On a lu : “California Dreamin'” de Pénélope Bagieu (éd. Gallimard)
J’essaie d’écrire cette chronique depuis plusieurs mois. Parfois quand on a vraiment aimé un livre, on a du mal à en parler. Mais California Dreamin’ de Pénélope Bagieu vaut vraiment le coup qu’on en parle.
La BD s’ouvre sur une interview d’ados qui adulent le tube “California Dreamin’”, et surtout la chanteuse leader du groupe The Mamas and the Papas : Cass Elliot. Ils nous parlent de sa présence folle, de sa voix envoutante. On n’a qu’une hâte, c’est de découvrir comment elle est devenue cette star des ondes. L’histoire commence pendant son enfance, puis on va la découvrir adolescente, la suivre dans ses débuts musicaux jusqu’à ce qu’elle devienne Mama Cass.
L’intro qui présente la famille Cohen est canon. Cass Elliot s’appelle en fait Ellen Naomi Cohen. Elle est née à Baltimore, dans une famille juive immigrée. Le premier chapitre nous fait le portrait de cette famille, avec notamment un papa fan de l’opéra qui transmet sa passion à sa fille aînée. Ellen rêve de devenir chanteuse, d’enflammer Broadway. Mais elle est coincée dans une petite vie étriquée qui ne lui va pas. Elle ne se voit pas aider sa mère et travailler à l’épicerie familiale. C’est une fille hors norme en tous points. Elle a un charisme fou, un humour subtil, une voix de dingue et aussi un physique plutôt généreux qui la tient loin des midinettes qui peuplent son lycée. Elle est à contre-courant, déteste le folk qui est en vogue, ne s’habille pas comme les autres, rêve de comédie musicale. Tous ses proches, qui témoignent dans chaque chapitre de leur relation avec Ellen, sentent qu’autre chose l’appelle et qu’elle est à la hauteur. Et cette histoire d’une fille ultra décidée, qui dans les années 1960 va choisir de quoi son avenir sera fait, m’a énormément plu. La Cass Elliot de Pénélope Bagieu est très attachante. Elle assume qui elle est sans souci, et c’est pour ce qu’elle est, pour cette voix et son intuition musicale, qu’elle va réussir.
Pénélope Bagieu nous raconte aussi des moments où Cass est bien moins sûre d’elle. Sa relation avec les hommes teinte d’amertume son succès. Soit, tout le monde reconnaît son talent, même si elle aura à s’imposer pour faire partie du groupe qui lui apportera la gloire. Mais quelque part, on sait déjà qu’elle va y arriver, même si on ne sait pas encore comment. Et cette évidence artistique est contrebalancée par une vie sentimentale un peu nulle, voire inexistante, qui la rend malheureuse. Cass est très spontanée, candide et intense dans ses sentiments. Elle laisse les garçons qui lui plaisent vraiment la traîter comme une bonne copine, et n’ose pas s’imposer sur ce terrain-là. Et ça nous brise un peu le cœur, tout en nous rappelant (peut-être) des souvenirs amers qui nous sont propres.
Pénélope Bagieu a utilisé le crayon à papier pour dessiner toute la BD. J’avais peur d’être déçue par le manque de couleur. Mais j’ai très vite oublié cette préoccupation, tant les personnages sont bien croqués. Le dessin va aussi bien au visage très fin de Michelle, que pour les formes de Cass. Il y a des paysages nocturnes qui sont à tomber, et où l’on voit vraiment la lumière douce des étoiles. Ça m’a bluffée.
La narration est très bien construite. Le choix de ne jamais faire de Cass la narratrice est intéressant, car on la découvre par le regard des autres, on en apprend beaucoup tout en n’étant jamais certain de qui elle est vraiment. Et cela traduit bien le sentiment que l’on a en lisant une biographie. Et à force de lire des éloges sur sa présence et sa voix, on n’a qu’une envie c’est d’aller voir et écouter Ellen. Pénélope Bagieu nous fait d’ailleurs une petite playlist (à la fin de l’ouvrage), que l’on peut écouter en lisant la BD.
Je suis sûre que certains d’entre vous sont à la bourre pour les cadeaux de Noël, alors foncez en librairie et offrez California Dreamin’ à vos proches qui aiment la musique, ou tout simplement les livres réussis. Ou faîtes-vous un cadeau à vous-mêmes. Je suis sûre que vous l’avez bien mérité.
► California Dreamin’ de Pénélope Bagieu, éditions Gallimard, 276 pages, 24 euros
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Émilie Boujon