On y était : The Arcs au Trianon, vendredi 13/11…
CHAPITRE I – The Arcs au Trianon
Swann et moi-même, Math’, étions au Trianon ce vendredi 13 Novembre. Date attendue avec ferveur car ce soir c’est un de nos dieux personnels qui est sur scène : Dan Auerbach avec son nouveau groupe The Arcs. Une seule date sur Paris pour la France, une toute petite salle le Trianon, hors de question de manquer ça ! Donc billets de TGV pris pour moi, et place offerte à Swann pour son anniversaire.
Il faut aujourd’hui parler de l’excellence de ce concert et de la superbe prestation d’Auerbach. Selon les commentaires postés par le groupe depuis, la salle était complète, ce n’est pas l’impression que nous en avons eu, mais peu importe. Ce qu’il en ressortait en tout cas, c’est que les personnes présentes étaient de vrais afficionados du monsieur étant donné que ce projet musical est loin de la grosse machine commerciale que sont devenus les Black Keys.
On attaque avec « Stay in my corner » et direct l’ambiance cosy comme à la maison est posée. Deux batteries sur scène, des chœurs féminins assurés par les mariachis (seul bémol d’ailleurs dans cette formation, car leur présence apporte en kitsch c’est sûr, mais pas nécessairement en qualité), et surtout un Dan extatique, émerveillé par notre présence à tous, bien dans sa peau, visiblement heureux. Sa chemise est ridicule, on se marre, on s’en fout : notre dieu nous est ressuscité !
Il n’y a qu’un opus mais nous avons la chance de découvrir d’autres créations du groupe, et ces nouveaux titres sont tout aussi bons que ceux de Yours, Dreamily. « Nature’s Child » est plus sexy encore que sa version album, les deux midinettes que nous sommes rions en évoquant le #danmarryme. Ça joue fort, nous avons d’ailleurs ruiné dix ans de protection auditive en oubliant nos bouchons, mais tant pis on reste devant car la bonne humeur du groupe est totalement communicative !
Quand le tubesque « Outta my mind » commença, le parquet du Trianon a tremblé, les sourires et les éclats de voix ont apparu, la joie d’un public qui communique avec son groupe chéri, la chair de poule sur les bras dégagée par cette décharge de bonheur et d’émotion qu’est le live. À ce même instant, au Bataclan à quelques kilomètres de là, un autre public tombait sous les balles. Un autre groupe américain quittait sa scène dans la peur et l’effroi. La suite vous la connaissait.
Chapitre II – L’horreur
Difficile pour Swann et moi aujourd’hui de vraiment se souvenir de notre magnifique concert de The Arcs. Il a fallu vraiment se concentrer et faire appel à notre mémoire, car depuis l’indicible a tout effacé. Notre cerveau est accaparé par une sorte de culpabilité des survivants, comme l’a décrit Auerbach au magazine Rolling Stones. Pourquoi le Bataclan plus que le Trianon ? Pourquoi Eagles of Death Metal plutôt que The Arcs ? Pas de réponse à ces questions et donc une incompréhension, un état de stupeur total.
Nous sommes des fans de musique et surtout, AVANT TOUT de concerts. Donc aujourd’hui nous sommes personnellement visées par l’attaque du Bataclan. Les attentats sont toujours un choc mais là c’est de nous dont il est question ! Ce sont bien elle et moi, et Emma aussi, des jeunes femmes indépendantes, athées pour les unes, agnostique pour l’autre, mais religieusement fans de rock, épicuriennes jusqu’au bout de nos ongles manucurés, buvant parfois plus que nécessaire, ouvrant librement notre « gueule » sur n’importe quel sujet, qui avons été visées. NOUS sommes les cibles, les soldats à abattre pour ces fous, je les cite « le Bataclan où étaient réunis des centaines d’idolâtres dans une fête de perversité ». Notre mode de vie, notre passion et sa pratique sont les raisons qui justifient notre condamnation.
Alors comment retourner dans une salle de concert ? Les places pour Rock en Seine vont bientôt être ouvertes à la vente, mais aurons-nous le courage d’aller à cette grand-messe que nous ne ratons pourtant jamais depuis des années ? Tout ce monde, ces cibles à tirer comme des lapins, prendrons-nous le risque d’en être ? Honnêtement, ce soir nous n’avons pas la réponse. Le « Même Pas Peur » scandé partout n’est pas encore notre nouvelle devise. Que veulent dire ces mots, « on est debout, ils n’ont pas gagné » ? Nous, nous n’avons pas demandé à jouer, il n’y a pas de gagnant ou perdant, nous ne sommes pas des soldats en guerre, donc nous ne défions personne, nous n’avons rien à dire ou à prouver car cette folie est aveugle et sourde. Nous pleurons, nous avons peur et non, nous ne sommes pas courageuses.
Le temps va heureusement faire son travail et bientôt nous ne nous sentirons plus coupables d’avoir été épargnées. Nous recommencerons alors à pratiquer notre religion musicale, ne serait-ce que par respect pour ceux qui nous ont quittés vendredi. Tous ces magnifiques visages qui défilent sur les réseaux sociaux depuis deux jours, tous magnifiques… Swann en parisienne écumant les salles en connaissait certains, dans mon entourage trop de connaissances ont perdu l’un une fille, l’autre un fils ou ont vécu l’enfer. Inutile d’écrire que nous n’oublierons pas, ce n’est absolument pas un sujet, par contre comment vivre avec et supporter notre impuissance ? Nous n’avons pas de colère car la peine et l’incompréhension sont trop grandes et qu’allons nous faire de toute cette tristesse inconsolable ? Allez le temps, fais ton travail maintenant…