Charlie Cunningham et Lucy Rose : la fine fleur du folk anglais
LIVE REPORT – Soirée de beau folk anglais au Centre Phi, avec la douce Lucy Rose et l’excellent Charlie Cunningham en première partie.
Il y a des moments dans ta vie, où tu te poses beaucoup de questions existentielles. Des interrogations sur les choix que tu as faits, les décisions que tu as prises. Souvent, ce sont des périodes où certains pans de ta vie sont plus lâches qu’ils ne sont supposés l’être. Et puis soudainement, quelqu’un, ou quelque chose te redonne de la force, du courage. Pour moi, c’est souvent de la musique, un groupe, un artiste, des émotions, des poils qui se dressent. Hier, ce sont Charlie Cunningham et Lucy Rose qui ont réussi à me faire lâcher prise. Deux heures de pur bonheur.
La caution Cunningham
La dernière fois que je voyais Charlie Cunningham, c’était aux Trois Baudets, à Paris. Il était en tête d’affiche et en groupe. Mais ce soir à Montréal, au Centre Phi, il est l’opening act de Lucy Rose, et surtout, il est de nouveau en solo. Comme on l’a connu, comme on l’aime tant. Le set est court forcément puisqu’il s’agit d’une première partie. Bien malheureusement… Installé fidèlement sur sa chaise, il lui suffit de sa guitare, de ses doigts magiques et de son timbre de voix pour séduire la salle, bien remplie. Le public est si attentif, que je suis presque gênée de prendre des photos. Il ne faut pas attendre longtemps avant d’entendre un “beautiful !” lancé discrètement depuis les premiers rangs. Ça fait sourire l’Anglais. Beau, bien sûr que ça l’est. On vous le dit et redit depuis maintenant trois ans.
Pourtant, Charlie a failli ne pas jouer ce soir-là, c’est lui qui nous le raconte. Il nous soumet son hypothèse d’intoxication alimentaire qui l’a rendu malade toute la journée. Heureusement, ça va un peu mieux. Mais il n’est pas sûr que la bière qu’il sirote entre deux chansons aide son estomac. En tout cas… il est sur scène et en guitare-voix et blagueur. Impossible de faire mieux que ça. Il parcourt son catalogue de chansons, de “Lights Off” à “You Sigh” en passant par “Blindfold”, “While You Are Young” et “Minimum” en guise de conclusion. Le set est efficace et musicalement, c’est toujours aussi parfait. Le Centre Phi fait un petit triomphe à Charlie qui donne rendez-vous aux Montréalais pour un prochain concert, plus long, et avec son groupe. Peut importe la date, on en sera.
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Lucy Rose, l’ange qui passe
Cinq ans que Lucy Rose n’était pas venue jouer à Montréal. Pour ma part, je ne l’avais jamais vue en live, j’en sors comblée. Elle débarque sur scène en trio, accompagnée par deux multi-instrumentistes qui passent de la basse à la guitare, du piano au violon. Lucy Rose est en tournée pour son dernier album, Something’s Changing sorti en juillet 2017. Ce disque-là, elle y tient beaucoup, il est né d’un voyage en Amérique du Sud après une grosse remise en question. Devait-elle poursuivre sa carrière de musicienne ? Toutes ces anecdotes, elle nous les raconte comme de petites histoires croustillantes teintées d’humour et de bienveillance. Le public est suspendu à ses lèvres.
Il règne une atmosphère très apaisante dans le Centre Phi. L’univers musical de la folkleuse y est clairement pour quelque chose. La douceur des accompagnements tout en subtilité et finesse relève admirablement le timbre de voix raffiné de l’artiste, au vibrato maîtrisé. J’ai le sentiment de flotter sur un nuage, quelques rayons de soleil me réchauffant le corps, tandis qu’une petite brise fraîche vient délicatement me rafraîchir le visage. Impossible de s’ennuyer, entre les interprétations des dansantes “Strangest of Ways”, “Middle Of The Bed”, la très Feistienne “Love Song” et les special requests du public “Night Bus” et “Scar” en guitare-voix, extraits de ses précédents albums. Même quand elle se trompe de tonalité sur “Scar” ou qu’elle renverse sa bière par mégarde sur scène au paroxysme de “I Can’t Change It All”, notre attention ne baisse pas. Elle s’excuse, et nous dit en riant : “cette chanson est tellement bien, je me sens si triste de l’avoir gâchée… Je n’ai jamais dit que j’étais professionnelle !”
C’est avec la belle “Shiver” que Lucy Rose conclue son concert en faisant chanter le public, “And if we turn back time, could we learn to live right”… Les sourires sont sur toutes les lèvres, les cœurs apaisés. Elle remercie une nouvelle fois le Centre Phi, et s’échappe. Un ange est passé.
Photos : Emma Shindo