On y était : Neeskens à la Boule Noire
Je ne sais pas. J’hésite. La vérité c’est que j’aurais kiffé une soirée bouquin (tu vois, je me suis replongée dans Carver ces derniers temps) et puis j’ai un million de pensées qui se bousculent dans ma tête. La première : il va y avoir trop de monde. La date est complète et je suis agoraphobe sur les bords. Et associale aussi, un peu. Oui c’est embêtant quand on est 200 personnes à aller voir chanter le même mec. Le truc, c’est que les concerts de Neeskens, depuis 2009, je les écoute, que dis-je les savoure, assise par terre, en tailleur, cachée derrière mes cheveux ou une écharpe pour pas que les trois pèlerins à côté de moi remarquent que je suis en train de chialer l’équivalent des chutes du Niagara sur “Falling Down”. Là, on était donc 200 personnes entassées à la Boule Noire. Youplaboom. Mais ça signifie deux/trois choses pour moi 1. Impossible de m’installer en tailleur en mode paisible-feu-dans-la-cheminée-vient-on-déprime-tous-ensemble-mais-on-est-heureux-quand-même 2. Je vais devoir avoir un total contrôle sur mes nerfs. 3. La cheminée, elle est dans ton corps tellement il fait 50 degrés dans cette salle (oui, j’ai un petit côté marseillaise, je le dois à une partie de ma famille installée part la-bas).
Je suis donc allée à la Boule Noire et je crois que l’expression de mon visage ressemblait à celle des journalistes parisiens en concert. La gueule de blasée, tsé. C’est dans des cas-là que je me déteste d’être et parisienne et journaliste. J’aimerais me renier mais c’est vraiment compliqué. Chassez le naturel, toussa toussa… Mais, en vrai, je n’étais pas blasée du tout au contraire. J’étais ravie de me prendre en pleine gueule, en plein ventre des uppercuts musicaux. Mon bouquin peut bien attendre quelques heures.
Autre pensée qui me traversait l’esprit avant de venir : comment va réagir le public venu écouter Neeskens de The Voice. Parce que clairement, on est loin de Wonderwall et Wicked Game. Quoique. Il y avait un peu de Neeskens dans cette reprise-là. Wonderwall, on laisse tomber. De toute manière, on laisse tomber The Voice. Emission ou pas, la musique de Neeskens reste la même : un violent ascenseur émotionnel. Et, si tu te demandes, le public était plus que bienveillant, presqu’exclusivement féminin (heureusement qu’elles sont là) mais surtout, ce public-là a été hyper chanceux : 1h15 de concert durant lequel ils ont eu le droit à toutes les facettes du personnage. Ca n’arrive pas souvent. Voire même jamais. Enfin, pour le moment.
Musicalement, ce concert oscille entre le folk doucereux en guitare-voix (celui qui restera mon préféré à tout jamais, disons-le) avec Going Home, le blues sexy avec Mountains et les titres pop-rock aux accents radioheadiens des toutes neuves Homeland et World is on fire. Je salue l’arrivée de la guitare électrique, sur quelques titres et le piano sur un titre, Lucy. Non, pas comme Pascal Obispo. Il a beau dire qu’il ne maîtrise pas l’engin, ça passe quand même bien et ça fait bobo au coeur. Non, je ne pleurerai pas. Je crois qu’à ce moment-là j’ai dû me mordre la langue violemment et j’ai aussi dû me dire “Swann, tu es forte (mytho, hein) et tu ne veux pas t’afficher -encore- devant les photographes et l’équipe de TF1″ (oui ils étaient là, Zazie et Guilhem aussi).”
Ce qui fait le plus plaisir, c’est cette osmose parfaite avec les musiciens, les ravissants et très doués Anis Bahmed et Cyrille Chambard. En renforts derrière, ils apportent de la profondeur aux compositions. A chaque concert, on se dit que ces trois-là se sont vachement bien trouvés. Ce soir, c’est encore plus vrai.
Scéniquement, c’est parfois un peu laborieux mais toujours aussi touchant. On ne s’improvise pas Mick Jagger comme ça et en vrai, ce n’est pas ce qu’on veut voir. Néanmoins, Neeskens a de moins en moins l’air de s’excuser de monter sur scène et de chanter devant un public. Il parle (beaucoup), plaisante (un peu), prend l’accent québécois (oui, bah ça, on se dit que c’est le passé qui remonte à la surface, comme ça), il raconte et se livre à quelques confidences. Il avoue qu’il se sent toujours un peu fragile sur scène et que ça ne changera sans doute jamais. Pauvre petit oiseau. Cette fragilité-là, on espère qu’il ne la perdra jamais tant ça donne une dimension si particulière et singulière à ses concerts.
Setlist : Going Home/Amersfort/Apeldorn/Wolves/Mountains/Wicked Game/Groenlo/Lucy/Flat Lakes/Where bridges end/Falling Down/Jesus is a Horse/Homeland/Volunteers/World is on fire.
Texte et photos : Sabine Swann Bouchoul