Refuge : “C’est plus compliqué de parler de joie.”
Les premiers souvenirs que l’on a de Refuge sont ceux d’un certain Florian B. Un jeune homme réservé, que l’on avait découvert grâce la Nouvelle Star. Il nous avait tous touchés. Il avait cette boucle d’oreille en plume et ces fines lunettes rondes si caractéristiques. Tu te rappelles ? Ce regard absent aussi. Rêveur. Enfin, il avait un univers et un timbre de voix incroyable. On a rencontré Florian, chez lui à Paris, cigarette à la main. Timide et touchant.
L’histoire de Refuge n’est pas aussi simple qu’elle n’y paraît. “La Nouvelle Star m’a vraiment aidé à comprendre ce que je voulais faire et ne pas faire. Il y a eu plein de bons côtés dans cette expérience, mais en soi je ne l’ai pas bien vécue du tout. C’était quelque chose d’extrêmement violent, car j’étais très naïf. Ça m’a rendu extrêmement fragile.” Finaliste de l’émission face à Sophie-Tith, il décide de ne pas accepter l’offre d’un grand label de sortir un album de reprises des chansons interprétées lors des primes. Il tentera de proposer son propre travail, en vain. “Je suis arrivé dans le bureau avec mes pauvres démos en disant : ‘mon projet c’est ça’, et on m’a dit : ‘c’est pas mal… mais bon tu vois des reprises en français de ce que tu as fait sur les émissions, ça serait bien !’ Je leur ai dit que je n’en étais pas capable.” Florian décide alors de se débrouiller seul. “Je savais que je voulais faire une musique qui ait du sens et non un produit.”
“Juste après la Nouvelle Star, on a créé Refuge avec un copain. On était à la fac et on faisait de la musique ensemble depuis longtemps. Ça nous a paru logique de monter un projet tous les deux. Moi ça me faisait du bien de faire un projet avec quelqu’un, car je ne crois pas qu’après la Nouvelle Star j’avais les épaules pour monter un projet tout seul.” Il reprend alors du poil de la bête dans ce premier refuge. “On a joué ensemble pendant un an et demi. C’était très intense car en plus on était en collocation. À un moment on a commencé à avoir chacun des envies différentes. Je me suis senti capable de monter un projet seul. On a arrêté de jouer ensemble et mon projet est devenu Florian B.” Florian B. fait quelques concerts sous son nom avec des amis musiciens en soutien et parallèlement poursuit ses études.
“J’étais en école de musique et j’ai vu cette fille (Louise Lhermitte) chanter sur scène. Elle m’a fait un effet incroyable c’était dingue ! Puis en parlant avec des gens dans la salle, on m’a dit qu’elle faisait de l’alto.” Lui qui avait en tête de s’adjoindre les services d’un(e) violoncelliste ne peut passer à côté de ce coup de cœur musical. Il lui propose alors de le rejoindre, avec sa voix, et son alto. “Et pour Max (Moro) qui fait de la basse et du beat-box, nous travaillions ensemble sur un projet Gainsbourg à l’École. J’adorais ce qu’il faisait !” Florian se reconstruit lui, et reconstruit un second refuge où, les singularités de chacun nourrissent leur nouvelle identité.
“Je suis revenu au nom Refuge pour des raisons bêtes . Lorsqu’on a enregistré le disque, j’ai organisé une session d’écoute avec tous les copains qui avaient travaillé dessus. Il y avait Olivier Bas qui fait un suivi de projet avec moi et qui me soutient depuis trois ans. C’est un mec super et ultra bienveillant… c’est un peu mon mentor. Il m’a dit : ‘top le disque, par contre Florian B. comme nom’…(rires)“. Petit moment de doute pour Florian qui, avec le recul, avoue : “L’angoisse totale ! On avait essayé au niveau esthétique et visuel de faire quelque chose de léché, et ce nom là n’évoquait rien de ce travail là, donc c’est vrai que c’était dommage. Il se trouve que finalement Refuge était assez évident parce qu’il y a des chansons en commun entre celles que l’on joue maintenant, et celles que je jouais avant. Et comme j’écrivais aussi les chansons, finalement c’était encore Refuge. Simplement il n’y avait plus mon binôme.”
Brokenbird, attendu le 1er avril, est son premier l’album. Sept chansons écrites entre 2013 et 2015 qui retracent “une période révolue et compliquée, avec une histoire d’amitié qui a été dure et éprouvante“. Mais c’est un projet dont Florian est fier, un projet qui lui ressemble et qu’il a monté de toutes pièces : “c’était une démarche d’auto-production, donc il y avait énormément de choses à voir. Je partais de zéro, je ne savais pas du tout comment cela marchait ! Par quoi tu commences pour créer un disque sachant que les chansons étaient déjà là ? Est-ce que je dois d’abord trouver un attaché de presse ou un éditeur ? Comment je fais pour monter un disque ?”
Ils passeront neuf mois en studio pour peaufiner les arrangements. De beaux arrangements empreints d’une mélancolie plus que palpable. “Mes chansons ne sont pas trop ambiance fête d’autant plus qu’il a été question d’exorciser une période compliquée. Nous sommes tous des êtres compliqués, on a tous des périodes un peu dark sans être des dépressifs chroniques !” Sans toutefois sombrer dans la dépression, Florian lucide poursuit : “ce qui est dangereux avec la tristesse et la mélancolie c’est que c’est esthétique, c’est facilement joli. C’est plus compliqué de parler de joie. Les chansons que je suis en train d’écrire maintenant sont moins dramatiques. Je pense que c’est en s’accomplissant en tant que personne qu’on parvient à admettre qu’on est heureux et qu’on peut rayonner.” Ce sont finalement sept chansons, dont un interlude au piano, qui figurent sur ce court album qui fait la part belle aux silences et aux harmonies. On adore “Dumb Believers”, ou “Winter Children” et leur base électro beat-boxée, antinomiques avec les envolées vocales des refrains, qui pourtant s’assemblent si bien. Le duo folk-électro “Brokenbird” de Louise et Florian est un pur régal, leurs voix se mêlent et se démêlent dans des intervalles plein de tensions. On plane.
“Sortir ce disque va me permettre de mettre les choses derrière et de passer à autre chose. Je crois que c’est en bonne voie car avec toutes les démarches administratives autour du disque je parviens à me projeter vers l’après, et me sentir mieux par rapport à tout ça.” On le sent heureux d’avoir réussi à faire aboutir son projet, sa bataille. Et d’y être arrivé seul : “Je ne sais pas si musicalement mon album est incroyable ou si c’est le meilleur album de tous les temps mais je suis très content de l’avoir fait comme ça, c’est un soulagement.” Brokenbird est un joli accomplissement. C’est l’histoire d’une amitié, d’un deuil, et d’une renaissance. D’un jeune homme qui s’est cherché, d’un esprit libre qui s’est relevé douloureusement pour mieux redécoller. “À l’époque mon refuge c’était une relation, c’était un appartement. Ce nom prendra un sens différent à chaque période de ma vie. Maintenant je pense que mon refuge c’est plus la musique en soi. ”
Refuge, en concert le 11 avril aux Trois Baudets (Release Party).
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Propos recueillis par Emma Shindo