Guerre & Paix, la série : Tolstoï à la sauce Jane Austen
SÉRIE – Quand la BBC adapte pour la télévision “Guerre & Paix”, la grande fresque historique de Tolstoï, on dit DA !
Diffusée en 2016 sur la BBC One, War & Peace (Guerre & Paix en français) est une série britannique réalisée par Tom Harper, connu pour son travail sur certains épisodes de Peaky Blinders et Misfits notamment. Au scénario, on retrouve Andrew Davies, qui avait déjà adaptés bon nombre de romans de Jane Austen : Orgueil & Préjugés (1995), Emma (1996), Northanger Abbey (2007) Raison & Sentiments (2008), ou encore Bridget Jones – L’Âge de raison.
En six épisodes de 60 minutes, la série suit assez fidèlement la grande fresque historique de Leon Tolstoï, dans la Russie du début du XIXe siècle. Achetée par France 2, Guerre & Paix ne devrait pas tarder à être diffusée dans l’Hexagone.
Vie mondaine et chair à canon
Acclamée et critiquée, War & Peace suit la vie de riches familles moscovites et pétersbourgeoises, entre intrigues amoureuses et politiques sur fond de campagnes napoléoniennes. Tournée principalement en Lettonie et en Lituanie, la série nous entraîne des salons mondains aux plaines autrichiennes et russes où les armées s’affrontent. Du salon du palais de Catherine au musée de l’Hermitage à Saint-Petersbourg en passant par l’Université de Vilnius et le château de Rundale en Lettonie, le spectateur ne s’ennuie pas. Salles de bal, de réception, jardins d’hiver, datcha… la vie mondaine luxueuse de ces familles d’élite nous passionne. Les costumes luxueux (robes, bijoux, uniformes…) et les beaux décors font rêver.
15 ans en 6 heures
Famille Bézoukhov, Bolkonsky, Kouraguine et Rostov… pas facile de s’y retrouver. Pourtant, Tom Draper propose un récit scindé en saynettes qui permettent au public de ne pas se perdre entre tous ces liens de parentés et affinités emberlificotées. S’il prend quelques libertés à des fins scénaristiques, l’adaptation nous a paru assez proche de l’œuvre originale, que ce soit les traits de caractère, l’aspect physique, ou le déroulement des événements. Certains personnages sont oubliés pour ne pas perdre le spectateur, certaines actions amplifiées, d’autres minimisées, ou coupées. N’oublions pas qu’il s’agit de plus de 1000 pages de roman relatant 15 ans d’histoire à capter en 6 heures de bobines. Naturellement, certaines libertés sont prises (la relation incestueuse entre frère et sœur Kouraguine notamment, qui a fait scandale) afin de pulser le récit et attirer le chaland.
L’accent est plus mis sur les relations plus-si-affinités que sur la description de la vie au front, les discussions tactiques et les féroces batailles entre les troupes françaises, autrichiennes et russes, qui comptent bien pour 50% de l’œuvre papier. Choix éditorial dira-t-on. Une série batailles napoléoniennes et carnage aux canons et sabres aurait peut-être été moins vendeuse que sentiments/tromperies/mariages/sexe dans le monde aristocrate et militaire pétersbourgeois. Tmtc.
L’étiquette BBC, gage de qualité ?
Les puristes râleront d’autant plus que le casting est anglo-saxon, tous les dialogues sont donc logiquement en anglais. Quelques interjections et chants sont en langue originale, histoire de. Niveau casting, les fans de séries britanniques seront ravis (je me compte dans le lot). À part Paul Dano dans le rôle de Pierre Bézhoukov (Little Miss Sunshine, Okja), on retrouve un casting très BBC-like avec James Norton (Grantchester, Happy Valley), Lily James (Downton Abbey), Jack Lowden (The Passing Bells), Jessie Buckley (Taboo), Gillian Anderson (The Fall), mais aussi les grands Jim Broadbent et Brian Cox… Ça a de la gueule, comme dirait l’autre. Pas de surjeu à mon goût, mais un peu de lyrisme culcul la praline dans certaines répliques.
En plus d’un casting de grande qualité, les images sont soignées (comme toujours avec la BBC), les enchaînements fluides. Le scénariste n’hésite pas à avancer de plusieurs années pour le bien du récit. Le spectateur suit avec attention les aventures et le développement des personnages principaux : le chemin de rédemption pour Pierre Bézhoukov, l’apprentissage du jeune Nicolas Rostov, la quête de l’amour pour Natasha Rostova, la vie de débauche d’Hélène Kouraguine, les désillusions du sombre prince André Bolkonsky…
Pour nous, le défi est relevé haut la main. Cette adaptation de Tolstoï à la mode Austenienne offre aux spectateurs une série grand public, léchée et de qualité. Il ne s’agit pas d’une série fidèlement attachée à l’œuvre originale. Impossible. Il s’agit des regards rêveurs d’Andrew Davies et de Tom Harper sur l’un des plus grands classiques et chefs d’œuvres de la littérature russe.
► War & Peace, le 25 décembre et 1er janvier sur France 2