Pierre Niney et Jérôme Salle racontent, sans langue de bois, les coulisses du tournage de “L’Odyssée”

ANECDOTES – Le 12 octobre prochain, on retrouvera au cinéma L’Odyssée, le biopic réalisé par Jérôme Salle retraçant la vie du commandant Jacques Cousteau.

Dans le rôle de l’emblématique marin au bonnet rouge, Lambert Wilson. Pierre Niney joue le fils un peu rebelle, tragiquement disparu dans un terrible accident d’avion. Audrey Tautou est Simone, la femme du commandant. Un casting trois étoiles pour un film au paysage époustouflant. À la suite de la projection presse, le réalisateur et l’interprète de Philippe Cousteau livrent quelques secrets de tournage. Et ce n’était pas un long fleuve tranquille. Loin de là.

odyssee-antarticque

Les conditions de tournage

Pierre Niney : C’était apocalyptique. Tout allait mal. C’est pas cool de dire ça pour la promo, mais on se le garde entre nous ? C’est compliqué de tourner sous l’eau, sur l’eau, avec des animaux. C’était un gros défi, mais c’était l’ambition du film dès le début. Jérome, assez rapidement, m’a appelé pour me dire qu’il voulait faire un maximum de choses de la manière la plus réelle possible. Qu’il y ait le moins d’effets spéciaux. Avoir un film comme ça dans le paysage français, c’est rare. Et donc on a fait les choses de la plus façon la plus authentique possible. C’est à dire qu’on a vraiment appris la plongée, on a vraiment nagé avec les requins, on est vraiment allé tourner en Antarctique. C’était un tournage extraordinaire, ça arrive qu’une fois dans la vie.
Jérôme Salle : La production avait acheté un bateau avec des moteurs qui ne marchaient pas. Pour un film sur l’eau, c’est compliqué. On a réussi à faire marcher un des deux moteurs le dernier jour du tournage. Donc, ce dernier jour on a réussi à faire des plans au milieu de l’eau, et on les voit dans le film. Au bout de trois mois.
Pierre Niney : D’ailleurs, le bateau est à vendre, si  vous êtes intéressez. C’est une très belle affaire !

La vie en Antarctique

Pierre Niney : C’est très compliqué de tourner en Antarctique parce qu’il y a beaucoup de bateaux de scientifique, où alors il y a des gens avec beaucoup d’argent qui s’offrent des voyages là-bas. Donc emmener une équipe de film, c’était un gros pari. On est les premiers à avoir tourné un film de cinéma en Antarctique, donc on se sentait un peu pionnier, mais en même temps on a connu de gros déboires et des moments un peu moins fun. Je pense notamment à une tempête qu’on a traversé. D’ailleurs, c’est un peu mystique, c’était à peu près au même endroit que celle du commandant Cousteau. On a essuyé une grosse tempête avec des vents à 140 km/h. C’était classé “ouragan”, carrément. Je suis resté pendant quinze heures dans mon lit.
Jérôme Salle : Pierre m’a vraiment haï !
Pierre Niney : Je l’ai vraiment détesté ! Je cherchais un coupable pendant quinze heures pour pouvoir diriger ma haine vers quelqu’un.
Jérôme Salle : Je l’ai senti dans son regard. Notamment le matin au petit déjeuner, quand ça s’est calmé. Tu avais encore la haine en toi !Je me rappelle très bien, il était tout seul devant son bol, il m’a regardé passer et il avait vraiment envie de me tuer.
Pierre Niney : Ben c’est-à-dire que quinze heures de tempête quoi ! Il faut savoir que quand il y a une tempête, tu peux pas te réfugier près des côtes, parce que plus tu rapproches des icebergs, plus c’est dangereux. Mais en même temps, t’as des icebergs partout que tu découvres un peu au dernier moment, tout ça sous une lumière un peu grise, il ne fait ni jour, ni nuit, parce que le soleil ne se couche jamais. Et il faut parier sur des icebergs à traverser, parce que tu ne sais pas lesquels cachent une énorme masse de glace ou pas. Le commandement, pendant quinze heures, a parié sur des icebergs et toi t’es vachement tranquille dans ta chambre. Tu entends des gros boums sur la coque. Sachant qu’on n’avait pas vraiment un brise-glace.
Jérôme Salle : Oui c’était un brise-petite-glace (rires)
Pierre Niney : Exactement, j’allais y venir. Très technique. Donc, oui, c’était un souvenir impérissable. Après la tempête, je suis allé voir le commandant, un Allemand très droit… très Allemand. Je lui ai demandé s’il avait eu peur. Et il m’a répondu : “je ne vous avouerai jamais que j’ai eu peur, mais maintenant, je suis décidé à arrêter toutes ces conneries, je suis prêt à épouser ma femme et lui faire des enfants”. Après quinze ans d’Antarctique. Quand tu entends ça, t’es pas serein…
Jérôme Salle : On ne sait pas renseigné s’il l’avait fait d’ailleurs.

Film " L'ODYSSEE

Militantisme écologique

Jérôme Salle : Je suis quelqu’un qui aime profondément la nature et la mer. Mais mon métier, c’est de raconter des histoires. Dans cette histoire-là, il y avait quelque chose qui m’a touché. La vie de Cousteau c’est un pan intéressant du vingtième siècle, par rapport à l’écologie, le rapport avec les médias. Mais le film, c’est comme s’il m’avait un peu échappé. Je vois bien qu’il a un effet sur les personnes qui le voit et c’est tant mieux. Ce serait mentir de dire que je n’ai pas fait un film militant mais ce n’était pas mon intention première.

L’esthétique de l’Odyssée

Jérôme Salle : Les références que j’avais, pour toute la première partie du film, c’était les films des années 1950, genre Le Monde du silence, donc des films qui vont à l’encontre de tout ce qu’il se fait depuis quarante ans. En fait, depuis que les pellicules sont devenues sensibles. Avant, on tournait avec le soleil dans le dos, pour que le sujet soit bien éclairé, donc on avait un ciel bien bleu et ensuite on a commencé à tourner à contre-jour parce que les pellicules encaissaient ça. Sur la première partie du film, on  est vraiment revenu sur cette technique-là, avec le soleil dans le dos, avec quelque chose qui évoque la ligne claire, très peu d’ombre. L’époque n’est pas facile à retranscrire. Il y avait des mecs en maillot de bain sur un bateau. Ce sont les mêmes aujourd’hui et hier ! Globalement, c’est pas comme quand on filme en ville. Plus le film avance, plus on est revenu à des techniques plus modernes, des plans à contre-jour.

L’absence d’image d’archive

Jérôme Salle : C’est un choix. Ça sortirait de films de voir des vraies photos du commandant Cousteau. Dans le film, le commandant c’est Lambert Wilson. Le monde réel n’existe plus. Si tu commences à mettre sur la porte d’un placard la vraie photo du commandant Cousteau, dans ce cas Lambert Wilson reste Lambert Wilson. Donc on a refait les vraies photos avec nos acteurs. Et de toute manière, si on avait voulu utiliser les vraies archives, on n’aurait pas pu.


Jouer le fils du commandant Cousteau

Pierre Niney : Pour ce film, il y avait moins une obligation de ressemblance à tout prix que pour Lambert, et pour moi, ben jouer Philippe… pour le public, Philippe Cousteau c’est une découverte totale ou partielle. Certains se rappellent peut-être de fils un peu tête brûlée, un peu rebelle. Pour moi, j’ai complètement découvert Philippe. Je ne savais pas qu’il avait apporté cette conscience écologique à son père, en grande partie. Je ne connaissais pas du tout son caractère. La veuve de Philippe m’a donné des lettres qu’ils s’écrivaient. Philippe racontait très concrètement comment se passait la vie sur le bateau, avec son père, les engueulades avec Bébert, avec sa mère. Et, j’ai découvert en parlant avec les autres membres de La Calypso qu’il avait une place énorme à bord du bateau, au sein de la Cousteau Society, qu’il a coréalisé des documentaires avec son père, il a réalisé des missions tout seul avec son avion, et pourtant il a été effacé par l’histoire. C’est ce que j’ai trouvé intéressant dans le film, le fait que Jérôme décide de recadrer le lien père-fils. Cousteau a un tel appétit de découverte, de séduire, d’invention, qu’il est assez écrasant. il sacrifiait tout le monde pour réussir ce qu’il veut. C’est dur d’exister quand on est le fils du commandant Cousteau. Moi, j’avais l’idée de replacer un peu Philippe dans l’histoire, pour la famille notamment. J’ai redonné vie à ce fils, à ce mari disparu. C’est émouvant. Et puis, le message écologique qui passe en grande partie par Philippe, c’est l’une des raisons qui m’ont poussé à faire le film. Ce n’est pas un film militant, j’en suis convaincu. Pour moi, il faut arrêter de voir l’écologie comme un militantisme politique, il faut le voir comme une évidence.

Les effets spéciaux

Jérôme Salle : Ils sont très rares dans le film. Les seuls qu’on a rajoutés c’est quand la famille plonge au milieu des poissons dans la baie. Parce que cette Méditerranée, ce paradis d’après-guerre perdu dont on parle dans le film, n’existe plus. Donc les banderais que l’on voit n’existent que dans un ordinateur. 70% des poissons ont été rajoutés numériquement.

La scène des requins

Jérôme Salle : Cette seule scène a bénéficié dix jours de tournage aux Bahamas.
Pierre Niney : Je suis très fier de cette scène, ce sont des vrais requins. C’est la dernière scène qu’on a tournée… oui, ils ne sont pas cons non plus ! T’imagines, les assurances, les producteurs ? Pas dangereux du tout (rires). Je voulais vraiment le faire. C’était ma plus grosse phobie depuis que je suis tout petit mais en même temps j’ai une énorme fascination pour les requins. Je regarde tous les documentaires sur les requins depuis que j’ai dix ans. Et j’ai toujours eu du mal à croire quand on me dit que ce ne sont pas des prédateurs de l’homme. Tant que tu n’as pas plongé avec les requins, t’as toujours un petit doute. Ça reste un requin quand même ! Mais je voulais vraiment le faire et les assurances ont dit oui…
Jérôme Salle : Le dernier jour, oui
Pierre Niney : Nan, en fait, après le tournage ! (rires). Ça veut dire que les risques d’une attaque de requin sur des plongeurs bouteilles sont infimes. C’était une expérience dingue, c’est un truc de vraiment apaisant après deux trois jours de plongée au milieu des requins. Il n’y a pas du tout d’agressivité. J’étais content de le faire et aller au bout du truc. Et faire mordre une palme à requin, c’est compliqué, ce n’est pas quelque chose qu’ils font naturellement. On dû cacher un poisson sous la palme. C’était pathétique.
requin


Le plus beau souvenir de tournage

Pierre Niney : Bon, il ne faut se fier à l’intitulé : “plonger avec des otaries”, comme ça, ça peut paraître nul, mais c’est tellement beau. Quand on regarde le film, on a l’impression que ce sont des effets spéciaux, alors que pas du tout. J’ai eu la chance de tourner avec la deuxième équipe ce jour-là. C’est joueur, ludique, c’est complètement fou et t’es au milieu de la mer, c’est magnifique.
Jérôme Salle : C’est pendant cette plongée que vous avez vomi dans l’eau ?
Pierre Niney : (rires) T’es le pire gars que j’ai jamais rencontré de ma vie ! T’es une ordure ! (rires) Oui, il y avait énormément de houle ce jour-là, et sous l’eau. Alors, c’est très joli le mouvement des algues et tout, mais t’as vraiment le mal de mer. Et je ne savais pas que sous l’eau, ça pouvait exister. Et non, je n’ai pas vomi, mais il y a un des plongeurs qui ne se sentaient pas très bien à un moment, il était sous l’eau… Le mec est juste à côté de la caméra, il enlève son détendeur, il vomit dans l’eau, remet son détendeur et te fait un big smile en mode, “t’inquiète continue, c’est top”!