On a vu : l’inégal mais alarmant “Arrêtez-moi là” de Gilles Bannier
On sort de cette séance avec un profond sentiment de révolte, puis d’incompréhension et de tristesse. Arrêtez-moi là, le dernier film de Gilles Bannier (plus connu pour être le réalisateur d’Engrenages) a au moins le mérite de faire passer un message clair : le système judiciaire français et ses administrations ne sont pas irréprochables, et loin, très loin de l’être… Un message un peu trop évident même.
Adapté d’un roman américain, inspiré de faits réels, Arrêtez-moi là raconte l’énorme erreur judiciaire dont a été victime Samson Cazalet (Richard Ricci en vrai), chauffeur de taxi dans la région de Nice (Salt Lake City dans la version originale). Samson, interprété par le stupéfiant Reda Kateb est un homme plutôt simple et courtois, qui aime son indépendance. Il a un chat roux prénommé Gershwin qu’il emmène lors de ses courses, installé sur le siège passager. Un jour comme un autre, alors qu’il s’apprête à rejoindre sa petite amie, il est emmené par deux policiers au poste pour recueillir son témoignage au sujet de sa journée la veille, en tant que “simple témoin”, lui répètent-ils, jetant des coups d’œil suspicieux à tout va, prêtant peu à confusion. À partir de là, l’infernale machine de l’injustice va se mettre en route, et ne plus nous lâcher jusqu’aux dernières secondes du film. Impossible de ne pas la ressentir tant elle est criante dans cette affaire (en témoigne le spectateur qui ne pourra contenir un “c’est un scandale” pendant la séance). L’innocent et honnête Samson se retrouve entièrement broyé par un système impitoyable et gangrené par la corruption.
Reda Kateb seul sauve le film de ses longueurs et ses clichés, beaucoup trop nombreux à notre goût. Son jeu est sobre et maîtrisé, mais vient se heurter maintes fois aux inégales prestations des autres acteurs, dévorés par la superficialité de leurs rôles : policiers véreux, trop “fonctionnaires” et demeurés, un avocat commis d’office bon à rien qui s’avère finalement bon orateur et plein de bonnes intentions, un avocat général prétentieux qui s’écoute parler, une juge d’instruction sans âme, un procureur qui ne peut rien faire malgré l’évidence, une avocate spécialiste en indemnisations qui ne pense qu’au 15% qu’elle va récupérer etc. C’est bien trop caricaturé, et ça gâche le réalisme et le propos – pourtant fort – dénoncé par le scénario. Car dans le fond, le scénario est loin d’être insipide. Il y a un peu de suspense, on s’attache tant bien que mal au personnage de Samson, et on vit sa descente aux enfers à ses côtés, derrière la vitre de protection des voitures de police, dans le bureau du juge d’instruction, dans sa cellule de garde à vue… Malgré quelques scènes fortes, on a du mal à y trouver un rythme quand certaines scènes nous donnent vraiment l’impression de regarder notre téléfilm du mardi à 14h30.
► Arrêtez-moi là, de Ian Levison, éditions Liana Levi
► Arrêtez-moi là, de Gilles Bannier, avec Reda Kateb, Léa Drucker et Gilles Cohen. En salles.