On a vu : “La Delgada Línea Amarilla” de Celso Garcia

CRITIQUE – Produit par Guillermo del Toro, La Delgada Línea Amarilla le premier long-métrage du jeune réalisateur mexicain Celso Garcia est une pépite. Il a d’ailleurs reçu le prix spécial du jury à Guadalajara en 2015. Diffusé pour la 1re fois en France à l’occasion du Festival Viva Mexico, ce film nous a beaucoup émus.

On ne va pas vous mentir, on ne savait vraiment pas ce qu’on était parties voir ce soir là, au Luminor Hôtel de ville, pour la soirée d’ouverture du Festival Viva Mexico. Mais bon, on y était allées, ce qui me paraît être un bon indicateur d’espoir et de foi. Et comment ne pas en avoir ? Le Festival Viva Mexico propose depuis 4 ans déjà une programmation qualitativement exemplaire. Les films et documentaires mexicains projetés pendant la semaine sont triés sur le volet, et sélectionnés avec soin. Pour cette soirée d’ouverture, le Festival nous en a mis plein les yeux. On a sincèrement adoré.

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La Delgada Línea Amarilla (littéralement “la fine ligne jaune”, ou  A Thin Yellow Line, version Yankee) raconte l’histoire d’Antonio, un ancien chef de chantier, qui après 11 années est soudainement licencié pour raison économique de son poste paisible de gardien de casse. Antonio est un homme un peu rustre, mais amer, qui ne trouve plus grand intérêt à profiter de la vie qu’il mène : il travaille, mange, et dort. Il ne se pose pas plus de questions. Il a renoncé à en profiter. Il regarde aussi de temps en temps une pochette contenant des photos d’une famille heureuse. La sienne. La pochette des regrets, la pochette de l’espoir anéanti.
Pour survivre, il décide de reprendre du poil de la bête, en prenant la tête d’une équipe de quatre ouvriers tout juste embauchés, pour peindre les… 217 kilomètres qui séparent deux petites villes mexicaines. Un travail à effectuer avant la saison des pluies, en deux semaines jour pour jour.

Les cinq hommes s’élancent sans grand enthousiaste dans cette mission avec en tout et pour tout : le vieux truck d’Antonio rempli de pots de peinture, des vivres et une machine âgée (mais efficace) pour peindre la ligne discontinue de ce tronçon de route bétonnée peu usité, qui traverse linéairement des étendues de désert pour finir dans les courbes de montagnes. Petit à petit, plutôt à reculons, ces cinq hommes vont dévoiler des pans de leur vie de solitude. Des vies peu radieuses, des vies de labeur et de souffrance, souvent familiale.
Il y a Gabriel (Joaquín Cosío), ce gros monsieur costaud avec ces imposantes lunettes, ancien chauffeur de camion. Il y a Atayde (Silverio Palacios), le bêtasson joyeux et enthousiaste non démuni de bonté, qui travaillait dans un cirque avant que celui-ci ne ferme ses portes. Il y a Pedro (Gustavo Sánchez Parra), le plus taciturne, le bad-boy qui parle peu. Et il y a Pablo (Américo Hollander) le plus jeune, avec ses écouteurs sur les oreilles et ses cheveux fou. Pablo et son rêve américain en tête. Pablo, le liant de ces quatre hommes sur lesquels pèsent un vécu trop lourd et malheureux.

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Sans vous raconter toutes les péripéties de cette curieuse petite entreprise, ce que l’on peut toutefois pour dire c’est que La Delgada Línea Amarilla nous a conquis avec sa simplicité, ses traits humour toujours bien dosés, son réalisme visuel (presque documentaire) et sa mise en avant de personnages touchants au possible. On est pris dans la langueur du cagnard que traversent ces cinq ouvriers, on sue à grosses gouttes avec eux sur cette route qui n’en finit pas, on rit à gorge déployées lorsqu’ils se détendent comme ils peuvent dans ce désert, et on est émus et attendris lorsqu’ils se dévoilent pudiquement, à leur façon. Ce long-métrage est un road-movie revisité (presque sans voiture), où la rencontre éphémère de cinq hommes que tout opposent va façonner un moment de vie d’une grande humanité.