“Labyrinthe” de Feu! Chatterton : un album dans lequel se perdre avec bonheur
CHRONIQUE — Trois ans après “Palais d’argile”, Feu! Chatterton revient avec “Labyrinthe”, un disque envoûtant qui explore le temps, l’identité et la fragilité humaine.
On l’attendait, impatiemment. Le précédent album de Feu! Chatterton Palais d’argile, couronné disque de platine, était sorti en 2021. Autant dire que l’on trépignait. On s’est même aventuré à faire une partie de leur petit jeu vidéo pour écouter quelques secondes de chaque titre… Et quelle joie de les retrouver pour nous accompagner en cette rentrée de septembre.
Feu! Chatterton commence fort
Aux prémices, pour nous mettre l’eau à la bouche, est paru le single à l’accent de tube estival “Allons voir”. Il tombait à pic suivi quelques semaines après de “Mille vagues”. Un titre bouleversant sur la perte d’un être cher parti soudainement, du jour au lendemain. En rendant hommage à leur ami Jean-Philippe Allard, producteur de musique et directeur de Polydor, Feu! Chatterton a su écrire une chanson universelle sur le deuil et la désorientation des proches face à cette épreuve.
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Il n’y avait pas trop de doute sur le fait que l’album allait encore être une pépite… On ne savait cependant pas trop sur quelles thématiques le groupe allait nous emmener, entre le premier titre sur le souffle de la vie et le deuxième, aux antipodes, sur la dernière expiration d’un proche. De quoi brouiller les pistes pour mieux s’aventurer dans le labyrinthe…
Une écoute sans issue
Au nom de l’album Labyrinthe, on n’est pas surpris de se perdre dans un dédale de thématiques qui se répondent en écho de morceau en morceau, une quête en somme. L’enfance, l’identité, le temps, la fragilité comme le deuil, sans oublier d’évoquer les questions actuelles en évoquant la migration (“Allons voir” et “L’étranger”) et la montée de l’individualisme fascisant (“Mon frère”). Un peu de politique sans verser dans la démagogie mais la poésie reste l’adage de l’écriture d’Arthur Teboul. D’images en métaphores les textes offrent plusieurs lectures possibles, comme autant de couloirs dans le labyrinthe.
Les titres de cet album évoquent une phase initiatique, le regard porté derrière, sur le passé, sur notre enfance, l’innocence perdue : “Je sais que le temps passe, je sais que l’on n’y peut rien, mais regarder les choses en face je ne sais plus bien” (“Ce qu’on devient”).
Comme pour moquer le cliché éculé par le critique musical de l’album de la maturité, le disque évoque le vieillissement et le délitement de l’idéalisme dans l’âge adulte : on entend l’errance, la peur face au temps qui file et le sentiment d’être tout petit face à ça. Notre adulte a grandi trop vite : “nos rêves d’enfant, libres et triomphants, où sont-ils à présent ?” (“À cause ou grâce”). On ne saurait céder à l’amertume, il faut accepter sa fragilité (“Baisse les armes” et son discours qui défriserait un masculiniste) et vivre pleinement tant qu’il est toujours temps (“Allons voir”, “Cosmos Song”). Quand bien même, l’ombre se confond avec la lumière, il est difficile de garder ses repères comme le questionne le titre “L’Alcazar” : “Le bien, le mal, comment savoir ?” ou encore “Monolithe” : “Nous cherchons partout, les yeux dans le noir. Nous cherchons toujours, les yeux dans le noir”.
Un cri du cœur
Dans ce dédale, le groupe s’amuse à jouer des styles, en mutation toujours entre la pop, les ballades, la chanson française, le folk, le rock progressif et l’électro. Rien de plus curieux que de s’aventurer sur la chanson titre “Le Labyrinthe”, un rock pop électronique aux airs latinos. Le son de la variété française très années 1980 avec le synthé surprend dans “Ce qu’on devient”. Des morceaux généreux tant dans leur durée que dans leurs arrangements. On sent que le groupe s’est amusé à construire ce labyrinthe.

Digne héritier de la trajectoire électro-pop entamée dans Palais d’Argile, Labyrinthe creuse le sillon en y ajoutant une portée plus rock, plus énergique avec une aisance et une grande liberté. Feu! Chatterton déroule un grand disque avec une fluidité insolente. Treize chansons, servies par une cohérence de l’écriture, font de ce disque leur œuvre majeure. Le chant maîtrisé, ingénieux, qu’Arthur Teboul déroule telle une invitation à y retourner pour mieux retrouver cet album précieux.
L’album écouté, adoré, on a hâte de l’entendre sur scène avec la générosité inhérente qu’offrent les cinq membres du groupe. Ils célébreront leurs quinze ans de carrière sur la scène de l’Accor Arena, à Paris le 10 et le 11 février prochain. Et cela donne envie de souffler la bougie avec eux.
Autres dates : le 20 novembre à l’Autre Canal (Nancy), le 29 janvier au Liberté (Rennes), le 8 février à la LDLC Arena (Lyon), le 4 mars au MTelus (Montréal), le 5 mars au Capitole (Québec).
Billetterie et dates à retrouver par ici : http://feuchatterton.fr/concerts
Labyrinthe – Feu! Chatterton (indépendant), sortie le 12 septembre 2025
Texte : Mathilde Lebecq et Damien Terral – Photo : Fifou
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