Alex Beaupain : “J’ai conscience du ridicule et je l’assume pas”
En mai dernier, Alex Beaupain sortait son album “Loin”. On a couru derrière l’homme pendant un moment mais on a réussi à le rencontre au Festival Fnac Live, à l’Hôtel de ville. Rencontre du troisième type avec un type pas comme les autres.
Vrai ou faux : la France est un pays qui n’aime pas la musique ?
Alex Beaupain : C’est faux. Je ne sais pas qui dit ça, mais c’est par rapport aux Anglo-Saxons ou par rapport au fait qu’en concert, les Français ne savent pas taper dans les mains sur le deux et le quatre, mais toujours sur le un et le trois. J’ai envie de dire que ce n’est pas grave, les gens tapent dans les mains comme ils veulent. Et j’ai envie de dire qu’on essaie trop de vouloir faire la même musique que les Anglo-Saxons alors que l’on devrait rester sur notre manière de penser la musique et la chanson. On dit par exemple que le français n’est pas une langue facile à écrire, c’est pas vrai, c’est juste qu’on essaie de l’écrire de manière très “percussive” comme c’est le cas en anglais, avec les contractions et pas comme une mélodie avec des syllabes très déliées, comme un fleuve. Donc, c’est faux.
Vrai ou faux : les actrices ne font pas de bonnes chanteuses ?
Alex Beaupain : C’est ultra faux. Les actrices sont de bonnes chanteuses dès le moment où l’on accepte quel genre de chanteuses elles sont. Les actrices sont des interprètes. Ce qui leur manque en matière de techniques vocales, elles le compensent par la force d’incarnation qu’elles peuvent avoir, leur façon d’exprimer des sentiments. La première fois que j’ai fait chanter des chanteuses, j’ai été épaté par ça. Et même, les acteurs et les actrices que j’ai fait chanter m’ont appris ça : à interpréter mes chansons. Avant, j’avais une façon un peu atonale, plate et monotone d’interpréter mes chansons. De les entendre eux, chanter mes chansons, ça m’a apporté un truc en plus. Les acteurs et les actrices m’ont plus appris que moi je ne leur ai appris. Donc non, c’est faux, les actrices ne font pas de bonnes chanteuses… Après il ne faut pas que toutes les actrices se sentent obligées de chanter, on est d’accord. Mais ça, c’est un autre problème.
“Il y a un passage obligé quand on est chanteur, c’est écrire ‘sa grande chanson triste'”
Vrai ou faux : les chanteurs ne font pas de bons acteurs ?
Alex Beaupain : Je dirai vrai et faux. Pour ma part, je suis un acteur déplorable. Vraiment très mauvais. J’ai fait beaucoup de musique de films, surtout pour Christophe Honoré et, parfois il a voulu me faire jouer, il a très vite arrêté de vouloir ! Même dans la figuration. Une fois il m’avait dit : c’est simple, tu es assis sur un banc, un couple passe, tu te lèves et tu t’en vas. Je ne savais plus comment me lever, comment marcher. Je marchais comme un robot ! Donc, dans mon cas, hélas, c’est vrai. Mais la figure de l’acteur-chanteur, en France, c’est Yves Montand, il y a Bruel qui le suit, Biolay qui me plaît beaucoup. Mais je n’ai jamais été convaincu qu’ils étaient soit très bons chanteurs soit très bons acteurs. Je vais me servir de Piccoli, ça va être plus facile. J’ai fini un de ses livres dans lequel il dit que Montand était un chanteur remarquable et avait tous les attributs du chanteur : la mégalomanie, l’importance de soi-même. Mais en acteur, il était limité par un truc : il avait trop conscience de sa stature et trop peur du ridicule qu’incombe certains rôles. Il ne pouvait pas aller aussi loin qu’un acteur dans la comédie. Et je crois que pour les chanteurs, c’est souvent très vrai. Il leur manque le lâcher-prise qui fait les très grands acteurs. Et c’est pour ça que je suis mauvais acteur, j’ai conscience du ridicule et je l’assume pas. Peut-être que Philippe Katerine serait un très bon acteur parce qu’il a cette capacité à pousser les choses tellement loin, il le fait un peu, mais il devrait le faire beaucoup !
Vrai ou faux : c’est au Québec que l’on défend mieux la chanson en français ?
Alex Beaupain : C’est compliqué cette question parce que légalement c’est vrai. Récemment ils ont dû se battre pour une histoire de quotas. Après je dois reconnaître que c’est pas bien de dire ça, parce que j’écris en français (et ça m’embête d’avoir un accent effroyable en anglais, j’aimerais bien chanter en anglais). Je suis plus admiratif des gens qui écrivent bien en français qu’en anglais, parce que je sais la difficulté que cela représente, mais je ne fais pas de sectarisme. Je préférerai toujours une bonne chanson en anglais qu’une chanson moyenne en français. Pour moi, ce n’est pas un enjeu, la langue. Mais du coup, je n’ai pas répondu à ta question, je dirai juste : peut-être, mais on s’en fout ! (rires)
Vrai ou faux : les chanteurs sont de grands dépressifs ?
Alex Beaupain : Je crois qu’il y a un passage obligé quand on est chanteur, c’est écrire “sa grande chanson triste”. La ballade, quoi. Tous les chanteurs ont ce truc-là, même ceux qui chantent des trucs joyeux, Trenet, Daho… Et pour l’avoir, cette chanson triste, pour qu’elle soit sincère, il faut l’avoir vécue. Donc, les chanteurs ne sont pas tous dépressifs mais ils ont été très tristes à un moment de leur vie. Plus que les autres…. Quand on demandait au Général de Gaulle – bon ce n’est pas vraiment ma tasse de thé mais la citation est jolie – “est-ce que vous souriez”, il répondait “vous me prenez pour un con?” (rires). Je suis assez d’accord avec ça.
Vrai ou faux : pour se faire connaître du grand public, il faut nécessairement faire une synchro dans une publicité ?
Alex Beaupain : (silence) Je cherche ! J’essaie de faire très sérieux, tu vois ? Je cherche un contre-exemple. Je ne sais pas si on considère que j’ai réussi, mais pour ma part, ça va, non ? J’ai fait cinq albums mais c’est vrai que je n’ai pas de tubes. Peut-être que pour réussir, il faut faire un tube. J’aurais dû écrire des chansons plus commerciales pour avoir des synchros avec Apple, j’aurais gagné du temps et du fric !
Vrai ou faux : les Victoires de la Musique ne servent à rien ?
Alex Beaupain : Je ne crois pas. On le sait que c’est truqué, etc. Mais ça n’arrive qu’une fois dans l’année à une heure de grande écoute. Ça permet aux gens de découvrir des artistes comme Dominique A et ça ne sert pas à rien. Je pense que les gens qui disent que ça ne sert à rien sont ceux qui sont très aigris et qui n’y vont pas, ou très au-dessus de tout ça et qui n’en ont pas besoin. Mais on entend des choses qu’on n’entend pas forcément le reste de l’année sur une chaîne hertzienne, c’est rien mais comme disait Alain Souchon, c’est déjà ça !
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