exaspération sans pour autant s’arrêter de visionner le show.

On a envie de foutre une grosse droite à Arturo et de le bâillonner, de secouer Rio, de dire à Tokyo d’arrêter de prendre pour une Greta de pacotille… Mais finalement cette exaspération vis-à-vis des personnages n’est-elle pas là pour nous rappeler que ces braqueurs restent des humains pleins d’imperfections et de défauts comme nous tous ? N’aime-t-on pas détester et débattre de ces personnages auxquels on est finalement très attachés ?

Faire les choses en gros et assumer

Avec l’arrivée de Netflix lors de la 3e saison, le budget alloué à la série s’est quelque peu développé… Fini les écrans verts et les effets spéciaux numériques. Logiquement, et on le comprend, le réalisateur en a profité pour en faire des caisses niveau actions. Et violence. Puisque rappelons-la, La Casa de Papel est une série à suspense avec explosions, armes, courses poursuites, cliffhangers et grosse musique stressante en fond. Et puisque la police et Alicia Serra ne sont toujours pas capables d’atteindre l’équipe du Professeur, il fallait amener un nouveau méchant.

Qui de mieux qu’un chef de la sécurité passé par les forces spéciales et tutti quanti pour malmener nos gentils braqueurs de l’intérieur de la banque. Le monsieur méchant parfait, qui rêve de vengeance et de justice va foutre le dawa, jusqu’à finalement réussir à manipuler Palermo et tuer Nairobi d’une balle dans la tête. Comme ça, bim. C’est violent, c’est gratuit, mais qui peut honnêtement dire qu’il s’y attendait ? Tuer un des personnages les plus aimés, bien que ressuscité en live grâce à un Skype au Pakistan, c’est malin. On est triste (slow-motion et musique triste à gogo pour renforcer notre chagrin), mais on a la haine contre Gandia. Les montagnes-russes des émotions sont le leitmotiv de la Casa de Papel. Peu importe les incohérences et les absurdités dont on rit un temps avant de vite de passer l’éponge, plonger dans le suspense constant qui nous contracte le ventre de stress.

Alors oui, comme aiment le faire remarquer tous les médias, La Casa de Papel est bourré d’incohérences, de situations ridicules, de personnages ridicules, de problèmes de scénario et de violence gratuite, mais c’est leur recette depuis le début. Ne jouez pas les étonnés. Ne leur reprochons pas ce qui nous a séduits et qui continue à fonctionner.

Du bon grand public sans chichis

Arrêtons de penser que la Casa de Papel va se transformer en une série estampée BBC qualitat, au scénario en béton armé écrit pour du long terme, mené d’une main d’orfèvre pas des personnages équilibrés et sensés. Ce n’est pas le but et ce ne l’a jamais été. Pour une série grand public, de divertissement qui devait s’arrêter après la 2e saison (découpage Netflix), la Casa de Papel fait le job, et le fait toujours aussi bien. On a le cœur qui bat, on lâche des larmes, on s’énerve, on rit en levant les yeux au ciel, on stresse, on est attendri (parfois)… et on continue de regarder malgré notre promesse d’arrêter à la prochaine saison. Car une fois n’est pas coutume, on a tous binge-watché la saison 4, et la fin du dernier épisode nous laisse sur notre faim. Le pari de la saison 4 est relevé, les doigts dans le nez. On veut voir une saison 5, et le plus vite possible por favor.

CONTRE

Voilà effectivement une des questions qui se pose : est-ce que les scénaristes ont changé en cours de production ? Dans la saison 3 des indices, des détails ont été plantés dans nos esprits. Il est très agaçant de découvrir qu’il faudra deux, voire trois saisons pour voir enfin où est-ce qu’ils nous mènent. Du suspense oui, des longueurs interminables non. 

Un scénario écrit par d’autres auteurs ? 

On pense notamment à la grossesse d’Alicia Sierra. Vous l’avez vu venir à la fin de l’épisode 8 ? Deux saisons que l’on se coltine cette nana et son bide. Avouez : qui n’a pas googlisé l’info pour savoir si l’actrice était vraiment enceinte et que cela n’a donc rien à voir avec le scénario ?! On l’aura compris en la voyant tenir en joue le Professeur, elle ne pourra pas aller jusqu’au bout de l’arrestation. Elle va forcément perdre les eaux. Et là, on imagine une saison 5 aussi improbable qu’un épisode de Grey’s Anatomy. La fiction oui, tout laisser passer non.

Autres personnages plantés là et qui commencent à nous gonfler : les otages. On en oublie parfois  jusqu’à leur existence et puis d’un coup, on essaye de nous les recaser. Les scénaristes semblent ne plus savoir qu’en faire. Un en particulier devient difficilement supportable : l’abruti d’Arturito, sorte de Christian Clavier du pauvre Espagnol, c’est dire. On ne comprend plus rien à ce personnage, ni à son utilité, et voilà qu’il viole une autre otage. Où va-t-on avec cette histoire ? 

Dans la même veine, que se passe-t-il avec les changements d’humeur et même d’amour des personnages ? Dans cette saison 4 on est en pleine telenovela ! Les parties de jambes en l’air torrides de Denver et Stockholm en chambre forte, ont laissé place à des atermoiements et rebondissements amoureux aussi pitoyables qu’improbables. Les couples se défont, les largués se comportent comme des ados alors qu’il y a un peu de boulot en plein braquage. L’ordure de Palermo fait un mea culpa risible à Helsinki. Et quand Nairobi tombe dans les bras de Bogota, cette fois on est chez AB Production. Des histoires d’amour au milieu de la violence, oui, du mélodrame de pacotille, non.

Sujets de société traités en cliché

L’homosexualité. La parité. Le matriarcat. Le harcèlement sexuel. La transidentité. Comment peut-on traiter simultanément tous ces sujets de société pendant le braquage d’une banque ? Et surtout de manière aussi appuyée et totalement cliché. Nos braqueuses ont toujours été fortes, indépendantes et revendicatives. Ici, instrumentalisées pour servir ce propos, elles en deviennent ridicules. Tokyo nous avait déjà pas mal agacés lors des saisons précédentes, mais là on finit par avoir de la peine pour Ursula Corbero. Son personnage ne lui offre plus qu’un jeu possible, celui de la provocatrice, allumeuse. Une seule expression : le front levé et le regard en mode racaille. Tout ça manque tellement de finesse.

Nairobi en saison 3 était une mère indigne, mais pleine de regret envers cet enfant perdu. Là, ce premier enfant est oublié, ne desservant visiblement plus le propos. La voilà devenue une jeune femme trentenaire en pleine angoisse avec son horloge biologique. Elle négocie même au Professeur de l’inséminer à la sortie et hop, c’est la fête, culotte sur la tête, on se pelote entre filles. Soit les Espagnoles sont très différentes des Françaises, soit les scénaristes ont l’imagination d’une bande d’ados geeks boutonneux. Des héroïnes fortes, assumées oui, des clichés féministes grossiers non.

Pourquoi est-il aussi méchant ?!

Nous sommes adultes et donc volontaires pour regarder une série interdite au moins de 16 ans. Néanmoins, est-ce que la violence gratuite dont fait preuve cette saison était vraiment nécessaire ? Se pose ici la question de la situation de confinement actuelle du spectateur, qui le rend peut-être plus sensible au huis clos et à la souffrance des personnages. Certes. Gandia en reste intolérablement violent. La traque qu’il met en place façon jeu vidéo pour tenter de tuer un à un nos héros est asphyxiante.

La scène de torture de Nairobi dans les toilettes est innommable. Sans parler de son exécution sommaire. Parenthèse Rocknfool : Damien Rice devrait porter plainte pour l’utilisation de son titre “Delicate” lors de cette boucherie injustifiée ! Puis finalement, la manière dont le type semble impossible à achever finit par tourner au teen movie débile et grotesque. Un scénario musclé et du sang oui, de la cruauté et du sensationnalisme, non.

Pour reprendre l’expression d’une grande auteur contemporaine : on n’est pas venu ici pour souffrir !

La Casa de Papel, saison 4 – disponible sur Netflix