La fille qui avait peur d’être blasée

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C’était il y a quatre ans. J’avais le cul entre deux chaises. Il y avait mes études qui me faisaient royalement chier et cette passion pour la musique qui occupait chaque parcelle de mon esprit. Quand je n’avais pas le nez dans les codes et les traités internationaux, je passais des heures à me promener sur les pages Myspace pour découvrir des nouveaux sons, des nouveaux artistes. Ma collection de deux cents cds ne me satisfaisaient plus et je n’avais plus le temps d’errer dans les allées de la Fnac et de Gibert Joseph pour acheter des albums au hasard. Vint alors, le moment où il fallait faire quelque chose. Un choix. Une orientation. Le droit ou la passion. J’aimais écrire, j’aimais parler de mes albums et artistes fétiches, j’ai fait quelques stages dans des rédactions musicales. Bien sûr, on me parlait des blogs, je connaissais celui du Hiboo, bien sûr, et la Blogothèque évidemment. Mais pour moi, c’était une planète lointaine, une nébuleuse à l’époque. Et puis, un jour, je me suis lancée. Je me suis dit pourquoi pas moi. J’écrivais pour quelques sites mais je ne parlais pas vraiment des artistes que j’aimais.. Je me sentais si frustrée. J’ai crée RockNfool qui s’appelait auparavant le blog de Swann (trop perso) puis It’s Only Rock and Folk but We Like it (trop long).

C’était il y a quatre ans, j’étais un peu plus jeune qu’aujourd’hui, pleine de joie de vivre, de passion, de panache. Bref, fraîche. Je pestais contre ces gens en concert qui se tenaient droit comme des piquets et qui avaient l’air d’avoir envie d’être partout sauf ici. Je me disais, non moi jamais je ne serai blasée. Les années passent. L’envie est de moins en moins là, les rencontres sont de plus en plus décevantes. Étrangement, tu te plais à discuter avec Tokio Hotel et Patrick Bruel et à haïr “les artistes indépendants’ qui se prennent tellement au sérieux qu’ils en deviennent détestables. Tu te rends compte que la planète musique est une planète à l’engrais mauvais. Qu’elles transforment les gens, mais elles ne deviennent jamais des projections d’elles-même en mieux. C’est tout le contraire. Tu te rends compte que les personnes qui gravitent ne sont là que pour tirer partie de la lumière qui illumine certains artistes pour se mettre eux-même en avant. Que les artistes connus par une centaine de parisiens à tout péter ont un boulard que même David Bowie ne prétend pas avoir. Que tu donnes énormément de ta personne, de ton temps pour essayer de faire un travail bénévole pour pas grand chose au final. Tu te rends compte que finalement, faire des chroniques d’albums, des live reports d’illustres inconnus, des portraits, des interviews que tout ça ne sert pas à grand chose. Et que, de toute manière, tu es spectateur d’un naufrage annoncé depuis déjà quelques années mais que personne n’essaie de sauver. La Musique, c’est devenu un quelconque produit. On vend celui qui est le plus susceptible de plaire au public. Un beau gosse tatoué, une belle blonde un peu trash si possible, un groupe d’adolescents qui feront craquer les minettes, des artistes périmés qui reprend des chansons d’artistes d’un temps passé. Le bateau prend l’eau de toute part.

C’était il y a quatre ans, je m’étais promis de ne pas être blasée. Je me suis menti à moi-même. La passion est là mais elle s’amenuise jour après jour. Se réduit en peau de chagrin. Arrive même un moment où, les concerts ne procurent plus aucun plaisir, ils deviennent même une corvée. Je deviens une mauvaise projection de moi. Me voilà connasse, hateuse, hargneuse, constamment énérvée. Tout ce que j’ai toujours refusé d’être. L’engrais est vraiment, vraiment mauvais. Merde, me voilà blasée. Pire, dégoûtée. De la musique ? Un peu. Ou plutôt du cirque qu’il y a autour, des faux-semblants, des artistes faussement talentueux qui réussissent, des artistes vraiment talentueux qu’on oublie. Du harcèlement de certains labels ou attachés de presse pour parler de leur musique à chier, qui t’obligent à écrire des louanges non méritées, qui te remontent les bretelles quand tu oses dire que c’était de la merde. Des concerts bons ou mauvais où les hommes et femmes en costumes n’ont aucun respect pour ceux qui sont sur scène. Des meufs qui estiment, qu’on ne ‘t’invite que pour ton cul‘. Des mecs qui ne te donnent aucune crédibilité parce que, c’est bien connu, quand tu as des seins tu n’as pas de cerveau. Des blogueurs qui se demandent quel concert est le plus spectaculaire à shooter (ceux-là même parviennent à se convaincre eux-même que Shaka Ponk c’est nien). Dégoûtée par ceux qui ne côtoient l’International ou le Bus P. uniquement pour pouvoir faire du name-dropping dans les soirées branchées. Oui, bien sûr je connais un tel, c’est mon buddy. Mais évidemment, qu’on est pote, on a bu des bières en regardant le Mondial.

Récemment, j’ai pensé à tout arrêter. Arrêter de bloguer, arrêter d’aller à des concerts, arrêter de courir après des jeunes talents inconnus qui refusent une interview parce qu’on est pas les InRocks ou Télérama. Et puis, une nuit sans vraiment m’y attendre, je clique sur une vidéo YouTube d’un groupe que je ne connais pas. Le temps s’arrête, se suspend. Des frissons parcourent l’échine. Une larme coule peut-être sur la joue. Ca dépend du moment. Mais voilà, il y a une mélodie et une voix en diparlent directement à l’âme. La flamme s’embrase de nouveau. C’est cette source-là qui anime de nouveau la passion… RockNfool ne durera pas éternellement. Heureusement de temps en temps, des artistes parviennent à rallumer la mèche.

Osca – Illume

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