Un soir d’août 2009, Oasis éteint la bande-son de nos nineties
RUBRIQUE NÉCRO – Le 28 août 2009, Oasis se séparait, en plein festival Rock en Seine à Saint-Cloud. Arte a diffusé vendredi dernier le docu « Oasis : Supersonic » et on ne peut que vous le recommander en Replay.
On sait tous ce que l’on faisait précisément le 11 septembre 2001, puis hélas, lors de telle ou telle autre date tristement marquante depuis, lors d’autres (trop nombreux) attentats… Il semblerait que la fin d’Oasis était une mort annoncée depuis des années, et non pas la surprise du siècle, car pour être honnête, j’étais à Rock en Seine cette année-là, et il m’a fallu quasi une heure de réflexion, de recherche du reste de la programmation, de SMS à mon entourage, pour m’en souvenir !
J’ai vécu cet événement en direct, et je n’en garde pas le moindre souvenir. Cela fait partie de ces moments, comme dans votre enfance, où vous ne savez plus si vous vous en souvenez vraiment, ou si à force d’avoir entendu l’anecdote racontée par Mamie Simone, et regardé les photos, vous vous souvenez du souvenir commun, mais pas de votre propre expérience. Il semblerait que les frasques à répétition des terribles frères Gallagher avaient déjà trop lassé le public. Cette énième dispute à l’époque fut accueillie par des soupirs agacés plus que des larmes et des arrachages de cheveux. Elle ne révèle finalement son importance décisive qu’aujourd’hui, avec le recul des dix années passées. Car oui, musicalement parlant, une page d’histoire se tournait, une époque se terminait.
« Oasis : Supersonic » ou la genèse de la légende
Le documentaire est une plongée dans l’histoire du groupe et dans la dynastie familiale Gallagher. Il crédite au générique en tant que producteurs exécutifs, sur deux lignes distinctes et séparées, Liam puis Noel. Réaliste, sans concession, cash, à l’image des deux insupportable lads de Manchester. Ce qui vous interpelle dès les premières images, ceux sont les images justement ! Et notamment la quantité d’images filmées des deux frères à une époque où ils n’étaient rien ni personne.
Alors ok les caméscopes étaient à la mode dans les années 90, qui ne s’est pas coltiné le voyage des voisins au Kenya pendant de trop longues soirées d’hiver ? Mais pour autant, jeunes quarantenaires contemporains des Gallagher, avez-vous les souvenirs filmés de vos premiers bœufs, de vos bastons fraternelles et autres beuveries ? Le cadre est posé : les Gallagher n’étaient pas « Messieurs tout le monde » et non seulement ils le savaient, mais ils le revendiquaient déjà, et leurs égos surdimensionnés étaient déjà un gros, gros sujet dans leur quotidien.
Team Liam ou Team Noel ?
Pendant ces deux heures de documentaire vous allez avoir tout le temps de redécouvrir la personnalité de chacun, leur rôle et job dans le groupe, et de vous faire votre propre opinion sur lequel était finalement le plus insupportable et le plus barré !
Ces deux-là, comme le décrit Noel, sont comme chien et chat. Noel, le chat dans cette histoire, déteste la joie de vivre, l’énergie et le besoin d’affection du chien, Liam donc. Curieusement, c’est d’ailleurs principalement cette version de l’histoire qui nous est contée. On n’entend moins Liam se prononcer sur son frère. Les sales gosses ne s’épargnent rien, se battent, qui a balancé un objet sur la gueule de l’autre, qui se prend un coup de batte.
Pourtant, en regardant leurs regards sur scène, c’est bien de l’amour et un don musical partagé que l’on voit. Une alchimie qui est juste évidente. Et au regard du succès bien moindre de leurs carrières solo respectives, c’était seulement ensemble que la magie opérait. A leur grand désespoir certainement.
On n’échappe parfois pas à sa génétique
Leur mère a fui avec ses trois garçons sous le bras un mari alcoolique et brutal. Ce père indigne y est décrit sans pathos. Même si les deux se confient sincèrement (pour une fois, et pour notre plus grande surprise) sur l’indéniable influence de ce paternel sur leur carrière. La rage et la haine qu’ils ont entretenues à son égard furent le moteur pour avancer et ne jamais rien lâcher. So fuck off old bastard but thanks, somehow… La violence de Liam qui aimait en découdre fut notamment un des éléments qui permit au groupe d’accéder au statut de rock star. L’attitude punk, et ce encore plus au Royaume Uni, est ce qui force le respect selon les Gallagher, ils le disent : « c’est par leurs écarts et leurs attitudes I don’t give a fuck que l’on aimait les rock stars que l’on écoutait ».
Noel est décrit comme moins violent physiquement, sauf à l’égard de son frère. Mais, il l’était tout autant dans ces déclarations provocantes. Le documentaire le rappelle, nous étions dans une ère sans internet ou à ses débuts. Pour exister il fallait être provocateur et violent. Cette recette supposément parfaite, causera des pauses au cours de leur carrière, pour finalement être la raison de leur rupture. A ce jour, et très certainement, définitive.
La baston de trop
Le documentaire se termine en 1996 sur les deux dates de concert absolument historiques à Knebworth, regroupant plus de 250 000 spectateurs. Même si Liam et Noel ne se parlent déjà plus lors de la sortie du documentaire en 2016, il semble évident que leur volonté commune est d’y montrer Oasis à son apogée et de rappeler, s’il est nécessaire, que sa musique a changé de manière irrémédiable l’histoire du rock.
Oui Noel a raison, leur musique est passée à la prospérité et se jouera encore dans 50 ans. La fin du groupe, que ce soit le creux de la vague dans les années 2000, ou le fameux concert annulé de Rock en Seine en 2009 n’y est pas abordée. Une prune jetée sur un mur en loge par Liam, puis une guitare utilisée par ce dernier comme une hache contre Noel signèrent la fin d’Oasis.
Amy Winehouse, Pete Doherty et les frères Gallagher étaient les spécialistes du genre à l’époque. Viendront-ils ou non ? Liam sortira-t-il de scène avant la fin ? C’était ce qu’avait le public en tête en se rendant à chacun de leur concert. Alors là, à Rock en Seine, peu d’effet de surprise : une fois de plus, vous vous en branlez les gars. Sauf qu’il n’y aura pas de retour en arrière. Cette dispute qui, de prime abord, ne semble pas différente des précédentes. En réalité, elle éteindra la bande-son de la fin des années 90.
Car c’est de ça dont il est question dans ce documentaire, et qui va vous foutre le cafard. Cette époque de créativité musicale au Royaume-Uni dans les années 90, début 2000 (et aux US même) est révolue. Elle s’est notamment éteinte avec la fin d’Oasis. Il se passait quelque-chose d’incroyable à l’époque mais nous le vivions, donc nous n’en avions pas forcément conscience. Il n’y avait pas de télé-réalité poubelle, pas de Jul, pas de PNL, pas de planète en feu… Sans avoir aucune nostalgie pour les lycéens boutonneux que nous étions, regarder « Oasis : Supersonic » nous rappelle que oui, parfois, sous certains aspects, c’était mieux avant…